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Politique - Justice

Charbel Khoury relâché après une journée de mobilisation en sa faveur

Dans un contexte de pression exercée par la rue, Charbel Cordahi, conseiller du chef du CPL, a annoncé qu’il comptait retirer sa plainte à l’encontre du jeune militant.

L’activiste Charbel Khoury. Photo tirée de la page FB de Beyrouth Madinati

La bataille pour la liberté d’expression a finalement vaincu hier la vague liberticide qui déferle sur les blogueurs, activistes et journalistes pour anéantir leur courage d’exprimer de violentes critiques contre une classe au pouvoir qu’ils accusent de mauvaise gouvernance et de corruption. Sous une très forte pression d’avocats volontaires ainsi que de la rue et des réseaux sociaux, l’activiste Charbel Khoury, une des plus récentes victimes de ce rouleau compresseur, a été relâché hier en début de soirée. Il avait été arrêté en matinée après avoir été entendu par le bureau de lutte contre la cybercriminalité (FSI) dans le cadre d’une plainte pour diffamation présentée contre lui par Charbel Cordahi, conseiller du chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil. Ce n’est pas la première fois que M. Khoury a des déboires en raison de son franc-parler. Il a souvent été interpellé devant le même bureau, sachant qu’il exprime sur Twitter et d’autres réseaux sociaux des commentaires qui fâchent parfois, comme par exemple une blague outrageuse sur saint Charbel en juillet 2018.

Interrogé par L’Orient-Le Jour sur les motifs ayant conduit cette fois-ci à son arrestation, un des avocats de l’activiste, Jad Tohmé, qui fait partie du comité de volontaires pour la défense des militants du mouvement du 17 octobre, affirme que M. Khoury avait posté un tweet dans lequel il attaque violemment la classe au pouvoir pour ses tentatives d’imposer davantage de taxes aux Libanais, alors que ceux-ci pâtissent déjà d’une situation économique désastreuse. Il avait commenté un tweet de Charbel Cordahi qui prônait, via Twitter également, « un plan de salut dans lequel aucun responsable de l’effondrement économique ne serait épargné ». « Maudits soient ceux qui vous ont portés au pouvoir, espèces de chiens », avait répliqué M. Khoury, accompagnant son commentaire d’un mot obscène adressé au conseiller du chef du CPL, qui a alors déposé contre lui une plainte en diffamation devant le parquet d’appel du Mont-Liban. Selon Me Tohmé, M. Khoury justifie le ton corsé qu’il a utilisé par le fait qu’il a par le passé critiqué avec plus de courtoisie le pouvoir mais n’a jamais été entendu.

Indigné de l’arrestation du militant, l’avocat relate les circonstances dans lesquelles celle-ci a eu lieu. « Après avoir été interrogé, Charbel Khoury s’est vu enjoindre par le bureau de la cybercriminalité de signer un document dans lequel il s’engage à respecter les lois, mais il s’est interdit de le faire, jugeant que tout citoyen doit respecter les lois et que personne n’est donc obligé de signer un tel engagement. Avant de se rendre à l’interrogatoire, l’activiste avait montré sa détermination à mener jusqu’au bout sa bataille pour la liberté d’expression et a donc manifesté son refus d’obtempérer. Le bureau des FSI est alors entré en contact avec la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, qui a donné ordre de l’appréhender. »


(Lire aussi : Dima Sadek et Gino Raïdy jeudi devant la justice)


« Scandale judiciaire »

« Cette arrestation constitue un scandale judiciaire, elle n’est ni légale ni logique », fulmine Me Tohmé. « Sur quelle base un justiciable convoqué pour présenter sa déposition est-il mis aux arrêts ? » se demande-t-il, avant d’indiquer : « En tout état de cause, sachant que le délit dont est accusé l’activiste est passible d’une sanction maximale d’un an, il est de coutume que ce type de délit ne fasse l’objet d’un mandat d’arrêt ni par le parquet ni même plus tard par le juge d’instruction en charge d’enquêter sur l’affaire. »

La décision de Ghada Aoun d’arrêter l’activiste a aussitôt suscité un tollé tous azimuts. Les avocats membres de la commission de défense des militants du 17 octobre ont ainsi rejoint le sit-in qui était organisé devant le Palais de justice en signe de protestation contre l’ingérence politique dans le pouvoir judiciaire. Un de ces avocats estime, via L’OLJ, que l’arrestation de Charbel Khoury illustre de façon ostentatoire cette ingérence, la juge Aoun étant très proche du CPL.

Une délégation de 17 membres de ce comité s’est ensuite rendue auprès du procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, qui se serait montré très coopérant, invitant ces avocats à demander aux agents du bureau de lutte contre la cybercriminalité de le contacter. Lorsqu’ils se sont rendus devant le bureau, la juge Aoun avait déjà ordonné la clôture de l’enquête et le transfert du dossier auprès d’elle.

De nombreux activistes se sont alors passé le mot en vue de se rassembler à 18h devant le domicile de Mme Aoun, à Achrafieh, pour la pousser à remettre en liberté M. Khoury. En même temps, les commentaires de soutien affluaient sur les réseaux sociaux, dénonçant notamment « une répression policière » et « un État gouverné par des voyous ».

Mais peu avant 18h, le sit-in a été annulé, le conseiller économique de M. Bassil ayant annoncé sur Twitter son intention de retirer sa plainte.

Une issue qui, selon des avocats interrogés par L’OLJ, a permis de relâcher Charbel Khoury sans provoquer de bras de fer entre les différentes autorités judiciaires.

Il reste qu’un autre activiste, Gino Raïdy, ainsi que Dima Sadek, ancienne journaliste vedette de la LBCI, devraient être entendus jeudi par la police criminelle au Palais de justice, dans le cadre d’une plainte présentée par Gebran Bassil pour incitation à la haine et au confessionnalisme et diffusion de fausses informations sur les réseaux sociaux. Leur interrogatoire était prévu hier, concomitamment avec l’audition de Charbel Khoury, mais il a été reporté.

Dans ce contexte de poursuites et d’arrestations, Jan Kubis, représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, a réagi sur Twitter en faveur de la liberté d’expression. « L’intimidation et la persécution de journalistes qui expriment leur opinion est souvent le signe qu’ils touchent à quelque chose d’important. Les efforts visant à réduire la liberté d’expression par des mesures administratives et le harcèlement ne réussiront jamais et échouent généralement, notamment en temps de crise », a écrit le responsable onusien.


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commentaires (1)

De grace, chers activistes, arretez de vous comporter en paroles comme les actes de nos voyous de khandak el ghamik. Sachez que ces mots obscenes ne sont pas dignes de personnes qui se respectent. Nos politiciens ne sont certes pas dignes de respect, mais utiliser des insultes personnelles a leur egard n'est pas digne non plus de celui qui les prononce.

Nader

08 h 14, le 25 février 2020

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Commentaires (1)

  • De grace, chers activistes, arretez de vous comporter en paroles comme les actes de nos voyous de khandak el ghamik. Sachez que ces mots obscenes ne sont pas dignes de personnes qui se respectent. Nos politiciens ne sont certes pas dignes de respect, mais utiliser des insultes personnelles a leur egard n'est pas digne non plus de celui qui les prononce.

    Nader

    08 h 14, le 25 février 2020

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