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Moyen-Orient - Analyse

Idleb : Erdogan face au piège de Poutine

Les présidents russe et turc, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, le 10 mars 2017 à Moscou. Alexander Zemlianichenko/AFP

Cela ne fait aucun doute : en Syrie, le tsar est plus fort que le sultan. Son contrôle de l’espace aérien lui offre la possibilité de faire subir de lourdes pertes à son adversaire, de l’obliger à reculer jusqu’à ce qu’il n’ait plus d’autre choix que de se retirer. Dans la province d’Idleb, Vladimir Poutine a les moyens d’humilier Recep Tayyip Erdogan. A-t-il pour autant intérêt à le faire ? La réponse est loin d’être évidente.

La reconquête de la dernière province aux mains des rebelles et des jihadistes s’inscrit dans la continuité du plan russe en Syrie : imposer sa paix, sur les ruines et dans le sang, pour que plus personne ne puisse contester le maintien au pouvoir de Bachar el-Assad. L’offensive russo-syrienne, à laquelle participent par ailleurs les Iraniens, a pour objectif de fermer définitivement la parenthèse de la révolution syrienne. À la faveur des bombardements intensifs, qui visent spécifiquement les infrastructures civiles, les forces loyalistes progressent à grands pas et poussent Ankara, parrain des rebelles et disposant de douze postes d’observation à Idleb, à céder du terrain. Mais la Turquie résiste, en témoigne la reprise jeudi par les rebelles de la ville stratégique de Saraqeb qui relie Alep à Damas et à Lattaquié, et refuse d’accepter le diktat de son partenaire russe. Alors Moscou décide d’en remettre une couche et de frapper un grand coup contre Ankara, suffisamment fort pour lui tordre le bras et le convaincre de rebrousser chemin. Mais peut-être tellement fort, dans le même temps, que cela l’incite au contraire à engager plus de forces dans la bataille. C’est dans ce contexte qu’il faut appréhender les frappes ayant tué au moins 33 soldats turcs dans la nuit de jeudi à vendredi et qui ont d’abord été attribuées à la Russie avant d’être imputées à Damas. Difficile d’imaginer, dans tous les cas, que Moscou n’ait pas donné son aval à cette attaque, d’autant plus que le ministre russe de la Défense a affirmé hier que les soldats turcs avaient été touchés car ils se trouvaient parmi des « unités combattantes de groupes terroristes ». Qu’il semble loin le temps où le président turc et son homologue russe surjouaient leur alliance en inaugurant le gazoduc TurkStream à Istanbul, qui relie la Russie à la Turquie en passant par la mer Noire, célébrant par la même occasion la livraison du système de missiles antiaériens russes S-400 à la Turquie. C’était pourtant il y a moins de deux mois. La crise d’Idleb est depuis passée par là et a montré l’évidence : la supposée alliance russo-turque repose sur des intérêts le plus souvent antagonistes. Si ce n’est leur hostilité commune vis-à-vis de l’Occident, dont ils veulent contester la domination mondiale, leur mépris pour les démocraties et leur désir de revanche sur l’histoire, la Turquie et la Russie ont tout pour être, au mieux, de sérieux concurrents. L’histoire l’a prouvé à maintes reprises.

Erdogan s’est servi de Poutine comme d’un moyen pour émanciper la Turquie du giron occidental et pour l’installer, sans nécessité d’avoir recours à l’OTAN, à la table des décideurs au Moyen-Orient. Poutine s’est servi d’Erdogan pour parvenir au même objectif mais avec une tout autre intention. Isolée de ses alliés occidentaux, la Turquie devient vulnérable et ne peut rivaliser, en tête à tête, avec la Russie qui devient, logiquement, la maîtresse du jeu.

Pas qu’une question de fierté

D’un point de vue tactique, le maître du Kremlin a sûrement raison de pousser ses pions. Moscou sait qu’Ankara n’a pas les moyens d’une confrontation directe avec la Russie sans le soutien occidental. Il sait aussi que la Turquie a poussé si loin l’hostilité antioccidentale que personne ne devrait désormais venir à son secours. L’échange téléphonique entre les deux présidents hier et la possibilité d’une prochaine rencontre sont bien la preuve que la Turquie n’est pas prête à l’escalade. Mais d’un point de vue stratégique, c’est un pari pour le moins risqué. L’Ours russe a encore besoin de son partenariat avec la Turquie en Syrie, ne serait-ce que pour contrôler les rebelles.

Ankara ne peut pas tout céder à Idleb et ce n’est pas qu’une question de prestige ou de fierté. La Turquie ne peut pas se permettre de perdre le contrôle de cette zone voisine et stratégique à partir de laquelle risquent d’affluer encore des centaines de milliers voire des millions de réfugiés alors qu’elle en accueille déjà 3,5 millions sur son sol, qu’elle veut relocaliser dans le nord de la Syrie. Les frappes contre les soldats turcs ont poussé la Turquie à se tourner vers ses alliés occidentaux, offrant ainsi une occasion pour eux de peser à nouveau dans le conflit syrien et de briser la relation russo-turque. La question des Kurdes syriens, qui a été pendant longtemps l’épine dans le pied de leur relation en Syrie, n’étant plus sur le devant de la scène, rien ne semble empêcher les Turcs et les Occidentaux de faire désormais front commun sur ce terrain. Les Européens ont intérêt à éviter un nouvel afflux de réfugiés et les Occidentaux, en général, disposeraient, avec la Turquie, d’un bras armé sur le terrain susceptible de tenir tête à l’axe Moscou-Damas-Téhéran. C’est pour eux une occasion de ramener la Turquie dans la maison otanienne en la soutenant, au-delà des grandes déclarations, et en mettant en place, par exemple, une zone d’exclusion aérienne à Idleb. Compte tenu des relations récentes entre l’Occident et la Turquie, cette perspective apparaît toutefois improbable. L’escalade actuelle, et les risques de conflit direct entre grandes puissances qu’elle implique, démontre une nouvelle fois que la guerre syrienne est loin d’être terminée. En arrière-scène du conflit géopolitique, l’horreur que vivent les civils, bombardés depuis 9 ans sous le regard indifférent du reste du monde, devrait nous le rappeler à chaque instant.

Cela ne fait aucun doute : en Syrie, le tsar est plus fort que le sultan. Son contrôle de l’espace aérien lui offre la possibilité de faire subir de lourdes pertes à son adversaire, de l’obliger à reculer jusqu’à ce qu’il n’ait plus d’autre choix que de se retirer. Dans la province d’Idleb, Vladimir Poutine a les moyens d’humilier Recep Tayyip Erdogan. A-t-il pour...

commentaires (4)

On lit rarement du Samrani " engagé " dans son opinion. D'habitude il est FRILEUX quand il s'agit de parler des forces occidentales et alliées à celle ci. En réalité Poutine fait d'une pierre 3 coups. -Il ramène erdog-ane à sa plus simple expression après que celui ci ait ouvert très fort sa grande gueule -Il s'impose encore plus en tant que maître du ciel et de la terre en Syrie. -Il fait comprendre aux occidentaux alliés des wahabites MANIPULÉS par israel que leur défaite en Syrie du héros BASHAR sera bue jusqu'à la lie . Ne voyez pas de conflits ouverts entre la Russie et la Turquie, ni entre la Russie et les forces de l'OTAN, Poutine est plus astucieux que ça, il se fera un plaisir de provoquer un conflit A L'INTÉRIEUR MÊME DE LA TURQUIE SI BESOIN ÉTAIT. PAR LA CONFIGURATION DE LA TURQUIE OÙ PLUSIEURS ANTAGONISMES EXISTENT, POUTINE FERA SE LEVER DES FORCES CONTRE D'AUTRES, VOIR ENTRE TURCS SUNIITES EUX MÊMES. GULENT AUX USA EST TRÈS RANCUNIER .

FRIK-A-FRAK

14 h 15, le 29 février 2020

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Commentaires (4)

  • On lit rarement du Samrani " engagé " dans son opinion. D'habitude il est FRILEUX quand il s'agit de parler des forces occidentales et alliées à celle ci. En réalité Poutine fait d'une pierre 3 coups. -Il ramène erdog-ane à sa plus simple expression après que celui ci ait ouvert très fort sa grande gueule -Il s'impose encore plus en tant que maître du ciel et de la terre en Syrie. -Il fait comprendre aux occidentaux alliés des wahabites MANIPULÉS par israel que leur défaite en Syrie du héros BASHAR sera bue jusqu'à la lie . Ne voyez pas de conflits ouverts entre la Russie et la Turquie, ni entre la Russie et les forces de l'OTAN, Poutine est plus astucieux que ça, il se fera un plaisir de provoquer un conflit A L'INTÉRIEUR MÊME DE LA TURQUIE SI BESOIN ÉTAIT. PAR LA CONFIGURATION DE LA TURQUIE OÙ PLUSIEURS ANTAGONISMES EXISTENT, POUTINE FERA SE LEVER DES FORCES CONTRE D'AUTRES, VOIR ENTRE TURCS SUNIITES EUX MÊMES. GULENT AUX USA EST TRÈS RANCUNIER .

    FRIK-A-FRAK

    14 h 15, le 29 février 2020

  • Il ne faut pas sous estimer Erdogan.......

    HABIBI FRANCAIS

    09 h 50, le 29 février 2020

  • PRIS AU PIEGE QU,IL CROYAIT TENDRE AUX AUTRES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 34, le 29 février 2020

  • Un jour viendra prochainement où Erdogan suppliera Saint Vladimir de lui envoyer des renforts . Il se rendra compte un peu tard que l'Otan ne l'aidera jamais .

    Chucri Abboud

    01 h 41, le 29 février 2020

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