Le bâtonnier de Beyrouth, Melhem Khalaf, et l'avocat Malek Oueidate. Capture d'écran d'une vidéo postée sur Twitter
Le bâtonnier de Beyrouth, Melhem Khalaf, a pris lundi avec grandiloquence la défense d'un avocat très âgé, expulsé d'une salle d'audience par un juge parce qu'il parlait trop fort, selon des éléments obtenus par L'Orient-Le Jour qui a interrogé l'un des acteurs de l'affaire, en l'occurence le président du Tribunal pénal chargé des affaires criminelles, Sami Sodqi, ainsi qu'un membre du conseil de l'Ordre des avocats.
"Le juge Sodqi présidait une audience et a entendu quelqu'un parler fort. On l'a informé qu'il s'agissait de l'avocat Malek Oueidate. Le juge a alors demandé qu il sorte de la salle d'audience", raconte à L'OLJ Nader Gaspard, membre du Conseil de l'ordre des avocats et commissaire du Palais de justice de Beyrouth près du gouvernement.
Selon des sources concordantes, l'avocat, qui aurait des problèmes d'audition, discutait avec son épouse au téléphone d'une histoire de médicaments.
Informé de l'incident, M. Gaspard s'est rendu, en compagnie du bâtonnier, auprès de l'avocat. "Melhem Khalaf, le secrétaire général de l'Ordre, Saadeddine Khatib et moi, ainsi que plusieurs avocats, avons trouvé l'avocat en dehors de la salle d'audience assis sur un banc", poursuit M. Gaspard.
La vidéo du bâtonnier rhabillant Malek Oueidate de sa robe d'avocat a fait le tour des réseaux sociaux.
"Nous sommes rentrés dans la salle d'audience, et nous nous sommes assis jusqu'à la fin de l'audience", raconte Nader Gaspard. Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), Melhem Khalaf a ensuite pris la parole. "Nous refusons qu'un avocat soit expulsé d'une salle d'audience", a-t-il lancé. "Je ne vous permets pas de causer du chahut", a répondu le juge, leur demandant de sortir. "Nous déclarons alors que nous boycotterons les séances du juge Sodqi", a rétorqué le bâtonnier.
"Dans une salle d'audience, plus particulièrement en chambre criminelle, le juge a le pouvoir absolu à l'intérieur de la salle", précise le juge Sami Sodqi à L'OLJ, qui dit avoir usé de son pouvoir discrétionnaire. "Melhem Khalaf n'avait pas à prendre la parole comme il l'a fait. "Il ne peut pas se permettre de s'adresser à moi de cette façon, dans une salle pleine", ajoute-t-il. "Il aurait dû attendre la fin de l'audience et m'en parler dans mon bureau".
Après cet incident, M. Khalaf et plusieurs avocats se sont rendus au bureau du président du Conseil supérieur de la magistrature, Souheil Abboud, qui a exprimé "son attachement au bon fonctionnement des deux branches de la justice, à savoir les juges et les avocats". A cet égard, le président du CSM s'est montré "compréhensif et coopératif", a indiqué M. Gaspard.
L'Orient-Le Jour n'a pas réussi à joindre M. Khalaf pour un commentaire.
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commentaires (10)
Qu’il est expressif ce petit visage de Me Oueidate à qui MK arrange soigneusement l’épitoge avant de le prendre par la main et de l’accompagner dans la salle d’audience où préside le juge ayant ordonné l’expulsion du juriste octogénaire! Cette scène illustre la rébellion d’un avocat, le bâtonnier Khalaf, contre le juge Sodki, non pas pour des motifs légaux mais pour des raisons de principes de droit, à savoir qu’un juge ne peut pas expulser un avocat d’une salle d’audience, mais essentiellement pour des raisons de dignité humaine. MK a défendu le faible contre l’homme au pouvoir, le vieux contre l’adulte, le vieux juriste debout, blessé dans sa dignité d’homme et d’avocat, car expulsé de la salle d’audience, contre le juge fier, assis confortablement dans son fauteuil. MK a fait preuve de respect envers le juge puisqu’il a attendu la fin de l’audience présidée par le juge Sodki. Ensuite, il a pris la parole et a fait savoir au juge qu’il n’a pas le droit de mettre un avocat hors de la salle d’audience, et certainement pas un avocat de l’âge de M.O. MK a redonné sa dignité au vieil avocat et, dans le même temps, à la profession d’avocat au Liban. Son but n’était pas d’égratigner le juge Sodki. Mais devant le ton autoritaire renouvelé du juge, M K n’a pas hésité à lui faire face et à lui rendre la monnaie de sa pièce. La dignité humaine avant toute chose. Telle semble être la devise du nouveau bâtonnier de Beyrouth et cela est de bon augure pour notre pays.
Agenor
19 h 50, le 21 janvier 2020