Le Hezbollah refuse plus que jamais un gouvernement dont il ne ferait pas partie. Photo d’archives
Un mois exactement après la démission du gouvernement sous la pression de la rue, les tractations en vue de former un nouveau cabinet continuent de tourner en rond. De part et d’autre, les blocages persistent et la méfiance entre les parties a atteint un point tel que plus le temps passe, plus les positions se raidissent. C’est notamment le cas pour le Hezbollah, qui refuse à ce jour de se plier aux conditions posées par le Premier ministre sortant, Saad Hariri, à savoir un gouvernement de sauvetage formé uniquement de spécialistes et doté de pouvoirs exceptionnels. Après avoir quelque peu atténué sa position et consenti, il y a deux semaines, à une formule qui lui accorderait une représentation par le biais de figures non partisanes au sein d’un gouvernement techno-politique, le Hezb semble avoir durci le ton, en exigeant désormais rien moins que des ministres partisans. La formation chiite « n’a plus confiance en personne, même pas en ses alliés chrétiens représentés par le Courant patriotique libre », affirme un proche du parti, qui tente d’expliquer l’exacerbation de la méfiance par la hantise de voir l’étau se resserrer encore plus autour de lui, à la faveur d’un mouvement de contestation qu’il perçoit comme téléguidé par une main invisible, attribuée aux États-Unis. Au vu des révoltes qui ont secoué le Liban, l’Irak et l’Iran, le Hezbollah n’acceptera par conséquent ni les pouvoirs exceptionnels, ni des élections anticipées qu’un cabinet de technocrates purs pourrait agiter à la manière d’un spectre.
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« S’il donne le doigt, ils voudront lui prendre le bras », comme dit l’adage, commente ce proche du Hezbollah. Ce que le parti chiite craint le plus, c’est que la tendance radicale au sein de l’administration américaine souhaitant l’évincer de la scène politique ne prenne le dessus.
« Le Hezbollah est parfaitement conscient du fait qu’il existe actuellement deux tendances aux États-Unis : celle du Pentagone, conciliante, accorde la priorité à la stabilité au Liban et consentirait donc à un gouvernement techno-politique. L’autre tendance, notamment représentée par l’aile dure de l’administration, insiste sur la formule d’un gouvernement d’indépendants même si l’impasse devait conduire à l’effondrement du pays », affirme l’analyste politique proche du Hezbollah Kassem Kassir. « Le parti détient des informations à ce propos », assure-t-il.
Une source politique occidentale a en effet indiqué hier à L’OLJ que les Américains et les Français n’ont pas la même position sur la forme du gouvernement. « Paris est plus conciliant et n’est pas contre un cabinet techno-politique à condition que les figures politiques “provocatrices” n’en fassent pas partie. Pour leur part, les Américains restent en faveur d’un gouvernement exclusivement formé de technocrates », assure la source.
Une position qui n’est pas pour faciliter la tâche de M. Hariri qui s’évertue depuis des semaines à réitérer devant ses visiteurs que le gouvernement de sauvetage qu’il serait prêt à présider n’aura d’autres objectifs que de redresser, sur une période de six à sept mois, la situation financière et économique désastreuse dans laquelle se trouve le pays. Par conséquent, fait-on valoir dans les milieux proches du Sérail, les pouvoirs exceptionnels que le parti chiite affirme craindre ne sont destinés qu’à sortir le pays de la crise et ne porteront sur aucun sujet d’ordre politique ou stratégique.
« Le prétexte des pouvoirs exceptionnels ne tient pas la route pour la simple raison que la force du Hezbollah ne provient aucunement de l’État ni des forces politiques en présence. Même si 90 pour cent des députés de l’Assemblée devaient aujourd’hui se prononcer contre les armes, est-ce qu’ils pourront pour autant désarmer le parti ? » s’interroge Moustapha Allouche, membre du bureau politique du courant du Futur.
Pour un analyste qui a requis l’anonymat, si le parti chiite insiste pour avoir au moins un ou deux ministres partisans au sein du prochain cabinet, c’est principalement pour se donner une légitimité vis-à-vis de l’étranger en consacrant son rôle politique alors qu’il se retrouve complètement encerclé aujourd’hui.
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Pouvoirs exceptionnels
Des juristes rappellent que le fait de légiférer par le biais de décrets-lois que le Hezbollah affirme craindre ne peut se faire que par autorisation du Parlement où le parti de Dieu et ses alliés sont majoritaires. La procédure est très claire et passe immanquablement par la Chambre qui autorise le gouvernement à légiférer dans des domaines bien précis.
« La Chambre peut limiter autant qu’elle le souhaite les domaines ou les secteurs dans lesquels l’exécutif entend agir », rappelle Hadi Rached, avocat.
« Le problème, ajoute-t-il, ne se situe pas à ce niveau. Pour le tandem chiite, c’est tout simplement une question d’équilibre des pouvoirs. Le Hezbollah et Amal refusent totalement l’idée d’abandonner leurs prérogatives au sein du système en les confiant au Premier ministre sunnite », commente M. Rached.
Dans les milieux proches du Sérail, on persiste et signe : Saad Hariri ne veut pas être le capitaine d’un navire qui coule. S’il sollicite des pouvoirs exceptionnels, c’est parce qu’il souhaite en finir avec les blocages qui ont conduit à la situation actuelle, assure-t-on. Comprendre, en finir avec un Gebran Bassil qui reste à ce jour attaché à l’équation de départ, à savoir qu’il ne renoncera à sa participation au prochain cabinet que si Saad Hariri y renonce également.
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« Pour le CPL, ou plus précisément son chef, Gebran Bassil, accepter d’être éjecté du paysage politique serait l’équivalent d’un sérieux revers qu’il n’acceptera jamais. À cela s’ajoute le fait qu’il reste à ce jour attiré par les portefeuilles juteux et ne veut surtout pas lâcher prise », dit M. Allouche.
Pourtant, toutes les tentatives destinées à trouver un substitut à M. Hariri ont échoué à ce jour. Accusé par ses détracteurs de vouloir éliminer d’emblée ses concurrents pour mieux favoriser son retour, M. Hariri sait pertinemment qu’il est la personnalité la mieux placée pour sortir le pays de la crise, puisqu’il reste l’interlocuteur privilégié auprès de bailleurs de fonds internationaux. Un constat que font même ses adversaires politiques, à leur tête le Hezbollah qui continue à ce jour à soutenir son retour. C’est ainsi que l’on pourrait expliquer la nouvelle médiation qu’effectueraient la semaine prochaine auprès de M. Hariri le ministre des Finances sortant Ali Hassan Khalil, et Hussein Khalil, conseiller politique de Hassan Nasrallah. Selon notre chroniqueur, Philippe Abi Akl, les deux responsables tenteront de convaincre, une fois de plus, le chef du gouvernement démissionnaire d’avaliser la formule d’un cabinet de spécialistes doté de cinq ou six ministres politiques sans portefeuilles. En même temps on apprenait que la candidature de Samir el-Khatib, une personnalité issue du monde des affaires, est toujours de vigueur. Une fois de plus, ce ne sera pas M. Hariri qui s’opposera à ce choix, mais plutôt la rue, laisse entendre une source proche du courant du Futur.
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Les émissaires se succèdent au Liban et repartent avec le même constat affligeant
"affirme un proche du parti" "commente ce proche du Hezbollah" "Une source politique occidentale a en effet indiqué hier à L’OLJ" "fait-on valoir dans les milieux proches du Sérail" "Pour un analyste qui a requis l’anonymat" "Dans les milieux proches du Sérail" "laisse entendre une source proche du courant du Futur" De grâce, pouvez vous cesser d'utiliser la langue de bois, et nommer les personnes interviewees, sinon ne pas les citer, je pense que "les sources qui souhaitent rester anonymes" n'ont pas droit au chapitre, cela participe à entretenir les theories complotistes. Mettons les analystes et les portes paroles devant leur responsabilité, QUE CHACUN ASSUME SA POSITION. ceci dit, très bonne analyse de la situation dans cet article.
20 h 52, le 01 décembre 2019