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Nos Lecteurs ont la Parole - Abdel Hamid AL-AHDAB

Une seule confession nous gouverne

Michel Chiha disait toujours que la stabilité du Liban et de ses citoyens est étroitement liée au respect du multiconfessionnalisme, sans qu’une seule confession ne s’approprie le pouvoir ! Le pluralisme est source de richesse alors que la singularité n’est qu’isolement et despotisme ! Le Liban est le message de la liberté au Moyen-Orient, et si l’équilibre entre les confessions est perdu, les crises se succéderont.

Le « système complexe de partage du pouvoir fondé sur des quotas communautaires » inventé par des personnes poussées par des intérêts égoïstes a été appliqué lorsque leurs droits ont été violés alors qu’il ne l’était pas lorsqu’ils ont eu le pouvoir de le détruire !

Depuis l’indépendance et la conclusion du pacte national, le problème se résumait en deux mots : « loyauté » et « lésion ». Une confession se plaint de la lésion et une confession se plaint de la déloyauté de l’autre confession.

Quand Bachir Gemayel a rencontré Saëb Salam suite à son élection lors d’une réunion qui a duré trois heures, il lui dit : « Vous vous plaignez de la lésion et nous nous plaignons de votre déloyauté envers le Liban. Je suis prêt à vous confier les postes-clés, à vous apposer mon blanc-seing sur des décrets en vous laissant la liberté de nommer ceux que vous jugez aptes à ces postes et de modifier les lois et les usages pour remédier à cette lésion ! Mais, en contrepartie, je veux une loyauté totale, et je ne pardonnerai aucune déloyauté, si infime soit-elle ! »

Lors de l’indépendance, Béchara el-Khoury et Riad el-Solh ont pu briser le lien entre les chrétiens et la France, ainsi que celui entre les musulmans et la Syrie. Le lien culturel entre les chrétiens et la France demeura évident et l’aspiration des musulmans à l’arabité demeura forte sans pour autant demander l’unification avec la Syrie ! Ainsi, le sentiment de lésion commença à s’affaiblir peu à peu, donnant lieu à une loyauté envers le Liban ! La confession maronite prédomina, mais l’islam politique accomplit d’importants progrès et occupa des postes dont il était privé auparavant sous le mandat français, le plus important étant le poste de Premier ministre.

Cet équilibre délicat et fragile persista sous la présidence de Camille Chamoun jusqu’à ce que Gamal Abdel Nasser parut dans le monde arabe, ravivant ainsi le rêve d’arabité des musulmans et menant à des crises historiques ! Abdel Nasser a rassemblé tous les Arabes autour de lui avec son nationalisme arabe, et vu que la loyauté des musulmans au Liban pendant cette période était chancelante, ces derniers ont été emportés par la vague de ce nationalisme arabe qui a fait tomber le trône irakien qui a influencé le monde. D’où la révolution en 1958 contre Camille Chamoun. Les musulmans étaient devenus en position de force après la chute du Pacte de Bagdad et du trône irakien.

Fouad Chéhab, le commandant de l’armée libanaise, fut choisi en tant que président de la République par les Américains et Abdel Nasser. Il poursuivit sur le chemin de la modération avec une prédominance chrétienne et un penchant pour la politique de Abdel Nasser, gardant ainsi l’équilibre. Comme le disait Mounah el-Solh : « Une petite dose d’arabité vaut mieux que son écartement total. » Ainsi, les musulmans se sont contentés de ce penchant impartial à la politique de Abdel Nasser, et la prédominance demeura chrétienne. Mais la chute de Abdel Nasser en 1967 a créé un vide qui fut rempli par les organisations palestiniennes appelant à la libération de la Palestine.

La loyauté des musulmans fut brisée lorsque le petit État palestinien, non l’État libanais, est devenu l’État des musulmans. Tout a changé avec l’invasion israélienne et l’élection de Bachir Gemayel en tant que président de la République. Son assassinat marqua ainsi un tournant : Amine Gemayel, qui fut son successeur à la présidence de la République, adopta une politique absurde et déséquilibrée qui ne plut ni aux musulmans ni aux chrétiens ! Le vide qui suivit fut rempli par le régime de Hafez el-Assad. Ce fut un mandat dans tous les sens du terme, le pouvoir étant dans les mains des Syriens à Damas et non dans les mains d’une quelconque confession au Liban.

Les musulmans ont senti que la libération de la Palestine passait par Jounieh et Ouyoun el-Simane, et les chrétiens ont bien compris que l’intervention étrangère dans l’équilibre intercommunautaire nuit non seulement à eux, mais aussi au Liban, vu que la « confession » de l’étranger est devenue celle qui gouverne aux dépens de toutes les confessions libanaises. Mais l’assassinat de Rafic Hariri marqua le tournant décisif pour les musulmans et les chrétiens.

La loyauté musulmane fut plus forte mais non totale, et la guerre civile persista jusqu’à la signature de l’accord de Taëf dont le but était de remédier à la lésion envers les musulmans et de réduire le pouvoir politique des chrétiens afin de rétablir l’équilibre entre les confessions et abolir le confessionnalisme. Mais la Syrie d’Assad, qui fut mandaté de l’appliquer, appliqua uniquement les clauses qui renforcent son despotisme et son pouvoir, en d’autres termes, sa politique.

De Taëf à Doha, nous voilà sous le régime d’une confession armée, la confession chiite. Et l’histoire se répète. Ce qui s’est passé avec le petit État palestinien et la loyauté que lui portaient les musulmans aux dépens de la loyauté au Liban se sont répétés, mais cette fois avec une loyauté totale envers l’Iran et son projet de création de l’empire perse dans le monde arabe ! Pour ce faire, la confession précitée choisit une classe dirigeante corrompue pour la soutenir et la protéger. Ainsi, tout au long de 30 années, cette classe a adopté un système encourageant la corruption et le gaspillage des fonds publics ayant abouti à un effondrement économique, financier et même intellectuel. Les banques ont été touchées, de même que la magistrature qui est devenue politisée et corrompue. Tout cela a abouti à la désagrégation de l’État en déclarant licite ce qui est illicite et en déclarant illicite ce qui est licite en appliquant les lois, et par la suite à la naissance de la révolution, la révolution de la nouvelle génération et de la nouvelle mentalité caractérisée par l’abolition du confessionnalisme et l’édification d’un État moderne, équitable et non confessionnel.

Quel est le prochain pas à franchir maintenant ?

Les révolutions n’atteignent pas leurs objectifs d’un jour à l’autre ! Mais la révolution a commencé et il lui reste un long chemin à parcourir, en commençant par le renversement de la classe dirigeante corrompue et en terminant par l’édification d’un État moderne et non confessionnel. Le confessionnalisme ne disparaîtra pas moyennant des lois, mais moyennant le statut personnel. C’est la raison pour laquelle il a besoin de temps, d’un Sénat non confessionnel, d’un Parlement non confessionnel, d’un mariage civil volontaire, d’une loi électorale où les électeurs élisent les musulmans et les chrétiens à égalité de façon à ce que le député soit élu à égalité et non seulement par sa confession, ouvrant ainsi la voie à un système laïque, etc.

Les révolutions nécessitent beaucoup de temps avant d’aboutir à des résultats concrets mais peuvent sortir le monde arabe du despotisme, de la corruption, du fanatisme et de l’ignorance dans lesquels il sombre.

Une révolution est coûteuse et nécessite beaucoup de patience et de sacrifices. Mais les jeunes de la révolution sont le futur, un futur qui devra être moderne et honorable. L’histoire est à nos côtés pour sortir de notre histoire noire qui s’est caractérisée par le despotisme d’une confession gouvernant pour une vingtaine ou une trentaine d’années avec le même scénario qui se répète chaque quelques décennies.

Il est temps de commencer le voyage du siècle et de l’histoire, le voyage des mille et un pas… et il a commencé.

Avocat

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Michel Chiha disait toujours que la stabilité du Liban et de ses citoyens est étroitement liée au respect du multiconfessionnalisme, sans qu’une seule confession ne s’approprie le pouvoir ! Le pluralisme est source de richesse alors que la singularité n’est qu’isolement et despotisme ! Le Liban est le message de la liberté au Moyen-Orient, et si l’équilibre entre les...

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