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Nos Lecteurs ont la Parole - par Kareem TORBEY

Résilience des Libanais face à la grande dépression

Depuis plusieurs mois, une révolution populaire anime le Liban, déclenchée par la mise en place d’une énième taxe sur les communications, via l’application WhatsApp cette fois-ci. Le Libanais riche, moyen et pauvre souffre d’un système complètement irresponsable et réclame aujourd’hui le changement des têtes corrompues, en d’autres termes, des escrocs qui gouvernent le pays depuis la guerre civile. Les politiciens sont reconnus pour leur malhonnêteté qui sévit depuis près de 40 ans, corruption via laquelle ils ont réussi à voler l’argent des Libanais en se servant dans la caisse publique du Liban à des fins privées, sans compter l’évasion fiscale. En 2018, le Liban occupait la 138e place sur 180 du classement des pays les plus corrompus, selon l’organisme Transparency International. Grâce à leur façon de gouverner, les dirigeants politiques mafieux sont arrivés à vider la caisse du pays et à endetter publiquement le peuple libanais d’un montant de 83,84 milliards de dollars, faisant du Liban le troisième pays le plus endetté au monde en 2018 et, peut-être, le premier pays en 2020 !

Plusieurs facteurs aggravent la crise. Tout d’abord, l’arrivée de 1,5 million de réfugiés syriens ayant fui la guerre civile dans leur pays d’origine. Ensuite, le Hezbollah qui, de par sa puissance, réussit à imposer ses décisions sans que personne ne puisse se mettre sur son chemin, devenant un État à part entière au sein de l’État libanais. Finalement, voici qu’en 2020 surgit la grande crise économique du Liban qui risque de se transformer rapidement en une crise alimentaire comme entre 1915 et 1918, lorsque la « grande famine » – ou Kafno en syriaque – a touché le Mont-Liban. Un siècle après la fin de la première famine, ce scénario risque de se reproduire si le nouveau Premier ministre Hassane Diab, soutenu par le puissant mouvement chiite Hezbollah, ne répond pas aux besoins du peuple ainsi qu’aux conditions de la communauté internationale qui promet d’injecter de la liquidité pour sauver le Liban de la faillite et la famine.

Le plus décevant dans tout cela, c’est le long discours du 5 janvier dernier dans lequel Hassan Nasrallah parle de l’Iran, de l’Irak, de l’Amérique, d’Israël et évidemment de la mort de Soleimani. Mais aucun mot n’a été prononcé en faveur du Liban, ni des Libanais qui souffrent depuis tant d’années !

Mes mots ne font que réitérer la misère économique et politique dans laquelle le peuple libanais se trouve en ce moment. J’écris donc pour proposer une solution pour éviter une famine imminente : l’agriculture urbaine et périurbaine est l’atout majeur des Libanais contre la prochaine crise financière et alimentaire qui arrive. Je pense, en tant qu’expert en planification environnementale et urbaine, et en m’appuyant sur quelques études réalisées à Cuba et dans des pays similaires, que la seule solution pour que les Libanais surmontent la crise et se préparent à l’après-crise est le retour à la culture et à l’agriculture urbaine. Pour cela, de nombreuses réformes peuvent être réalisées, telles que le développement de biopesticides et la rotation des cultures afin d’atteindre une autosuffisance et une sécurité alimentaire. Ainsi, cette solution, qui vise à résoudre la crise économique, débouchera également sur la gestion et la valorisation des déchets et des eaux usées. Cela donnera au peuple un sentiment de fierté et d’appartenance à la communauté et au pays ainsi que de grands bénéfices pour la santé des citoyens. Il s’agit d’une augmentation réelle (non pas virtuelle) de la valeur territoriale ainsi que d’une lutte contre la crise économique et alimentaire.

L’agriculture fut la première activité humaine et c’est elle qui a permis la révolution industrielle. Cependant, c’est un élément nécessaire mais non suffisant pour enclencher la transition économique. Il faut en effet que le reste de l’économie soit apte à absorber l’afflux de travailleurs : il faut que l’économie soit surcapitalisée. Il est nécessaire que l’État pousse à l’augmentation de la productivité agricole, tout en incitant l’accumulation de capital dans le reste de l’économie. Rares sont les politiciens et les partis politiques qui ont commencé à réfléchir à ce concept préventif. M. Walid Joumblatt a incité ses adjoints à l’étranger à envoyer des aides pour les druzes au Liban… Il sait bien que le gouvernement et l’État sont malheureusement tombés dans un coma à long terme.

Enfin, en 2020, la seule certitude est que le pays du Cèdre vit un réel tournant dans son histoire, et qu’un éventuel changement prendra beaucoup de temps… Ce qui est sûr, c’est qu’avec beaucoup de patience, de persévérance, d’espoir et de productivité, les Libanais vont traverser un long et pénible chemin, mais au final, ils auront gain de cause.

Kareem TORBEY

Architecte et gestionnaire de projet à Montréal

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Depuis plusieurs mois, une révolution populaire anime le Liban, déclenchée par la mise en place d’une énième taxe sur les communications, via l’application WhatsApp cette fois-ci. Le Libanais riche, moyen et pauvre souffre d’un système complètement irresponsable et réclame aujourd’hui le changement des têtes corrompues, en d’autres termes, des escrocs qui gouvernent le pays...

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