La Banque du Liban (BDL) a publié hier la circulaire n° 544 qui plafonne les taux d’intérêt sur les dépôts en livres et en dollars dépendamment de la durée du dépôt à terme. Ainsi, les intérêts sur les dépôts en livres ne doivent pas dépasser 5,5 % pour ceux bloqués durant un mois, 6,5 % durant six mois et enfin 7,5 % durant un an ou plus. Ceux en devises sont plafonnés respectivement à 2, 3 et 4 %.
La Banque centrale précise que cette mesure se limite à une durée de six mois, mais elle ne s’applique qu’aux dépôts arrivant à maturité après le 12 février 2020, sachant que, selon l’économiste Jean Tawilé, la moyenne de la durée des dépôts tourne actuellement autour des cinq mois. Ceci implique que cette mesure devrait concerner une grande partie des dépôts prochainement.
Cette mesure s’inscrit dans un contexte de contrôle des capitaux informel, mis en place progressivement depuis la fin de l’été par les banques et qui pourrait être légalisé prochainement, selon les propos du ministre des Finances Ghazi Wazni tenus hier après le Conseil des ministres. Cette situation ne permet pas la sortie de capitaux des agents économiques locaux et n’est pas propice à l’entrée de capitaux étrangers. Ainsi, « plus rien ne justifie les taux d’intérêt élevés » pour attirer les dépôts, selon l’économiste.
(Lire aussi dans Le Commerce du Levant : Les enjeux juridiques de la restructuration de la dette, selon Nasri Diab et Karim Daher)
Cette baisse des taux d’intérêt répond à trois objectifs selon Jean Tawilé. Tout d’abord, elle permet de « faire des économies à l’État ». En effet, l’économiste considère que dans le cadre de la restructuration de la dette, « il est plus simple de négocier de payer des coupons (les taux d’intérêt versés par une entreprise ou un État à un créancier) à un taux d’intérêt plus faible si le coût de la banque a diminué ». Cette circulaire est effectivement bénéfique pour les banques car elle permet de réduire leurs coûts d’endettement, les taux d’intérêt payés aux déposants étant considérés comme une dette des banques envers ces derniers.
Le second objectif, toujours selon Jean Tawilé, est qu’elle permettra de réinjecter de la liquidité dans l’économie réelle, les déposants n’étant plus attirés par les taux d’intérêt désormais bas offerts par le secteur bancaire.
Enfin, cette mesure pourrait permettre de diminuer les taux d’intérêt des crédits bancaires. La BDL demande aux « banques opérant au Liban » de répercuter cette baisse sur les taux d’intérêt de référence respectifs sur la livre libanaise et le dollar (Beirut Reference Rates, ou BRR), qui étaient fixés hier à 11,5 % et 8,5 %. Ces taux déterminent ceux des prêts bancaires. C’est pour cette raison que cette mesure va aider le secteur privé, selon le directeur du département de recherche de Byblos Bank, Nassib Ghobril, qui est étouffé par la crise économique et financière que traverse actuellement le Liban, sur fond de crise de liquidité et de change. Les crédits bancaires s’élèvent à 50 milliards de dollars environ, dont une grande partie est souscrite par les entreprises, d’après l’économiste. À noter que la baisse des BRR ne s’impose pas aux banques, contrairement à celle sur les dépôts formulée par la BDL.
Il s’agit de la seconde baisse des taux d’intérêt décidée par la Banque centrale en trois mois. En effet, la BDL, à travers la circulaire n° 536 du 4 décembre, avait plafonné à 8,5 % la rémunération annuelle sur les dépôts en livres, contre 5 % sur les placements en dollars. Cette décision a contraint l’Association des banques du Liban (ABL) de baisser de 200 points de base – soit 2 % – les taux d’intérêt des prêts bancaires. Ces derniers ont connu une hausse vertigineuse ces deux dernières années sous l’effet de l’instabilité politique, pénalisant davantage la croissance économique.
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Les commentaires des experts
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commentaires (8)
C'est louable et probablement ce n'est pas suffisant comme baisse. Mais, si les intérêts sur les dépôts baissent alors il faut que les intérêts sur les crédits baissent aussi pour soulager l'économie et le citoyen lambda.
PPZZ58
19 h 09, le 14 février 2020