Son duo de tables/guéridons, en bronze et résine, exposé au dernier Beirut Design Fair, a été largement plébiscité par les amateurs de design. Beaucoup ont apprécié le mélange de légèreté et de présence forte, de fantaisie et de classicisme que dégagent leurs formes organiques et leurs lignes arrondies.
Des traits assez caractéristiques des créations mobilières de cet architecte libano-parisien qui s’est lancé, il y a deux ans, à l’incitation de ses amis, dans la conception de pièces de design en parallèle à ses projets d’aménagement des espaces.
« En fait, tout est parti d’une paire de luminaires que j’avais dessinés pour mon propre intérieur et qui ont eu un énorme succès », confie Antoine Asmar. « Tous mes visiteurs voulaient les mêmes et s’étonnaient que je n’en produise pas en série, même limitée. Ce que j’ai fini par faire », poursuit-il. « D’autant que l’artisan parisien avec lequel je travaillais pour des conceptions sur mesure m’encourageait beaucoup à le faire. Il n’arrêtait pas de me répéter que j’étais fait pour créer, qu’il fallait que je m’exprime pleinement et qu’il serait là pour m’accompagner dans la réalisation de toutes mes envies. »
Lumière d’étoiles
C’est ainsi qu’à plus de cinquante ans, l’architecte à la tête de AEA Studio commence par intégrer, parallèlement à ses projets habituels, l’univers du design. Certes, comme c’est souvent le cas dans sa profession, Antoine Asmar est habitué à concevoir des pièces mobilières pour ses clients. « Mais dans ce registre du sur-mesure, je mets de côté mes goûts personnels pour entrer dans leur univers, et privilégier leurs demandes et leurs envies. Car je pars du principe qu’un intérieur doit être le reflet des gens qui l’habitent. Alors que dans mes créations libres, je m’amuse à être moi-même, comme quelqu’un qui, dans un parcours linéaire, prend de temps en temps des chemins de traverse », indique cet homme qui se définit comme un épicurien atteint également du syndrome de Peter Pan.
Un esprit juvénile immédiatement perceptible, sous la sophistication des matériaux et techniques, dans le duo de tables qu’il a spécialement créées pour la 3e édition de Beirut Design Fair. Baptisées Surrounded. Duo & Union, elles sont composées, chacune, d’un plateau en résine (« couleur ambre fumée pour l’une et écaille de tortue pour l’autre », précise-t-il) découpé en pétales et d’un piétement circulaire en bronze qui, par sa texture striée et matte, joue les trompe-l’œil avec la céramique grise. L’ensemble évoque deux fleurs étranges d’une esthétique un peu « botérienne » …
Autre particularité du design d’Antoine Asmar, c’est qu’il se présente souvent par paires. Qu’il s’agisse de tables, de bancs ou de luminaires... « Cela vient, sans doute, de ma peur de la solitude », explique-t-il mi-figue, mi-raisin.
Une angoisse qu’il combat par une recherche éperdue d’esthétisme. Ainsi, après des études d’architecture à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK), il va développer son goût et ses connaissances par des cursus aussi divers et variés qu’une année à Politicnico di Torino, en Italie, deux ans à
l’ENSA-Paris La Villette (pour devenir architecte DPLG), ainsi qu’un DEA de paysagiste à la Sorbonne à cause de sa « fascination pour les jardins ». Un melting-pot culturel qui va imprégner ses projets mais surtout ses créations mobilières d’« une touche de joyeuse fantaisie appliquée à une base assez structurée », affirme-t-il.
C’est le cas avec Let’s Dream, un duo de luminaires sur pieds composés, chacun, d’un bouquet de lampes rondes sur longues tiges de métal doré. Une paire qu’il avait présentée, il y a deux ans, dans le cadre d’une exposition satellite de la Foire du design de Beyrouth, organisée par le galeriste Michel Daher (chez Zoé et Nabil Debs, un couple de collectionneurs à Gemmayzé).
Et encore plus pour la constellation d’appliques lumineuses avec lesquelles il était revenu, l’année suivante, à la foire beyrouthine. Une création d’une belle singularité. Baptisée Not Lost… U R My Stars, cette installation murale, composée de formes fragmentées en quartz, bronze et miroir fumé, lui a été inspirée par le chagrin de la disparition d’un grand nombre d’amis. « J’avais envie de leur dire qu’ils n’étaient pas oubliés. Et qu’ils étaient désormais des étoiles dans le ciel. L’idée m’est venue en rêve. Le lendemain, je la faisais réaliser », dit ce rêveur actif qui aurait voulu être styliste. Et qui se dit très heureux d’être devenu aujourd’hui presque un artiste : un designer.