Le service de presse du ministère des Finances, contacté par L’Orient-Le Jour, a démenti hier les informations rapportées plus tôt par l’agence Reuters selon lesquelles Ghazi Wazni avait proposé un nouveau swap (opération d’échange de titres de maturité différente) aux banques libanaises détentrices d’eurobonds.
Citant une source anonyme proche du dossier, l’agence avait précisé que l’opération consisterait en un échange de titres détenus par les établissements libanais (sans préciser quelles échéances), contre de nouvelles obligations émises par l’État à des « taux d’intérêts moins élevés ». La source avait en outre ajouté que les banques n’avaient pas encore donné suite à cette proposition et que d’autres options étaient sur la table.
Ces nouvelles informations contradictoires surviennent dans un contexte fiévreux. Le gouvernement Diab discute actuellement avec les créanciers du Liban et doit en principe décider d’ici à samedi de rembourser ou non les prochaines échéances d’eurobonds (les titres de dettes publiques en devises émises par le Liban), dont une première série de 1,2 milliard de dollars à solde le 9 mars. Un tournant aussi délicat que décisif, qui l’a poussé à recruter deux cabinets internationaux pour l’épauler dans ses négociations avec les créanciers, notamment étrangers, ces derniers ayant récemment renforcé leurs positions en rachetant des eurobonds à certaines banques du pays qui souhaitaient débloquer des liquidités dans l’urgence.
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Le swap évoqué par la source citée par Reuters est similaire dans l’esprit à celui suggéré dimanche par le président de l’Association des banques du Liban, Salim Sfeir, dans un entretien à Bloomberg. Il n’avait toutefois pas non plus donné de détails. Le banquier, PDG de la Bank of Beirut, avait en outre estimé que cette opération était « la meilleure solution » pour « rembourser la dette du pays ».
Le swap demandé par Salim Sfeir diffère de celui proposé fin décembre aux banques libanaises détentrices d’eurobonds par le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé. Il leur avait en effet suggéré d’échanger des obligations de longue maturité détenues par la BDL contre d’autres détenues par les banques et arrivant à échéance cette année. L’opération devrait lui permettre d’éviter autant que possible de trop puiser dans ses réserves de dollars. Décrié par les agences de notation, qui l’ont considéré comme une « mesure de détresse », ce swap a été compromis après que certaines banques ont décidé de céder leurs eurobonds de 2020 sur le marché secondaire.
Mardi, le prédécesseur de Ghazi Wazni, Ali Hassan Khalil, indiquait dans un entretien à l’agence Bloomberg que les autorités libanaises envisageaient de demander aux banques locales de racheter les eurobonds qu’elles ont récemment vendus à des fonds étrangers. Les autorités ne peuvent leur imposer d’accepter cette option.
Il reste que les banques libanaises, qui ont cédé une partie de leurs eurobonds arrivant à maturité en 2020 à des fonds étrangers, l’ont fait en établissant des accords spécifiques avec ces fonds en question, dont Ashmore, une société de gestion londonienne active sur les marchés émergents. Ashmore possède désormais un milliard de dollars d’obligations du Liban, dont près de 300 millions en obligations de mars 2020. Selon les informations de L’OLJ, ces accords étaient fondés sur deux scénarios : soit Ashmore réussit à faire pression pour obtenir le remboursement des échéances de 2020, soit il échoue et les banques lui rachètent les titres qu’elles lui avaient vendu. Le fait que le second scénario soit actuellement le plus plausible expliquerait pourquoi Salim Sfeir s’est exprimé la semaine dernière en faveur d’un swap avec le ministère des Finances.
Les contrats noués par les banques avec des fonds étrangers sont aussi l’un des principaux motifs ayant conduit le procureur financier, le juge Ali Ibrahim, et sept autres juges du parquet financier à entendre lundi les dépositions de 15 propriétaires et présidents de conseil d’administration de banques libanaises, suite à une requête de la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm. Ce à quoi le bureau de presse de Salim Sfeir a réagi hier matin en expliquant que « ces entretiens ont permis au juge Ibrahim de connaître la vérité sur la situation des banques au Liban, loin des rumeurs, et de mettre les points sur les i sur la vérité des mesures prises par les banques depuis le début de la révolution, l’état de leurs capitaux et le prix élevé qu’elles ont payé – 60 cents par dollar – pour assurer la fourniture en devises étrangères », avant d’assurer que « les banques sont attachées à la pérennité des dépôts de leurs clients ».
Le bureau de presse de M. Sfeir dénonce également dans ce communiqué une campagne de désinformation visant le secteur : « Le secteur financier et plus particulièrement le secteur bancaire sont la cible d’une campagne enragée de désinformation et de fausses rumeurs causant des pertes pour l’économie libanaise. »
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