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Politique - Vote de confiance

Murs de béton et routes coupées : les forces de sécurité se préparent...

Des militants venus de province ont commencé à affluer dans le centre-ville.


Un pan du mur installé dans le centre-ville de Beyrouth afin de barricader le quartier du Parlement. Photo Joao Sousa

Nouveau mur, nouvelles barricades, encore plus d’obstacles: les forces de sécurité n’ont lésiné sur aucun moyen pour faire du secteur du Parlement un véritable no man’s land, afin de barrer l’accès aux manifestants qui veulent empêcher demain les députés d’accéder à l’hémicycle pour le vote de confiance au gouvernement Diab. Ce sont surtout les mesures sécuritaires prises du côté de la rue Weygand qui ont interpellé les passants. Plusieurs blocs de béton ont en effet été disposés au niveau de l’hôtel Le Gray afin de fermer l’accès qui mène de l’immeuble an-Nahar vers le siège du Parlement.

Des militants venus de province, notamment de la Békaa ou de Tripoli, ont commencé à affluer dès ce soir dans le centre-ville, où ils ont campé pour être sur le pied de guerre dès le matin. Beaucoup de militants de Beyrouth se sont portés volontaires sur les réseaux sociaux pour héberger les manifestants venus des régions éloignées de la capitale. Des internautes ont également demandé des matelas, des couvertures et des tentes pour ceux qui souhaitent passer cette nuit extrêmement froide place des Martyrs. Un appel à la grève générale a été lancé, et des contestataires ont invité les universitaires et les étudiants à ne pas aller en cours. L’USJ a annoncé qu’elle ne sanctionnerait pas les étudiants absents.

« Les gens ont commencé à affluer ce soir. Ils vont dormir chez des amis ou dans les tentes dans le centre-ville, même si la météo n’est pas favorable. On essaye de voir si les mosquées ou les églises peuvent nous héberger », a déclaré un militant à l’OLJ. « On sait qu’il va y avoir beaucoup de répression et de violence de la part (des forces de l’ordre), mais nous continuerons à lutter même si le gouvernement obtient la confiance ».



Ambiance conviviale 
Sur la place des Martyrs, des dizaines de personnes sont rassemblés sous les tentes installées, rapporte notre journaliste sur place Suzanne Baaklini. Ici, des manifestants préparent des banderoles et autres pancartes à brandir lors du rassemblement de demain. Là, des contestataires chantent des chansons révolutionnaires, dans une ambiance conviviale. Nombre d'entre eux sont venus de loin pour pouvoir se mobiliser dès l'aube. Mohammad, venu de Tripoli, affirme être là pour "exprimer les souffrances du peuple qui a faim". Plusieurs bus sont d'ailleurs arrivés du Liban-Nord, notamment du Akkar, sans avoir rencontré aucun obstacle sur la route, selon les passagers.

Des manifestants préparant des pancartes "Pas de confiance", sur la place des Martyrs, à Beyrouth, le 10 février 2020 au soir. Photo Suzanne Baaklini


Sous la tente dans laquelle est installée la cuisine de la révolution, qui a nourri sans discontinuer les contestataires dormant dans le centre-ville depuis le début du soulèvement, la nuit s'annonce mouvementée. Plusieurs plats sont au menu et seront offerts à tous les révolutionnaires jusqu'au petit matin, confie Paula Rbeiz, qui s'occupe de cette initiative, à notre collègue Nada Merhi. Elle précise que des sandwiches et des fruits seront également offerts aux manifestants arrivant aux petites heures du matin, dans le froid glacial.



(Lire aussi : Dans le centre-ville de Beyrouth, le "Mur de la honte" devient le "Mur des diplômes")



« Système de défense par couches » 
Dans un communiqué, les Forces de sécurité intérieure ont indiqué que la rue menant de l’immeuble An-Nahar vers Bab Idriss sera fermée à la circulation mardi et mercredi (au cas où une deuxième séance est tenue), à partir de 7h du matin et jusqu’à la fin de la séance. De même pour la rue des banques et la rue reliant la mosquée de Zokak el-Blat à l’immeuble des Lazaristes. Les rues qui mènent du front de mer vers la place de l’Étoile seront également interdites d’accès.

« Le pouvoir tente a priori d’isoler tout le secteur et d’élargir le périmètre de sécurité autour du Parlement. Il s’agit d’un système de défense par couches. Les forces de sécurité se barricadent derrière plusieurs barrières », explique le général à la retraite Khalil Hélou à L’OLJ.

L’armée a pour sa part annoncé qu’elle avait prévu des « mesures de sécurité exceptionnelles dans les environs du Parlement et sur les routes principales et secondaires y menant », dans un communiqué. Dans ce cadre, elle a appelé les citoyens à respecter ces mesures et « ne pas couper les routes ». L’armée assumera « son rôle de protection des institutions étatiques et des échéances constitutionnelles et des manifestations pacifiques sur les places publiques », a-t-elle ajouté.


(Lire aussi : "Assurez une vie digne aux Libanais ou démissionnez", lance l’archevêque de Beyrouth aux responsables)



Portiques de fer et commerces fermés
Les magasins de luxe et les bijouteries du quartier se préparaient pour leur part au pire. De nombreux magasins ont installé des portiques en fer sur leurs devantures, mais continuaient d’accueillir discrètement les clients. Le chocolatier Patchi, qui appartient au très controversé ministre sortant des Télécoms Mohammad Choucair, a même retiré son enseigne et couvert l’ensemble de ses vitrines de barres de fer. Les banques de la rue Weygand et de la rue Foch ont pour leur part fermé leurs portes aux clients et barricadé leurs vitrines. Certains bijoutiers de la rue Weygand continuent d’accueillir les clients mais n’exposent plus rien dans les vitrines. De nombreux commerces qui donnent sur le Parlement sont désormais vides. La plupart ont migré vers des zones plus sûres de la capitale.

Du côté de la place Riad Solh, les entrées au Sérail et au Parlement sont également barricadées depuis plusieurs semaines. Si l’entrée vers le Sérail était uniquement bloquée au départ par des barbelés, les forces de sécurité ont ajouté dernièrement d’énormes blocs de béton, de façon à former un mur similaire à celui qui bloque l’entrée du Parlement, du côté de la place de l’Étoile.Tous les commerces ont fermé à Riad Solh, à l’exception d’un salon de beauté, ce qui confère au quartier des allures de zone sinistrée.



Un ouvrier installant des portiques de fer devant la façade d'un magasin dans le centre-ville de Beyrouth. Photo Joao Sousa


Comment les députés accéderont-ils au Parlement ?
A la question de savoir comment les députés comptent se rendre au Parlement, le général Khalil Hélou estime que plusieurs scénarios sont possibles. « Les manifestants ne vont jamais du côté du Sérail pour ne pas entrer en confrontation avec les partisans du mouvement Amal (du chef du Parlement Nabih Berry), en provenance de Khandak el-Ghamiq. Les députés pourront donc passer du côté de Zokak el-Blat vers le Sérail. De là, ils pourront aller à pied vers le Parlement, souligne le général Hélou. Les parlementaires peuvent également choisir de passer la nuit à l’hémicycle. Certains l’ont fait en 2006 (lors de la guerre de juillet avec Israël) et le Parlement est équipé pour ce faire », rappelle-t-il.

Soupçonné à plusieurs reprises par les manifestants d’abriter des députés, notamment lors d’une séance prévue en novembre dernier pour le vote d’une loi sur l’amnistie, l’hôtel Le Gray a annoncé sur son compte Twitter avoir gelé ses réservations les 10, 11 et 12 février. L’établissement ne recevra pas non plus dans ses restaurants. Pour souligner la détermination du pouvoir, le général Hélou rappelle la réunion exceptionnelle du Conseil supérieur de la Défense vendredi dernier à Baabda, sous la présidence du chef de l’État. « Quand un gouvernement a peur des gens, ça en dit long sur la popularité de ce pouvoir qui chavire », ajoute-t-il.


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Le spectre de la guerre civile est la conséquence du vide de pouvoirs voulu et désiré par cette faction de la population qui se dit révolutionnaire

Chucri Abboud

02 h 18, le 11 février 2020

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Commentaires (1)

  • Le spectre de la guerre civile est la conséquence du vide de pouvoirs voulu et désiré par cette faction de la population qui se dit révolutionnaire

    Chucri Abboud

    02 h 18, le 11 février 2020

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