Rechercher
Rechercher

Campus - TÉMOIGNAGES

Entrer dans le monde universitaire en période d’instabilité

La première année à la fac est synonyme de grands changements pour de nombreux jeunes étudiants. La réussir, notamment alors que le pays traverse une phase sans précédent, n’est pas évident. Yara, Carine, Rim, Assile et Rodrigue témoignent.

Yara Aboulhosn : «  Ces circonstances ont permis plus d’interaction sociale entre les étudiants, que ce soit pour protester devant l’université ou pour signer des pétitions si un professeur était injuste. Cela nous a également fait apprendre à travailler sous stress et dans des situations critiques  », note Yara Aboulhosn. Photo Rasha Kanaan

Sortis tout juste de l’école, un système dans lequel ils sont bien encadrés, les étudiants en première année, au moment d’entamer leur adaptation à l’université, doivent faire face à une multitude de défis afin de pouvoir réussir leur année universitaire, sur fond d’instabilité à tous les niveaux. « Les circonstances ont rendu le semestre très difficile, car il était déjà compliqué de passer du lycée à la vie autonome et de prendre la responsabilité de chaque matière », souligne Yara Aboulhosn, étudiante en infirmerie à l’Université de Balamand, campus de Souk el-Gharb.

Pour ces étudiants, les difficultés ont commencé dès le début de la révolution. Yara le résume si bien : « C’était stressant, la situation du pays ne permettait à personne d’étudier pendant les trente jours de fermeture des universités. » De même, Assile Abbas met en cause l’effet négatif de cette période sur ses études. « C’est vrai que j’étais en train d’étudier pendant la révolution, mais en même temps, j’étais affectée par l’ambiance générale du pays. Je n’arrivais pas à me concentrer, j’étais sur le qui-vive, à écouter les nouvelles, à participer aussi au mouvement », témoigne cette jeune étudiante en médecine à la Beirut Arab University.

Par ailleurs, lorsque les universités ont ouvert leurs portes, d’une façon momentanée due à une situation encore instable, il a fallu que ces jeunes surmontent bien d’obstacles. Rodrigue Makhraz, étudiant en gestion des entreprises à l’Université antonine, évoque « la crise d’essence et le manque de liquidité », ainsi que « les absences aux cours ou les difficultés d’arriver à l’heure » qui ont fini par lui causer une « baisse de motivation ». Rim Daaboul, étudiante en travail médicosocial à l’Université libanaise, a le plus souffert de ses déplacements à l’université, malgré les routes bloquées. « L’embouteillage m’a fatiguée, surtout que je rentrais tard à la maison, vu la longue distance que je devais effectuer. J’ai souffert d’un manque de sommeil et de migraines, je stressais, j’avais à peine le temps de manger et d’étudier », déplore-t-elle.

Travailler dur et se faire aider

Une fois de retour à l’université d’une façon définitive, vers la 3e semaine de novembre, ces étudiants ont dû déployer des efforts supplémentaires pour rattraper le retard. «Pendant le mois passé à la maison sans étudier, j’ai tout oublié. J’ai eu des difficultés à me concentrer de nouveau à mon retour », confie Carine Darwiche, étudiante en génie civil à l’Université Saint-Joseph. « On a eu à récupérer trop d’études, sans parler des examens, mais en parallèle, c’était indispensable de participer à ce mouvement national », insiste Assile. De même, Yara avoue que la quantité d’études et la préparation des examens ont été source de stress : « Nous avons dû étudier 6 jours par semaine, ce qui nous a épuisés. De plus, les professeurs nous prodiguaient les informations d’une manière rapide afin de finir la majeure partie du programme. L’une des choses les plus difficiles à laquelle moi-même et de nombreux étudiants avons été confrontés a été de trouver la bonne façon d’étudier. »

Par contre, admettant que les heures supplémentaires l’avaient fatiguée, Carine tempère : « L’université a tenu compte des difficultés en donnant plus de temps pour préparer les finaux ou en réduisant les chapitres à étudier, se limitant à l’essentiel. »

Ainsi, ces étudiants ont été soutenus par leurs responsables académiques. « Nos professeurs étaient cléments et serviables, disponibles pour les questions que nous avions, et ils n’ont pas rendu l’examen trop difficile », raconte Yara. En parallèle, si certains ont pu persévérer, c’est aussi grâce à leur famille ou leurs camarades. « Ma sœur m’a motivée, comme toujours. Elle m’a remonté le moral en restant réaliste », confie Rim. Yara poursuit : « Toute ma famille était solidaire, compréhensive et encourageante. De plus, en tant qu’étudiants, nous nous tenions côte à côte et nous nous aidions autant que possible. »

Cependant, ces jeunes ont surtout dû compter sur eux-mêmes. « Je suis arrivée à me détacher de tout pour me concentrer parce que je sais que mon avenir est en jeu. Je ne voulais pas prendre de risque », explique Assile. Inscrite à l’université grâce à une bourse, Yara a dû travailler dur pour maintenir ses bonnes notes. « C’était l’une des principales raisons pour lesquelles je devais réussir tous mes cours. J’ai dû sacrifier certaines choses, comme mes activités parascolaires ou même rentrer chez moi pour rendre visite à mes parents. »

Envisager ses études à l’étranger, une alternative incertaine

Aujourd’hui, les étudiants appréhendent les mois à venir et craignent la répétition du semestre dernier. « Je veux terminer mon semestre avec des notes élevées. Mon plus grand souci est de ne pas avoir le temps d’assimiler toutes les informations », affirme Yara. Se décrivant comme une personne optimiste, Rim n’ignore pas pour autant que la situation pourrait empirer : « Je crains que l’année académique soit interrompue, ce qui induira le prolongement du semestre jusqu’à l’été, une pression plus grande au niveau des cours ou même l’annulation de l’année. » Allant plus loin, cette étudiante redoute, « dans le cas d’un déclin économique encore plus grave, de ne plus pouvoir accéder à la faculté ». De même, Carine s’inquiète de ne pas pouvoir payer toute la scolarité. « Je ne me sens plus à l’aise ici au Liban, surtout à cause de la dégradation économique du pays », confie cette étudiante qui compte se concentrer davantage sur ses études afin « d’avoir de bonnes notes et de pouvoir accéder à une université en France ».

L’idée de poursuivre ses études à l’étranger s’esquisse ainsi en tant qu’alternative chez Carine ainsi que chez quelques-uns de ces étudiants sans que ces derniers ne perdent espoir en leur pays. C’est le cas de Rim qui souhaite passer le DELF – diplôme officiel délivré par le ministère français de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche – pour certifier les compétences en français au cas où elle continuerait ses études en France. C’est le cas de Rodrigue aussi qui regrette « de ne pas avoir pu terminer le dossier avant la date limite de dépôt suite à la situation actuelle ».

Toutefois, pour l’instant, attachés à leur pays, ces jeunes étudiants gardent les pieds sur terre et persévèrent. Pour Assile, il s’agit « d’étudier au jour le jour ». Quant à Yara, elle a décidé « de (se) fixer une routine d’étude, de choisir des cours de manière efficace et de renoncer à quelques activités parascolaires pour se concentrer davantage sur ce qui est important ». Il en va de même pour Rim qui dit se donner « surtout dans (sa) formation et (sa) curiosité intellectuelle. Car finalement, pour tous ces étudiants, la priorité est de bien réussir leur année, mais pas seulement. « Je crois que mon arme en tant qu’étudiante, face à toutes ces crises que nous traversons, c’est mon éducation », conclut en fin de compte Rim.


Dans la même rubrique 

Après une brève pause, Mada s’apprête à refaire entendre ses revendications

Professeure à la LAU, elle a tenté l’aventure spatiale

Lorsque des étudiants de l’ETIB prennent la plume



Sortis tout juste de l’école, un système dans lequel ils sont bien encadrés, les étudiants en première année, au moment d’entamer leur adaptation à l’université, doivent faire face à une multitude de défis afin de pouvoir réussir leur année universitaire, sur fond d’instabilité à tous les niveaux. « Les circonstances ont rendu le semestre très difficile, car il était...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut