Standard & Poor’s (S&P) a dégradé hier de plusieurs crans, de « CCC » à « SD », la notation des trois banques libanaises qu’elle observe, à savoir Bank Audi, BLOM Bank et Bankmed, sur les dépôts bancaires à long terme en livres libanaises et en devises. La notation à court terme a également été révisée de « C » à « SD ». La notation souveraine du pays – l’évaluation de sa capacité à payer sa dette publique – n’a pas été révisée.
À travers cette décision, l’agence américaine, l’une des trois principales avec Moody’s et Fitch, a explicitement sanctionné une des mesures temporaires introduites par la circulaire n° 536 de la BDL. Ses consœurs en avaient fait de même il y a une semaine, mais en dégradant moins sévèrement les notations des banques du pays.
Dans ce texte publié le 4 décembre, alors que le pays s’enfonce de plus en plus dans une crise économique et financière dont les effets sont de plus en plus perceptibles, la Banque centrale a en effet demandé aux banques de régler en livres la moitié des intérêts sur les dépôts en devises souscrits par leurs clients. Si la mesure ne concerne que les dépôts déjà souscrits, S&P considère son application comme un défaut sélectif (d’où l’acronyme « SD »).
« Pour S&P, il y a défaut à partir du moment où une partie ne respecte pas une partie de ses engagements contractuels, même si c’est par choix ou nécessité », confirme une source financière. Une explication confirmée dans le communiqué de l’agence, qui estime que la mesure, « qui suit toute une série » de restrictions bancaires adoptées depuis fin août sur fond de crise de change et des liquidités, « limite encore plus l’accès des déposants à leurs fonds ». Pour rappel, la circulaire n° 536 a également plafonné les intérêts sur les dépôts créditeurs à venir en livres et en devises, et s’est autorisée à payer elle-même en livres 50 % des intérêts des dépôts et des certificats de dépôts des banques qu’elle détient.
(Lire aussi : La BDL aurait souscrit des bons du Trésor en livres à 1 %)
Retrait de la liste de surveillance
S&P assure avoir enlevé les trois banques concernées – dont la notation reflète surtout l’opinion de l’agence sur l’ensemble du secteur bancaire – de sa « liste de surveillance avec implication négative ». Elle craint toutefois que le secteur bancaire resserre davantage les restrictions bancaires déjà mises en place, et qui touchent aussi bien les transferts à l’étranger que les retraits de devises, face à la « baisse apparente » de la quantité de liquidités dans le pays. L’agence considère enfin que ce risque « élevé » a été « exacerbé par l’incapacité des autorités de régulation d’empêcher par le passé l’accumulation des déséquilibres dans les bilans des banques, tant au niveau de leur financement que de leurs actifs ». S&P rappelle en outre que les récentes opérations d’ingénierie financière lancées par la BDL (et qui se situent dans le prolongement de celles de 2017) ont augmenté l’exposition des banques au risque souverain. Elle estime enfin que la situation économique et financière du pays pourrait rester sous pression « dans les années à venir », ce qui rend peu probable tout scénario impliquant une hausse des dépôts non résidents dans les banques du pays.Les agences de notation ont vocation à évaluer la solvabilité des agents qu’elles surveillent. Mais leurs décisions peuvent être motivées par des considérations politiques, selon plusieurs sources concordantes.
Lire aussi
Une aide du FMI et de la Banque mondiale réduirait le risque souverain du Liban, assure Moody’s
La BDL a-t-elle eu tort de faire plafonner les taux d’intérêt sur les dépôts ?
Presque sans surprise, Fitch sanctionne une nouvelle fois le Liban
Moody’s dégrade partiellement les notations de trois banques libanaises
commentaires (3)
Oh vous savez un enquiquineur de plus ou de moins... le Liban est immunisé contre cette chose là.
FRIK-A-FRAK
12 h 33, le 19 décembre 2019