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Cinéma - À l’affiche

« Il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes »...

La 45e cérémonie des Césars a consacré vendredi dernier Ladj Ly pour son premier long-métrage « Les Misérables » avec le César 2020 du meilleur film.


Alexis Manenti, Djebril Didier Zonga et Damien Bonnard dans « Les Misérables ». Photo DR

Les manifestations devant la salle Pleyel, les polémiques et autres crises internes dans le monde du 7e art français n’ont pas empêché ce soir-là la cérémonie des Césars de se dérouler comme prévu, malgré un climat très orageux. Florence Foresti en maîtresse de céans réussit maintes fois à détendre l’atmosphère. Les statuettes sont distribuées aux heureux gagnants qui auront marqué l’année 2019. C’est au grand bonheur de tous que l’œuvre de Ladj Ly, Les Misérables, partie avec plus d’une dizaine de nominations, remporte quatre Césars, dont celui attribué au meilleur film. Un prix bien mérité pour ce film auparavant nominé aux Oscars pour le meilleur film étranger.

Entre fiction et documentaire, l’action se déroule sur une durée de 24 heures. Insoutenable, haletante et puissante, l’histoire ne va pas tarder à basculer dans un thriller et retenir le spectateur dans une tension à couper le souffle. Rien à dire sur le plan cinématographique. La maîtrise technique du réalisateur qui multiplie mouvements (justifiés) de caméra et plans inhabituels s’y révèle captivante, bien servie par un montage efficace. Un film à la fois politique, social et de suspense qui illustre avec beaucoup d’acuité la vie intenable des habitants abandonnés à leur sort. Les Misérables suit une brigade anticriminalité (BAC) dans une banlieue parisienne (Montfermeil), une véritable poudrière à laquelle les flics vont mettre le feu. Le trio – Chris (Alexis Manenti), autoritaire et partial, et Gwada (Djebril Didier Zonga), son partenaire taciturne, encadrant Stéphane (Damien Bonnard) – offre une interprétation impeccable. Ils entament une tournée du quartier dévasté par la drogue, partiellement repris en main par les Frères musulmans. Une occasion pour le réalisateur, par le regard de Stéphane, de dresser un état des lieux et de leurs personnages-clés. Cela commence par une tournée de routine et s’achève par une scène cauchemardesque.


Pourquoi les misérables ?

Pour la raison que Victor Hugo aurait écrit son roman dans la ville de Montfermeil, là même où est censée se dérouler l’action du film. Mais les misérables de Hugo volaient du pain pour nourrir leurs familles, ou se prostituaient et vendaient leurs dents et leurs cheveux pour sauver leurs mioches. Tandis que dans le film de Ladj Ly, les enfants ont des portables et jouent avec des drones. Tout ce qu’ils volent, c’est un lionceau dont ils n’ont que faire. On n’est assurément pas dans le même monde. Mais on reste dans le dualisme qui oppose les bons et les méchants. Du côté des bons, le personnage charismatique entre tous est l’imam, un ancien dealer noir qui a trouvé le chemin de la paix, de la vérité et de la justice. Du côté des méchants, il y a le chef de la brigade, un mâle aryen, blond aux yeux bleus. À ses propos racistes, il ajoute la lâcheté.


Lorsque tout bascule

Ladj Ly entre dans le vif du sujet, pendant une interpellation de routine, alors que les policiers sont harcelés par un gang de jeunes. Racisme, discriminations et violences policières s’ensuivent. Des maux déjà dénoncés par Jean-Claude Brisseau (De bruit et de fureur, 1988) et Mathieu Kassovitz (La Haine, 1995, auquel Les Misérables fait allusion). Deux films qui avaient évoqué le désespoir des jeunes banlieusards, à la seule différence que le réalisateur de ces Misérables-là est lui-même un habitant de la cité. Vu de l’extérieur, on aurait pu croire que le spectateur n’aurait pas de problème à prendre parti. Sauf, et c’est là que réside le brio de Ladj Ly, on n’y arrive pas ! Le manichéisme laisse la place à une nouvelle acceptation du bien et du mal. Le film ne laisse personne indemne et pousse à réfléchir longtemps sur ces problèmes sociaux qui peuvent résonner d’une manière universelle. « Il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs. » C’est par cette citation extraite des Misérables (1862) de Victor Hugo que le cinéaste de 39 ans choisit de terminer son film.

Les manifestations devant la salle Pleyel, les polémiques et autres crises internes dans le monde du 7e art français n’ont pas empêché ce soir-là la cérémonie des Césars de se dérouler comme prévu, malgré un climat très orageux. Florence Foresti en maîtresse de céans réussit maintes fois à détendre l’atmosphère. Les statuettes sont distribuées aux heureux gagnants qui...

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