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Liban - Partis

Le Hezbollah prêt à jeter du lest pour un oui de Hariri à son successeur

Un proche de la formation chiite affirme que celle-ci est disposée à apporter toutes les facilités pour permettre au nouveau cabinet de voir le jour, quitte à ce que sa représentation au sein du gouvernement soit « réduite au minimum ».

Le député Hassan Fadlallah, qui s’est exprimé hier au nom du Hezbollah. Photo ANI

Maintenant que les dés sont jetés avec la désignation de Hassane Diab pour former un nouveau gouvernement, plusieurs facteurs restent à élucider à l’issue notamment des consultations avec les blocs politiques que tente de mener M. Diab, handicapé dès le départ par un déficit de légitimité sunnite qui le fragilise à l’extrême. Parmi les plus grandes inconnues, celle de savoir quelles vont être les conditions du Hezbollah pour avaliser la mouture de gouvernement que M. Diab compte proposer.

Bien qu’il soit encore très tôt pour le parti chiite de se prononcer en amont sur la composition du futur cabinet, et avant même qu’il ne dise ce qu’il souhaite véritablement, le Hezbollah a exprimé hier ce qu’il ne veut pas, par la bouche de l’un de ses députés, Hassan Fadlallah. « Nous ne voulons pas d’un gouvernement de confrontation avec qui que ce soit. Nous ne voulons pas non plus d’un gouvernement monochrome », a déclaré hier M. Fadlallah dans un entretien à la radio an-Nour, relevant du Hezb. Reprenant la logique défendue, la semaine dernière, par le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, qui avait invité l’ensemble des formations politiques à ne pas chercher à se soustraire à leurs responsabilités, M. Fadlallah est revenu hier à la charge en insistant sur la nécessité pour tous les blocs politiques de mettre la main à la pâte pour trouver un règlement.

« Ce gouvernement doit inclure la plus large représentation afin qu’il puisse bénéficier du soutien du Parlement et des Libanais dans leur ensemble », a-t-il ajouté. Comprendre que le futur cabinet doit nécessairement obtenir l’aval de la rue sunnite qui, depuis la désignation de M. Diab, a laissé exploser sa colère, contestant le principe d’une nomination consacrée par six voix sunnites uniquement, attribuées de surcroît par des députés issus du camp adverse au courant du Futur qui continue de bénéficier de la plus large popularité au sein de sa communauté.


(Lire aussi : Ingénierie de crisel'édito de Issa GORAIEB)


Conscient de l’impossibilité de former un gouvernement sans l’aval et la participation du courant du Futur, le Hezbollah est resté attaché, jusqu’à la dernière minute, à la candidature de l’ancien chef de gouvernement Saad Hariri, ou tout au moins d’une personnalité qui aurait obtenu le feu vert de ce dernier. L’émergence en dernière minute du nom de M. Diab, suggéré par Baabda après que M. Hariri se fut retiré du jeu, a placé le Hezbollah au pied du mur. Si son groupe parlementaire a été contraint de nommer in extremis le nouveau venu dans le club des chefs de gouvernement, il sait parfaitement que le futur cabinet ne survivra pas s’il n’obtient pas le soutien du courant du Futur, qui s’est abstenu, jeudi, de nommer M. Diab lors des consultations parlementaires. Les milieux haririens ont même laissé entendre que le bloc du Futur ne participera « évidemment pas » à un gouvernement formé par ce dernier, ce qui réduit considérablement les chances de survie d’un exécutif amputé de la principale composante sunnite du pays.

Un cas de figure que le Hezbollah cherche à tout prix à éviter, craignant comme la peste une confrontation sunnito-chiite contre laquelle Hassan Nasrallah avait mis en garde à plusieurs reprises, mais aussi la mise en place d’un gouvernement qui serait accusé d’être monochrome, et rejeté d’emblée non pas seulement par la rue, mais également par la communauté internationale qui envoie depuis plusieurs semaines, et de manière continue, des mises en garde fermes à la classe politique.

« Le Hezbollah a un souci majeur, celui de sortir du chaos sécuritaire qui sévit dans la rue depuis quelques semaines, et la reconstitution dans les plus brefs délais d’un exécutif capable de lancer le chantier des réformes. Ce qui l’inquiète au plus haut point est la dégradation de la situation économique qui touche fortement sa base populaire notamment », confie Mohammad Obeid, un analyste proche du Hezb. Selon lui, le parti de Dieu est disposé à apporter toutes les facilités pour permettre au nouveau cabinet de voir le jour, quitte à ce que sa représentation au sein du gouvernement soit « réduite au minimum ».


(Lire aussi : À Corniche Mazraa, la rue sunnite craint d’être devenue « la plus faible »)


C’est ce qui expliquerait notamment la raison pour laquelle le bloc du Hezbollah chiite a avalisé, sans trop hésiter, le nom de M. Diab, un nom qui avait été suggéré au départ par le président de l’AUB, Fadlo Khoury, pour briguer un poste ministériel, et que le parti n’avait pas rencontré à la veille de sa désignation. Le choix de cette personnalité considérée comme technocrate serait un geste de conciliation consenti par le parti chiite à la rue, laisse-t-on entendre dans les milieux proches de la banlieue sud. Il reste qu’en l’absence d’une position claire exprimée par Saad Hariri sur sa participation ou non au prochain gouvernement, le Hezbollah est dans l’attentisme et mise sur une position plus affirmée de la part du chef du courant du Futur en faveur de M. Diab, sachant que M. Hariri adopte actuellement une attitude bienveillante mais qui baigne dans le flou. « Si Saad Hariri accepte d’intégrer ses représentants au sein du prochain gouvernement, Walid Joumblatt (le chef du PSP) le suivra probablement. Peut-être même Samir Geagea, même si leurs deux formations ont déjà rejoint le camp de l’opposition », estime M. Obeid. Plus problématique est toutefois le cas de figure d’un refus systématique de M. Hariri – qui a pourtant affirmé avoir opté pour la non-confrontation, comme l’a rappelé hier M. Fadlallah – de soutenir le prochain gouvernement, ce qui signifierait qu’il aurait décidé de rejoindre les rangs de l’opposition. Dans ce cas de figure, le Premier ministre désigné pourrait envisager un gouvernement uniquement formé de « technocrates indépendants », comme il l’a indiqué hier.

« Ce serait, dit M. Obeid, la solution idéale pour contourner le problème dans la mesure où, d’une part, elle satisferait la rue et, d’autre part, sortirait M. Diab d’embarras notamment aux yeux de la communauté sunnite. » Selon lui, le Hezbollah, qui se dit disposé à faire preuve d’ouverture, pourrait accepter au final ce scénario s’il est rassuré sur le profil desdits technocrates, « qu’il passera certainement au crible ».

Pour Kassem Kassir, autre analyste également proche du parti de Dieu, ce dernier accepterait difficilement ce cas de figure, mais consentirait probablement à des « technocrates » qui ne seraient pas trop éloignés des partis politiques...


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commentaires (12)

Article gentiment informationnel, avec des mots lénifiants : scepticisme, laisser une chance, certains sont venus, ils n'ont rien dit à la sortie ... Et je ne sais quoi. En réalité, la messe est dite avant même le Kyrie Eleison. Le premier acte de tout politique, au Liban, devrait être en effet de demander pardon, quelle que soit sa manière d'honorer Dieu, auquel nous donnons tous le même nom, dans ce pays. Or nulle contrition ici. La promesse est de calmer le jeu en nommant un gouvernement d'experts indépendants. Nous savons tous très bien que cette promesse ne sera pas tenue, car se tiennent en embuscade les 3 partis qui ont nommé Diab en annonçant qu'ils garderaient l'Intérieur, les Affaires Etrangères, la Défense et les Finances. Sa promesse promesse est destinée à faire croire à certains révolutionnaires en chambre que la porte qui leur est ouverte n'est pas celle de l'enfer. N'entrez pas, malheureux ! N'entrez en aucun cas. Quelqu'un a-t-il déclaré que ce gouvernement lutterait contre la corruption, qu'il mettrait en jugement l'ensemble des ministres des gouvernements antérieurs, qu'il leur ferait rendre l'argent volé ? Quelqu'un a-t-il déclaré que ce gouvernement cesserait définitivement de diviser les Libanais en usant de considérations archaïques ? Or ce sont les points de départ de tout le mouvement révolutionnaire, qualifié avec quelque mépris par Hezb de "chaos sécuritaire". Il faut tous les sortir, tous !

Nassif Pierre

21 h 25, le 22 décembre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • Article gentiment informationnel, avec des mots lénifiants : scepticisme, laisser une chance, certains sont venus, ils n'ont rien dit à la sortie ... Et je ne sais quoi. En réalité, la messe est dite avant même le Kyrie Eleison. Le premier acte de tout politique, au Liban, devrait être en effet de demander pardon, quelle que soit sa manière d'honorer Dieu, auquel nous donnons tous le même nom, dans ce pays. Or nulle contrition ici. La promesse est de calmer le jeu en nommant un gouvernement d'experts indépendants. Nous savons tous très bien que cette promesse ne sera pas tenue, car se tiennent en embuscade les 3 partis qui ont nommé Diab en annonçant qu'ils garderaient l'Intérieur, les Affaires Etrangères, la Défense et les Finances. Sa promesse promesse est destinée à faire croire à certains révolutionnaires en chambre que la porte qui leur est ouverte n'est pas celle de l'enfer. N'entrez pas, malheureux ! N'entrez en aucun cas. Quelqu'un a-t-il déclaré que ce gouvernement lutterait contre la corruption, qu'il mettrait en jugement l'ensemble des ministres des gouvernements antérieurs, qu'il leur ferait rendre l'argent volé ? Quelqu'un a-t-il déclaré que ce gouvernement cesserait définitivement de diviser les Libanais en usant de considérations archaïques ? Or ce sont les points de départ de tout le mouvement révolutionnaire, qualifié avec quelque mépris par Hezb de "chaos sécuritaire". Il faut tous les sortir, tous !

    Nassif Pierre

    21 h 25, le 22 décembre 2019

  • Oui le Hezb joue la carte stratégique!! Attention son jeu est dangereux et on ne peut lui faire confiance!! Meme si sa représentation est minimum au sein du gouvernement, il continue à contrôler les décisions et tout ce qui doit être mis à discussion lors des réunions ministérielles. Donc Hariri, fais attention et ne tombe pas dans leur piège encore une fois !!!!

    Assoun F

    17 h 23, le 21 décembre 2019

  • Des présidents, des premier-ministres et des ministres désignés par défaut, cela a toujours existé au Liban. Rappelons-nous le président Elias Sarkis, le ministre de l'Education (sic) Clovis el-Khazen*, le ministre des Finances (resic) Elias el-Khazen... Le fait d'imprimer un catalogue personnel aux frais de la princesse, est déjà un vol de l'argent public. * L'histoire du paragraphe.

    Un Libanais

    16 h 06, le 21 décembre 2019

  • On désigne le PM, on dicte le gouvernement dit de spécialistes et on dit qu’on y participe pas. Une mascarade. Le fait de nommer le PM veut dire qu’il leur est redevable et que le gouvernement est sous leur emprise. Jouer aux innocents est un jeu tellement transparent. Ça fait pitié.

    Michael

    14 h 11, le 21 décembre 2019

  • À part porter le même prénom de Hassan , je ne vois pas en quoi Diab serait l'homme de NASRALLAH ? Non mais éh ! réfléchissez une seconde. Le hezb résistant aurait dû faire semblant de ne pas vouloir de lui pour donner ensuite l'impression de "capituler" , le rue sunnite aurait réagi autrement. Insoutenable légèreté de l'être.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 29, le 21 décembre 2019

  • Le Hezbollah assure comme dab à la perfection son service après-vente. Sa logique est convaincante: éviter le vide gouvernemental et le chaos. Mais qu'a-t-il cédé au CPL pour obtenir cette nomination d'un nouveau PM? Gebran Bassil fera-t-il partie de la nouvelle équipe au mépris des revendications de la rue?

    Marionet

    09 h 44, le 21 décembre 2019

  • SI LE HEZBOLLAH VOULAIT JETER DU LEST IL AURAIT DU LE FAIRE EN NOMMANT HARIRI ET L,ACCEPTANT AVEC UNE EQUIPE DE TECHNOCRATES INDEPENDANTS. MAIS IL SUIT LES ORDRES DE TEHERAN QUI S,IMMISCE DANS LES AFFAIRES INTERNES DES PAYS ARABES PAR CHIITES ARABES INTERPOSES. LE GOUVERNEMENT DIAB EST VOUE A L,ECHEC.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 29, le 21 décembre 2019

  • J'avais deja predis dans ces commentaires que la nomination d'un Libanais a la tete de l'AUB est une tres mauvaise chose. J'avais deja pressenti des problemes mais j'etais a des kilometres de m'immaginer que Fadlo Khoury se permetterait de lister une liste de potentiels pour devenir premier ministre du Liban. Quelle honte cette AUB qui se mele de politique. Elle sera completement noyautee d'ici 10 annees

    Elementaire

    08 h 27, le 21 décembre 2019

  • Le Hezbollah est disposé à apporter toutes les facilités pour permettre au nouveau cabinet de voir le jour, quitte à ce que sa représentation au sein du gouvernement soit « réduite au minimum". Mais Hassan Diab nous a promis un cabinet formé d'indépendants. Cela signifie, si les mots un un sens, que la représentation du Hezbollah - comme celle des autres partis - est réduite au minimum, c'est-à-dire zéro!

    Yves Prevost

    07 h 24, le 21 décembre 2019

  • Une première et essentielle condition est une déclaration officielle de Gebran Bassil, qu'il ne fera pas partie de la prochaine équipe ministérielle. Car la rue sunnite ne pourrait pas tolérer le revoir en l'absence de Saad Hariri. Une deuxième condition, c'est de laisser le premier ministre désigné, composer son équipe sans interventions à visée d'obstruction émanant de Aoun et Berri.

    Esber

    06 h 32, le 21 décembre 2019

  • Hahaha... Diab a assuré avec véhémence qu'il sst technocrate et indépendant et qu'il formera un cabinet de technocrates indépendants!?? Et ce dans xeux interviews distinctes!!! L'électricité ou les téléphoniques semblent complètement coupées entre Diab et le hezb, ou qu'ils parlent des patois différents, ou qu'ils soient sourds tout les deux, ou qu'ils soient dans la.mauvaise voie... En tout cas c'est sûrement pas sérieux venant d'une part du nouveau chef du gouvernement et d'autre part le pseudo president chef du hezb...

    Wlek Sanferlou

    02 h 03, le 21 décembre 2019

  • Par pitie. Cessez de libeller cette milice traitre comme etant le "Parti de Dieu". Dieu n'a pas de parti. Et cette milice nefaste ne represente et ne defend surement pas Dieu.

    sancrainte

    00 h 52, le 21 décembre 2019

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