Sur la Corniche de Mazraa, de violents heurts se sont produits en soirée entre les partisans de Saad Hariri et les forces de l’ordre. Photo AFP/STR
L’ambiance était extrêmement tendue hier dans le quartier de Corniche Mazraa à Beyrouth, où de violentes échauffourées ont opposé les forces de l’ordre à des dizaines de manifestants qui ont coupé la route pendant quelques heures. Après avoir jeté, dans la journée, une benne à ordures au milieu de la rue, non loin de la mosquée Abdel-Nasser, les jeunes en colère ont tenté de déverser le contenu d’un camion rempli de sable afin de bloquer le passage, ce qui leur a valu quelques échauffourées avec les forces de l’ordre présentes sur place. La route de Corniche Mazraa a été rouverte en début d’après-midi avant d’être à nouveau occupée, quelques heures plus tard, par des dizaines de manifestants qui se sont installés sur des chaises au milieu de la voie. En début de soirée, les violences ont repris de plus belle entre les manifestants et l’armée qui a fait usage de gaz lacrymogènes. À travers cette mobilisation, les manifestants entendaient assurer leur soutien au Premier ministre sortant, Saad Hariri, et signifier leur opposition au Premier ministre désigné jeudi soir, Hassane Diab.
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Car l’appui apporté à sa désignation par le Hezbollah et ses alliés a attisé la colère des sunnites, qui y voient une marginalisation de leur communauté, à laquelle revient le poste de Premier ministre. « Pourquoi Saad Hariri est-il le seul leader sunnite à avoir quitté son poste, alors que les chiites et les chrétiens ont des leaders qui sont toujours en place ? » confiait à L’Orient-Le Jour un manifestant de 36 ans, ayant requis l’anonymat. « Vous pensez que M. Diab peut obtenir des aides financières pour le Liban ou qu’il pourra parler avec la communauté internationale ? Personne ne sait qui il est. Il a été parachuté. Ils nous ont effacés et mis de côté, estime ce manifestant. Pourquoi est-ce que tout le monde accepte maintenant que Hassane Diab forme un gouvernement d’experts, alors qu’on ne voulait pas que M. Hariri fasse de même ? Ce n’est pas au ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, de dire aux sunnites quoi faire », ajoute le protestataire, sur fond d’insultes contre le chef de l’État, Michel Aoun, et contre le chef du Courant patriotique libre. Ce sentiment d’injustice est partagé par un grand nombre de protestataires et pourrait bel et bien servir les intérêts de ceux qui parient sur une discorde entre sunnites et chiites. « Nous ne voulons pas d’un Premier ministre désigné par le tandem chiite et par M. Bassil. Ils se sont mis d’accord avec lui à l’avance sur la forme du prochain gouvernement. Hassane Diab ne nous représente pas. Il a été nommé par ceux-là mêmes qui ont réprimé les manifestants : à Jal el-Dib, c’était les aounistes, et sur la voie express du Ring, les partisans du Hezbollah et du mouvement Amal », lance ainsi un protestataire de 26 ans. Interrogé sur le risque que posent de tels propos sur la paix civile, il affirme : « La rue sunnite est devenue la plus faible. Nous sommes là de façon pacifique. On essaie de nous faire peur de la guerre civile à chaque fois qu’on s’exprime, mais nous sommes beaucoup plus intelligents que cela et personne ne veut de guerre civile. Nous sommes là uniquement pour soutenir M. Hariri. » « Que ceux qui m’aiment vraiment sortent de la rue immédiatement », a réagi ce dernier hier sur Twitter, en essayant de calmer ses partisans, sans succès. « (L’armée) s’en prend uniquement à nous. Qu’ils attaquent ceux qui ont brûlé des voitures à Beyrouth et qui ont jeté des pétards sur les forces de sécurité », lance un autre manifestant visiblement très remonté, en référence à des actes de vandalisme commis à plusieurs reprises par des partisans du Hezbollah et du mouvement Amal, depuis le début des manifestations, le 17 octobre dernier.
Outre Corniche Mazraa, l’artère principale du quartier de Verdun avait été également brièvement coupée à l’aide de bennes à ordures, avant d’être rouverte par l’armée.
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« Hassane Diab est un Iranien »
La colère de la rue ne s’est pas limitée à la capitale. Des dizaines de personnes ont bloqué à plusieurs reprises l’autoroute menant vers le Sud, au niveau de Naamé, provoquant ainsi des embouteillages monstres.
Autour de Tripoli, au Liban-Nord, l’autoroute côtière a été coupée à un moment à hauteur du pont de Palma, et devant l’hôtel Quality Inn. De même à Beddaoui, à Bohsas, et au niveau du rond-point Salam et du carrefour de Marj. D’autres routes intérieures ont également été bloquées. Les administrations publiques et les commerces ont ouvert, mais la plupart des établissements scolaires ont fermé leurs portes. Par ailleurs, des individus ont tiré des coups de feu en l’air près du secteur du port de Tripoli dans des circonstances qui restent à déterminer. Une procession de motards munis de haut-parleurs et fustigeant Hassane Diab a également eu lieu à Tripoli en soirée. Dans le Akkar, les principales routes étaient coupées, notamment à Halba, Minié, Abdé, Abboudiyé, Mhamara et Bebnine. La route reliant Halba à Kobeyate était également bloquée.
Dans la Békaa, les routes étaient encore coupées à Kab Élias, Dahr el-Baïdar, Jdita, Mrayjat, Masnaa, Majdal Anjar, au moyen de pneus enflammés et de gravats. Dans le secteur de Zahlé, plusieurs axes ont également été bloqués. Selon notre correspondante sur place Sarah Abdallah, les écoles dans la région ont fermé leurs portes hier.
Toujours selon notre correspondante, la tension est montée dans la matinée à l’entrée de Ksara entre des manifestants qui avaient barré la route et les passagers d’un van venant de Baalbeck, dont les vitres ont été cassées. À Saadnayel, des échauffourées similaires ont opposé des contestataires à des passagers d’une voiture tentant de forcer le passage sur les gravats. « Hassane Diab est un Iranien », lance Mohammad, un habitant de Saadnayel. « Sa désignation signifie la mise en place d’un gouvernement relevant de l’Iran et c’est ce que refusent les contestataires qui manifestent depuis deux mois contre toute ingérence étrangère. »
« M. Diab est un homme intelligent et cultivé contre lequel les manifestants n’auraient pu rien avoir à reprocher s’il avait été nommé d’une autre façon, mais il a été proposé par des parties contre lesquelles nous manifestons », estime Khalil, un autre manifestant. « La rue ne se soulève pas pour le retour de Hariri. Les manifestants veulent une personnalité n’appartenant à aucun axe », a-t-il ajouté.
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Ce n'est pa seulement la rue sunnite qui se sent affaibli ce sont tous les citoyens de la rue qui constatent avec amertume que ce que HB veut le president le veut aussi. Arrêtez de déformer les faits, un PM choisi par le trio est une gifle qu'on nous donne en plein visage à nous tous LIBANAIS. Qu'on ne nous fasse pas avaler que ce lapin sorti de leur chapeau n'est pas une provocation de plus pour attiser les rancœurs et diviser les citoyens tout en se cachant derrière leur fausse bonne volonté de sortir le pays de cet enfer. Lorsqu'il demandent à Hariri de donner un nom et que aussitôt ils déclarent que c'est un agent ameriacain et le refuse en bloc pour choisir leur marionnette cela s'appelle un complot contre le pays et le peuple. Ceux qui sont le plus à blamer, ce sont les députés qui se sont cachés derrière leur abstention pour noyer le poisson mais c'est connu: qui ne dit mot consent. Tous les libanais devraient se ranger avec les sunnites pour contrer le projet de HN DE TRANSFORMER LA RUE EN UNE CONFRONTATION DE, SUNNITES CONTRE CHIITES ET NOUS TUER LA RÉVOLUTION. CA LE DÉMANGEAIT DEPUIS LE DÉBUT ALORS RESTONS UNIS ET NE TOMBONS PAS DANS SON PIÈGE.
18 h 05, le 21 décembre 2019