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Liban - Consultations parlementaires

Hariri assuré d’une majorité mais le problème du cabinet reste entier

En quelques secondes, le tableau s’est métamorphosé hier, place de l’Étoile, où la violence a rapidement pris le dessus, alors qu’une manifestation pacifique était organisée. Anwar Amro/AFP

Les consultations parlementaires contraignantes pour la nomination d’un nouveau Premier ministre auront lieu aujourd’hui à Baabda, conformément au programme qui avait été annoncé précédemment par le palais présidentiel. Le chef de l’État Michel Aoun recevra en premier le Premier ministre sortant Saad Hariri, puis les membres du groupe parlementaire du Futur qui désigneront ce dernier pour diriger la nouvelle équipe ministérielle. Il recevra en fin de journée le groupe du Hezbollah et en dernier celui du Liban fort, mais peut-être sans son chef Gebran Bassil, qui sera à Genève pour l’ouverture d’un forum international sur les réfugiés. Les certitudes s’arrêtent là, car pour le reste, l’image demeure on ne peut plus opaque, en dépit d’une valse de contacts menés discrètement au cours du week-end afin de dégager un minimum d’entente autour, non pas de la personne du nouveau chef du gouvernement, la désignation de Saad Hariri étant pratiquement acquise, mais de la configuration de la nouvelle équipe ministérielle. Car c’est à ce niveau que le blocage persiste et c’est à ce niveau que le bras de fer engagé entre d’une part le tandem chiite et le CPL et d’autre part Saad Hariri risque d’empêcher la mise en place du cabinet et d’aggraver la crise économique et financière.

Saad Hariri pourra-t-il former un gouvernement de technocrates, conformément à ses vœux, ou concédera-t-il au tandem chiite + CPL une équipe techno-politique rejetée par la rue ? Jusque-là, tout porte à croire que le chef du courant du Futur, qui a tenu une ultime réunion samedi avec le président, reste inflexible. La seule concession qu’il pourrait faire, selon ses milieux, serait de choisir parmi les spécialistes dont il souhaite doter son équipe des personnes dont les sympathies politiques ne heurteraient pas les partisans d’un gouvernement mixte. Mais même cette option continue d’être rejetée par l’axe chiite-CPL qui, bien que majoritaire à la Chambre, n’accepte pas de lâcher prise au niveau de l’exécutif et de voir ainsi son pouvoir amoindri.


(Lire aussi : Indigne pouvoir libanais, l'édito d'Emilie SUEUR)


De l’avis de plusieurs observateurs, l’éruption de violence samedi soir au centre-ville de Beyrouth ne doit pas être dissociée de l’épreuve de force engagée autour de la nature du nouveau gouvernement. Le comportement milicien inacceptable des agents de l’ordre, et plus particulièrement de la police en charge de la sécurité du Parlement, contre les manifestants pacifiques qui réclamaient la nomination d’un chef du gouvernement indépendant et l’accès à la place de l’Étoile est interprété dans les milieux haririens comme un énième message adressé par le tandem chiite au Premier ministre sortant, candidat à sa propre succession.

La série d’événements qui ont abouti à des agressions d’une sauvagerie sans nom contre des femmes et des hommes armés de leurs seuls drapeaux libanais – alors que des éléments perturbateurs ayant attaqué avec des jets de pierres les agents de la brigade antiémeute ou battu des manifestants n’étaient pas inquiétés – et les abus qui les ont ponctués (voir page 4), pour la plupart consignés grâce aux vidéos prises, révèlent une pernicieuse volonté d’instrumentalisation de la rue. Il n’était pas clair jusqu’à hier soir de savoir qui avait donné l’ordre de lancer un assaut en bonne et due forme contre les contestataires et pourquoi. La ministre sortante de l’Intérieur, Raya el-Hassan, a certes réclamé l’ouverture d’une enquête, mais la réponse devrait être cherchée du côté de ceux qui ont intérêt à ce que les consultations parlementaires n’aient pas lieu ou de ceux qui ont intérêt à ce que les manifestants quittent les places qu’ils investissent depuis le 17 octobre pour que le processus devant déboucher sur la formation d’un nouveau cabinet suive son cours.


(Lire aussi : Ultimes concertations avant les consultations, le décryptage de Scarlett HADDAD)


De nouvelles tractations ?
Une dégradation de la situation au niveau de la sécurité pourrait amener le président à en reporter encore une fois la date, ce qui donnerait au Hezbollah et au CPL de Gebran Bassil du temps pour affûter leurs armes dans la perspective d’un nouveau round de tractations avec Saad Hariri sur la composition de son équipe. Avec en prime cette fois-ci le spectre d’une escalade au niveau de la rue, infiltrée depuis une dizaine de jours par des partisans d’Amal. Au centre-ville hier soir, c’était d’ailleurs de nouveau les partisans d’Amal qui s’attaquaient aux agents de l’ordre, sans que ceux-ci ne réagissent.

À moins donc d’un bouleversement de dernière minute, les consultations parlementaires commenceront aujourd’hui à 11h. Selon diverses sources concordantes, Saad Hariri est assuré d’une majorité se situant autour de 70 voix. Selon ses proches, il est déterminé à présenter à Michel Aoun avant Noël et surtout avant l’arrivée de l’émissaire américain David Hale, attendu samedi en principe à Beyrouth, la mouture de sa nouvelle équipe ministérielle, pour couper l’herbe sous le pied du Hezbollah et l’empêcher de coller une étiquette américaine au nouveau cabinet, ce à quoi le député Mohammad Raad a d’ailleurs fait allusion hier. Dans une déclaration lors d’un meeting à Haret Saïda, ce dernier a affirmé que les États-Unis exigent en contrepartie d’aides au Liban que le nouveau gouvernement se soumette à des conditions. « Nous ne sommes plus concernés par l’identité du nouveau Premier ministre. Il n’est pas important que le gouvernement soit politique ou technocrate. Personne ne peut gouverner ce pays seul. Ce qui nous importe, c’est de voir les programmes qui seront en jeu. Or ces programmes semblent liés au bon vouloir américain », a affirmé le député qui, jusqu’à la semaine dernière, réclamait un cabinet d’entente nationale.


(Lire aussi : CPL-Hezbollah : de l’eau dans le gaz)


Quoi qu’il en soit, les deux échéances que sont les consultations et la formation du gouvernement incommodent l’axe chiite-CPL. Ces deux forces se rendent en rangs dispersés aux consultations. Le Hezbollah, qui a besoin de la couverture politique que lui assure un Saad Hariri à la tête du gouvernement, pour des considérations liées principalement à ses activités militaires transfrontalières, ne peut pas le désigner pour former le nouveau gouvernement alors qu’il s’oppose farouchement à une équipe de technocrates. Le désigner équivaudrait implicitement à se plier à la volonté du chef du courant du Futur. Le Hezb mais aussi Amal pourraient s’en remettre au président, lui laissant le soin de désigner un chef du gouvernement à leur place.

Quant au groupe parlementaire du CPL, il avait annoncé par la voix de son chef qu’il ne désignerait pas Saad Hariri, il est vrai, mais de sources informées, on indique que des députés non affiliés au parti, comme le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, ne se conformeront pas à ce mot d’ordre. Un des membres du groupe, Michel Moawad, avait d’ailleurs annoncé la semaine dernière qu’il comptait proposer la nomination de l’ambassadeur Nawaf Salam.


(Lire aussi : Consultations : comment se présentent les positions des partis chrétiens ?)


Les Marada ont en revanche annoncé hier qu’ils désigneront Saad Hariri. Selon toute vraisemblance, le groupe des Forces libanaises fera de même, a-t-on appris de sources proches de ce parti. Le directoire des FL a tenu une réunion extraordinaire hier soir, mais c’est ce matin qu’il est censé annoncer officiellement son candidat à la tête du nouveau cabinet. Leur chef, Samir Geagea, a laissé entendre qu’il soutiendrait M. Hariri, durant la conférence de presse qu’il a tenue au terme d’un entretien, samedi avec l’émissaire de ce dernier, Ghattas Khoury.

Au terme de l’entretien, Samir Geagea avait réaffirmé que son parti ne participerait pas au gouvernement qu’il veut composé exclusivement de spécialistes. Mais en réponse à une question sur le point de savoir si son groupe comptait ou non désigner Saad Hariri à la tête du cabinet, il a répondu : « Si nous le rejetons, nous devrons alors rejeter Michel Aoun et Nabih Berry, parce que l’équation est ainsi faite. Cela ne veut pas dire pour autant que nous le désignerons ».



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commentaires (6)

LES MEMBRES DE L,EQUIPE MINISTERIELLE DOIVENT ETRE CHOISIS PAR HARIRI EN INFORMANT LE CHEF DE L,ETAT. CE GOUVERNEMENT EXCEPTIONNEL N,A PAS BESOIN DE L,AVAL DE LA CHAMBRE CAR IL DECLARERA DES LEGISLATIVES DANS LES SIX MOIS. PARLE-T-ON ALORS DE REVOLUTION. EH BIEN LA OU EN SONT LES CHOSES OUI C,EST DE REVOLUTION DORENAVANT QU,IL S,AGIT.

LA LIBRE EXPRESSION

12 h 18, le 16 décembre 2019

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Commentaires (6)

  • LES MEMBRES DE L,EQUIPE MINISTERIELLE DOIVENT ETRE CHOISIS PAR HARIRI EN INFORMANT LE CHEF DE L,ETAT. CE GOUVERNEMENT EXCEPTIONNEL N,A PAS BESOIN DE L,AVAL DE LA CHAMBRE CAR IL DECLARERA DES LEGISLATIVES DANS LES SIX MOIS. PARLE-T-ON ALORS DE REVOLUTION. EH BIEN LA OU EN SONT LES CHOSES OUI C,EST DE REVOLUTION DORENAVANT QU,IL S,AGIT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 18, le 16 décembre 2019

  • Que celui qui croit encore à un fonctionnement selon la constitution se réveille. Ils sont en train de nous mener droit dans le désastre et nous laissons faire. Ce pays n'a jamais eu de president libre et digne de ce nom depuis que la Syrie et l'Iran ont pris les rênes pour diriger ce pays. Les complots et les basses besognes vont bon train et il serait temps que le peuple renverse la table sur les intrus qui se sont imposés sans y être invités. Un putsch s'impose organisé par des députés et des ex ministres qui ne sont pas d'accord avec ce qui se passe, aidés par l'armée et le peuple pour mettre fin à cette mascarade. Autrement le Liban sera livré aux ennemis de la REPUBLIQUE et auront raison du pays comme de son peuple. Point de tergiversation il faut agir vite en utilisant le langage qu'ils comprennent..

    Sissi zayyat

    12 h 04, le 16 décembre 2019

  • Nous avons un président qui arrive à peine à garder les yeux ouverts en assistant à une messe célébrée par le patriarche maronite...des responsables qui passent leur temps à se quereller pour tout et rien...qui tous n'ont manifestement pas compris ce que diriger un pays signifie. Alors, qu'espérons-nous encore de la part de ces gens-là ce matin...un réveil miraculeux à la réalité catastrophique qui nous entoure...? Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 57, le 16 décembre 2019

  • Titi titi, mitl ma...ila akhirihi...

    Wlek Sanferlou

    09 h 48, le 16 décembre 2019

  • Espérons un retour aux sources rapide car ce qui se passe à Beyrouth chaque nuit risque de ramener la guerre civile .

    Antoine Sabbagha

    08 h 09, le 16 décembre 2019

  • La crise est faite pour durer , bien malheureusement . Hariri n'aurait jamais dû démissionner . Qui lui a donc forcé la main pour nous faire descendre si bas ? Le gros complot kissingerien n'est ni mort ni enterré

    Chucri Abboud

    01 h 02, le 16 décembre 2019

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