Face à l’intransigeance du Premier ministre sortant, qui semblait jusque-là tenir les rênes du jeu en maintenant son exigence d’un cabinet formé de technocrates indépendants, le tandem chiite, dans une tentative de rééquilibrer le rapport de forces en présence, a haussé le ton. Il a ainsi envoyé des messages d’intimidation à peine voilés à l’adresse de Saad Hariri ainsi qu’au mouvement de contestation qui, selon lui, n’a pas véritablement réussi à définir une alternative claire pour la période à venir.
Le ton ferme et musclé employé par les députés du Hezbollah, Mohammad Raad, et d’Amal, Hani Kobeissi, dimanche est un signe patent d’une volonté de reprendre les choses en main.
« La crise ne sera résolue que par la mise sur pied d’un cabinet d’union nationale conformément aux accords de Taëf », a affirmé, à la manière d’un rappel à l’ordre, le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad. « À défaut, le pays sera régi par un gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes. Nous les aurons à l’œil ( les ministres démissionnaires) pour nous assurer qu’ils s’acquittent de leur devoir. Celui qui ne le fera pas devra rendre des comptes », a-t-il ajouté, s’adressant implicitement à M. Hariri. Et d’ajouter : « Que les choses soient claires : personne ne pourra nous faire plier. »
Hani Kobeissi lui a emboîté le pas en accusant, sans le nommer, M. Hariri de se livrer à un jeu nébuleux, rappelant la nécessité de « ressusciter les institutions démissionnaires » pour pouvoir affronter la crise. « Ceux qui tergiversent en matière de gouvernement ont une position surprenante et pour le moins douteuse », a-t-il dit.
Les propos virulents visant M. Hariri qui reste pourtant, jusqu’à ce jour, le candidat favori du tandem chiite pour présider le prochain gouvernement comme l’a rappelé dimanche un autre député du Hezbollah, Mahmoud Qmati, et le paradoxe apparent de l’attitude du parti chiite, ne peuvent être expliqués que sous l’angle d’un jeu de rôles, comme le relève une source politique qui suit de près les tractations de la formation du gouvernement.
Dans les milieux du parti chiite, on refuse d’évoquer un raidissement mais on estime que les revendications d’un gouvernement de spécialistes indépendants, réclamé dans la rue et saisi au vol par M. Hariri, relèvent d’une « hérésie ».
« Un gouvernement d’unité nationale signifie qu’il doit être composé de la représentation la plus large des parties en présence », confie un responsable du parti de Dieu.
En somme, la logique défendue par le Hezbollah se résume comme suit : la crise ne peut être résolue qu’à travers les institutions et tant que le mouvement de contestation n’a pas réussi à ce jour à offrir une alternative, on ne peut parler de révolution mais de simples revendications socio-économiques.
« Une vraie révolution doit avoir un projet, une vision et les moyens de l’exécuter. En bref, elle doit pouvoir offrir un rôle de substitution au système en place. Pour l’instant, nous sommes en présence d’un mouvement revendicatif, mais non pas d’une force susceptible d’assurer une alternance », affirme à L’OLJ un responsable du parti de Dieu pour justifier sa demande d’un gouvernement d’union nationale.
La formule d’un gouvernement d’union nationale ne signifie pas pour autant un retour au statu quo ante ni une occultation de la représentativité du mouvement de contestation, dont certains représentants seront désignés au sein du futur cabinet, fait-on valoir de même source. Le nouvel exécutif devra toutefois tenir compte des équilibres en présence et du fait notamment que « personne ne peut éliminer la force représentative du courant aouniste », assure le responsable précité.
(Lire aussi : Irresponsabilité criminelle, l’édito de Michel TOUMA)
Khatib s’active
Le durcissement de ton de la part du tandem chiite survient alors que les tractations se poursuivent en coulisses pour tenter de renforcer les chances de Samir Khatib, une nouvelle figure sunnite pressentie pour former le prochain cabinet et que soutient, discrètement, le Courant patriotique libre. Ce dernier, qui enchaîne les réunions au plus haut niveau ( il a notamment rencontré hier soir M. Hariri ) en testant, auprès de ses interlocuteurs, les différentes moutures susceptibles de fonctionner, ne semble toutefois pas convaincre le Hezb, encore moins Amal, persuadés que seul M. Hariri, du fait de la confiance dont il bénéficie auprès de la communauté internationale, peut sortir le pays de la crise financière dans laquelle il s’enfonce.
Dans les milieux aounistes, on affirme pourtant que les contacts de M. Khatib auprès de la communauté internationale ne sont pas des moindres. « Il a de bonnes relations aussi bien avec les pays du Golfe qu’avec l’Occident, dont les États-Unis », assure une source proche du courant aouniste. Le CPL, qui affirme craindre un nouveau scénario destiné à écarter M. Khatib de la scène, comme cela s’est produit avec Mohammad Safadi, promet qu’il ne restera pas cette fois-ci les bras croisés si cela devait arriver et s’engage à durcir le ton si M. Khatib devait être lui aussi éliminé.
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commentaires (15)
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Sissi zayyat
14 h 44, le 04 décembre 2019