On se réjouit de penser que depuis que la livre libanaise a viré monnaie de singe, on ne compte plus les spécialistes en économie, finance, gestion budgétaire et administrative, qui viennent parader sur les plateaux télé ou les réseaux asociaux pour nous éclairer de leurs saillies. Il nous tarde en revanche de savoir comment tous ces experts nous expliqueront demain pourquoi ce qu’ils ont prédit hier n’est pas arrivé aujourd’hui.
Entre-temps, le Libanais d’en bas pourra toujours se détendre en regardant Tonton Hassane enchaîner les réunions techniques tout en ronronnant des bobards rassurants, du genre : halte aux rumeurs, tout ce qui a été sorti dans les médias est un tissu de mensonges, rien n’a encore été décidé… et naninanère.
Pourtant la recette du FMI est archiconnue, et pour cause, il n’en a pas d’autre. À savoir, dans l’ordre ou le désordre : ratiboisage des salaires, ratissage des retraites, écumage des subventions. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, suivront aussitôt : gonflette fiscale, boursouflure des prix, tour de vis supplémentaire à l’étranglement bancaire. Autant de joyeusetés en échange de quelques milliards de biftons verts dont pas un clampin ne verra la couleur. Bref, une véritable attaque à main armée !
Évidemment, les vieux canassons de la classe politique promettront pour la millionième fois de privatiser leurs poubelles. Chiche ! Si l’État arrive à fourguer son Électricité, son Eau et son Téléphone assaisonnés de leurs fonctionnaires planqués, sa compagnie aérienne aux tarifs indexés sur les réserves de la Banque d’Angleterre, son Casino aux caisses bourrées de jetons et à l’administration débordant de faux-jetons, sa Régie de tabac grande pourvoyeuse d’infarctus et de cancer du poumon, et si par-dessus le marché il arrive à récolter 1 000 livres symboliques de ce tas d’ordures, c’est que les financiers qui seraient intéressés se shootent au coronavirus.
Il n’empêche, une bonne palanquée de pays arabes, des monarchies arriérées jusqu’aux raclures totalitaires, ont privatisé une partie de leurs services publics. Y a que chez nous que ça coince. Chez nous seuls où la décision finale relève du secret défense. Demain, il y aura probablement un éteignoir pour nous rabâcher que les services publics relèvent du prestige de l’État (interdit de rire !) et qu’il faudra attendre que la situation régionale se décante avant de les livrer au pompage privé. Langue de bois certifiée conforme.
L’histoire de l’économie libérale est jalonnée de noms prestigieux : Adam Smith, Carl Menger, Stanley Jevons, Friedrich von Hayek. Alors pourquoi pas Michel Aoun, Nabih Berry, Hassane Diab et tous leurs pendentifs…
gabynasr@lorientlejour.com
commentaires (5)
Il n'est pas interdit de ne pas rire !
Un Libanais
14 h 35, le 21 février 2020