Le Hezbollah, un des principaux parrains du gouvernement de Hassane Diab, est sorti de son silence au sujet de la crise économique qui secoue le pays depuis des mois. Il a même imposé ses limites au cabinet en exprimant ouvertement son opposition radicale à tout recours à un plan de sauvetage élaboré par le Fonds monétaire international pour sortir le pays du fléau actuel.
Pour la première fois depuis le début du débat portant sur le recours à cette instance monétaire internationale, le parti chiite a brisé officiellement son silence hier, anticipant ainsi les étapes que l’équipe Diab entendait prendre dans la prochaine phase. Le secrétaire général adjoint du parti chiite, Naïm Kassem, n’a pas mâché ses mots en exprimant le niet catégorique du Hezbollah à tout recours à un éventuel plan mis en place par le FMI. S’exprimant lors d’une rencontre politique à Hay el-Sellom dans la banlieue sud de Beyrouth, le cheikh Kassem a déclaré : « La crise économique actuelle est le résultat de plusieurs accumulations. Nous avons besoin d’une solution, mais nous refusons de nous soumettre à des instruments hégémoniques. En d’autres termes, nous refusons de nous soumettre au FMI pour gérer la crise. » « Nous n’avons aucun problème quant aux conseils (que présente la délégation du FMI) et c’est ce que fait le gouvernement à l’heure actuelle », a ajouté le numéro deux du Hezbollah, avant de souligner que l’équipe Diab « peut élaborer un plan (de sauvetage) et prendre des mesures adéquates pour commencer à résoudre la crise sur le double plan économique et financier ».
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À travers ces propos, Naïm Kassem a compliqué davantage la lourde mission de Hassane Diab, qui se veut le chef d’un gouvernement capable de sortir le Liban du chaos actuel. Mais bien au-delà de ce message en direction du Premier ministre, les déclarations du dignitaire chiite tendent à prouver, une fois de plus, que le gouvernement risque sérieusement d’être lâché par ses propres parrains dans les moments de crises.
Sur un autre registre, c’est sous l’angle de leur timing que les propos de Naïm Kassem sont à analyser. Ils interviennent une dizaine de jours après le dernier discours de Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, le 16 février. Le dignitaire chiite avait alors réitéré son soutien indéfectible au gouvernement Diab. Il avait appelé les protagonistes hostiles à l’équipe ministérielle à lui accorder « un délai raisonnable » pour qu’elle puisse enregistrer des accomplissements.
Ce durcissement de ton de la part du Hezbollah aura sans aucun doute des incidences sur les décisions gouvernementales au sujet du recours, ou non, à un plan de sauvetage établi par le Fonds monétaire international, dont une délégation effectue actuellement une tournée à Beyrouth pour se faire une idée de l’ampleur de la crise. Une visite qui répond à une demande officielle libanaise pour une « assistance technique » de la part du FMI.
Sauf qu’au-delà de son opposition à un plan du FMI, le parti chiite ne présente aucune alternative, préférant renvoyer la balle dans le camp du Conseil des ministres. Le Hezbollah refuse de voir le pays pris en otage par les instances internationales, mais ne voudrait pas pour autant anticiper les décisions gouvernementales à ce sujet, et il revient au cabinet de prendre les mesures nécessaires, souligne une source proche du parti à L’Orient-Le Jour, se contentant de préconiser un rééchelonnement et une restructuration de la dette publique, alors que le Liban s’approche à grands pas d’une échéance, le 9 mars, pour le remboursement d’une série d’eurobonds d’une valeur de 1,2 milliard de dollars.
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Pas d’engagement officiel
Cette position catégorique de la part du Hezbollah intervient alors que son allié de longue date, le président de la Chambre Nabih Berry, mais aussi le ministre des Finances Ghazi Wazni, ex-conseiller du chef du législatif, se montrent favorables au recours au FMI. Comment expliquer cette divergence de points de vue au sein du tandem chiite ? Interrogé par L’Orient-Le Jour, Yassine Jaber, député berryste de Nabatiyé, tient à relever une nuance significative. « Pour le moment, le Liban n’a fait que solliciter le FMI pour une assistance strictement technique », souligne-t-il, faisant valoir que l’adoption d’un plan de redressement économique est liée à certaines conditions dont le Liban n’est probablement pas capable de supporter les conséquences. « Il s’agit notamment et par exemple d’une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée et sur l’essence », explique M. Jaber, appelant le gouvernement à appliquer les réformes exigées par la communauté internationale dans les plus brefs délais pour inspirer confiance aux pays amis et partenaires du Liban.
Même son de cloche du côté du Grand Sérail. Une source politique bien informée confie dans ce cadre que le cabinet a déjà mis en place un plan pour résoudre la grave crise économique et se contente pour le moment de l’aide technique du FMI. Il n’y a donc aucun engagement officiel sur ce plan. « Mais si le Premier ministre estime que le recours au FMI est le seul moyen de mettre un terme à la crise, il adoptera cette solution sans tarder », précise la source, estimant que les alternatives adéquates seraient sans aucun doute des mesures très dures.
De son côté, le porte-parole du FMI Gerry Rice a publié hier un communiqué dans lequel il a dressé le bilan de la mission de la délégation de l’instance monétaire dont il relève au Liban, depuis le 20 février. M. Rice a par ailleurs assuré que le FMI était « prêt à fournir davantage d’assistance technique au gouvernement libanais, lors de l’élaboration par le cabinet d’un plan de réformes économiques ».
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Enfin .... Le Soleil se découvre de derriere les nuages !
21 h 58, le 26 février 2020