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À La Une - Liban

"Les autorités veulent nous tester" : les contestataires bloquent à nouveau les routes place des Martyrs

Le ministre de l'Intérieur dément qu'une décision de déloger les manifestants dans le centre-ville ait été prise, indiquant que le retrait des barrières métalliques des entrées de la place des Martyrs visait à faciliter la circulation dans la capitale.


Des manifestants rassemblés mardi 28 janvier 2020 sur la place des Martyrs dans le centre-ville de Beyrouth. Photo Matthieu Karam

Des contestataires ont à nouveau bloqué mardi les routes menant à la place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth, pour prévenir une éventuelle tentative des autorités de faire place nette dans ce centre névralgique du mouvement de contestation contre la classe dirigeante. Cette mobilisation intervient alors que les forces de l'ordre avaient retiré plus tôt dans la journée les barrières installées depuis le 17 octobre par les manifestants pour bloquer l'accès à cette place.

Sur les réseaux sociaux, les protestataires ont fait circuler un message selon lequel le ministre de l'Intérieur, Mohammad Fahmi, "en accord avec la majorité des composantes politiques, a décidé de mettre fin au sit-in ouvert dans le centre-ville de Beyrouth à 19 heures, au moment où les médias locaux et internationaux seront occupés à couvrir le discours du président américain Donald Trump", qui doit annoncer son plan de paix pour le Proche-Orient. "Il est demandé à tous les groupes (de protestataires) de se rendre immédiatement à la place des Martyrs pour faire échouer cette escalade et ce plan dangereux initié par les forces du pouvoir", conclut le message.


"Le sang va couler"
"Les autorités veulent faire pression sur l'intifada et la tester pour voir à quel point elle est encore forte sur le terrain", a affirmé Mohammad Kassem, membre du mouvement syndical de la contestation, interrogé par notre journaliste sur place, Suzanne Baaklini. "Elles ont dû être surprises par la rapidité avec laquelle les contestataires ont réagi", a-t-il ajouté, notant l'absence des forces de l'ordre sur les lieux. "S'il s'agit de leur stratégie, alors ils auront à faire à une contestation beaucoup plus importante", estime-t-il. Il ne pense pas que les autorités vont rouvrir les routes par la force. "S'ils le font, alors le sang va couler", prévient ce militant.

"Ils essaient de tester notre réaction", affirme de son côté l'avocat Wassef Haraké, l'une des figures médiatiques du mouvement de contestation, ajoutant que "si cette réaction avait été faible, ils auraient continué dans cette voie". "Nous entrons dans une période où ce type de jeu va être utilisé par les forces de sécurité. A mon avis, nous allons vers un régime de répression", a-t-il ajouté, estimant que "les prochains jours seront cruciaux". "Nous sommes à l'orée d'une grande bataille sur la question des élections, de la loi électorale, du recouvrement des fonds volés... L'important est de savoir jusqu'où les gens sont prêts à aller", conclut-il.

"Il n'y a pas d'excuses. Il faut que nous recommencions à descendre dans la rue", dit Marianna, originaire d'Achrafieh et venue sur la place des Martyrs après son travail. "Le gouvernement a visiblement pris la décision de nous déloger et d'aller dans la répression extrême, mais nous sommes toujours là", a-t-elle ajouté.



Des contestataires installant un bloc de béton pour bloquer l'accès à la rue Weygand place des Martyrs. Photo Suzanne Baaklini



Dans la matinée, les barrières métalliques installées sur la place des Martyrs avaient été retirées par les forces de l'ordre. Un groupe de protestataires est alors intervenu pour bloquer ces routes coupées depuis octobre, lorsque les manifestations contre la classe dirigeante ont commencé. Les protestataires ont placé des barrières métalliques et garé leurs voitures de manière à couper la route qui passe par l'hôtel Le Grey vers la mosquée al-Amine. Le nombre des contestataires a augmenté dans l'après-midi et ces derniers ont improvisé des barrages de fortune autour de la place. En outre, un convoi de voitures est parti de Zouk Mikael en direction du centre-ville pour soutenir les manifestants sur place.


Un barrage de fortune construit par les contestataires, place des Martyrs. Photo Suzanne Baaklini



 



Dans un communiqué publié en soirée par son bureau de presse, le ministre de l'Intérieur Mohammad Fahmi a toutefois démenti qu'une décision de déloger les manifestants dans le centre-ville ait été prise, indiquant que le retrait des barrières métalliques des entrées de la place des Martyrs visait à faciliter la circulation dans la capitale. "Le ministre est attaché à la liberté d'expression et à celle de manifester pacifiquement, garanties par la Constitution.


Depuis le 17 octobre, le pays vit au rythme d'une contestation inédite qui dénonce une classe dirigeante accusée de corruption et d'incompétence, mais aussi le manque de services publics dignes de ce nom. La crise s'est accompagnée d'une détérioration de la situation économique, avec des licenciements en masse et une dépréciation de la monnaie nationale sur le marché parallèle.

Ces deux dernières semaines, des heurts violents ont opposé les contestataires aux forces de l'ordre, alors que le pays était toujours sans gouvernement, faisant des centaines de blessés et entraînant des dizaines d'arrestations.

Le Liban s'est finalement doté mardi dernier d'un nouveau cabinet, près de trois mois après la démission, sous la pression de la rue, de l'ancien Premier ministre Saad Hariri. Ce cabinet aura la lourde tâche de relancer une économie en chute libre et de convaincre les manifestants hostiles à la classe politique. Mais pour ces derniers, les nouveaux ministres sont des personnalités affiliées à cette même classe politique qu'ils accusent de corruption et d'incompétence.



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Des contestataires ont à nouveau bloqué mardi les routes menant à la place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth, pour prévenir une éventuelle tentative des autorités de faire place nette dans ce centre névralgique du mouvement de contestation contre la classe dirigeante. Cette mobilisation intervient alors que les forces de l'ordre avaient retiré plus tôt dans la journée...

commentaires (4)

C'est une erreur de provoquer les contestataires de la sorte. Quand commencent à apparaître des ébauches des bonnes actions de ce gouvernement, les contestataires agiront positivement en conséquence. Ce qui est en jeu,c'est une révolte qui a toutes les causes pour être respectée.

Esber

19 h 07, le 28 janvier 2020

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Commentaires (4)

  • C'est une erreur de provoquer les contestataires de la sorte. Quand commencent à apparaître des ébauches des bonnes actions de ce gouvernement, les contestataires agiront positivement en conséquence. Ce qui est en jeu,c'est une révolte qui a toutes les causes pour être respectée.

    Esber

    19 h 07, le 28 janvier 2020

  • C'est l'arme à double effet. D'une part il est indéniable que la demande de la révolte est noble et juste, mais d'autre part, le pays sombre de plus en plus dans les abîmes de la crise économique jusqu'au point du non retour. Dans les deux cas, on fait face à des hommes sourds, insouciants, indifférents et coupés de la réalité du monde.

    Citoyen

    17 h 16, le 28 janvier 2020

  • CES JEUX DOIVENT S,ARRETER. IL FAUT DONNER UNE CHANCE AU NOUVEAU GOUVERNEMENT. LA CONTESTATION DOIT S,EMANCIPER ET ELIRE UN COMITE DE SUIVI ET FORMER UN GOUVERNEMENT DE L,OMBRE. IL FAUT SUIVRE, CONTROLER ET AGIR OU INTERVENIR LE CAS ECHEANT. NON UNIQUEMENT METTRE DES BATONS DANS LES ROUES CAR ON FAIT PLUS DE TORT A L,ECONOMIE ET AUX FINANCES DU PAYS QU,AU GOUVERNEMENT LUI-MEME. EMANCIPEZ-VOUS ! OPTEZ POUR LE COMITE DE SUIVI ET LE GOUVERNEMENT DE L,OMBRE. COMBATTEZ DEMOCRATIQUEMENT ! EVITEZ LE BORDEL ET LE CHAOS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 06, le 28 janvier 2020

  • J'espère que ces nouveaux ministres sont honnêtes et que personne soit derrière eux

    Eleni Caridopoulou

    16 h 25, le 28 janvier 2020

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