Le cheikh Nabil Kaouk, membre du directoire du Hezbollah, a accusé dimanche "la politique américaine et les médias saoudiens" d'avoir voulu pousser les Libanais à s'affronter dans la rue", soulignant que le Hezbollah s'efforce de "faciliter les tractations pour la formation d'un nouveau gouvernement", que certains s'efforcent de "miner". M. Kaouk a tenu ces propos alors que le Liban est entré dans son deuxième mois de contestation populaire de grande ampleur contre la classe dirigeante, accusée d'incompétence et de corruption.
"La politique américaine et les médias saoudiens ont voulu pousser les Libanais à s'affronter dans la rue et ils veulent attiser les dissensions", a accusé le responsable du parti chiite lors d'une cérémonie au Liban-Sud. "Les Libanais dans la rue manifestant pour sauver le pays et pour que leurs droits élémentaires soient respectés, mais des forces partisanes et des ingérences américaines ont infiltré le mouvement de contestation pour couler le pays et obtenir des gains politiques", a ajouté Nabil Kaouk, qui a insisté sur "la responsabilité nationale historique" de son parti qui a pu "empêcher les dissensions".
Dans le courant de la semaine, plusieurs incidents ont marqué les mouvements de contestation, rappelant à certains Libanais "des événements de la guerre civile" (1975-1990). A Jal el-Dib, un homme identifié par les manifestants comme membre du Courant patriotique libre (aouniste), a ouvert le feu avec une kalachnikov sur les manifestants, faisant plusieurs blessés. En plusieurs autres endroits du pays, comme au niveau du tunnel de Nahr el-Kalb et au Liban-Nord, des petits groupes de contestataires ont voulu édifier des murets sur les routes, afin de bloquer la circulation, ce qui a été condamné par de nombreux responsables et manifestants. Mardi soir, un manifestant, Ala' Abou Fakhr, a été tué par balle lorsqu'un véhicule transportant des militaires a voulu franchir un barrage de fortune installé sur une route de Khaldé, au sud de Beyrouth. Malgré ces tensions, relancées après une interview télévisée du chef de l’État Michel Aoun mardi soir, la révolte est restée pacifique.
(Lire aussi : Gouvernement : Safadi renonce à devenir Premier ministre)
"Miner la formation du gouvernement"
"Le Hezbollah s'efforce de faciliter les contacts et tractations pour former un gouvernement", a déclaré le cheikh Kaouk, alors que le cabinet de Saad Hariri a démissionné le 29 octobre sous la pression de la rue. "Certains veulent sciemment miner la formation du nouveau gouvernement, afin de changer l'équation politique entre les différentes formations", a-t-il accusé, avant de poursuivre : "Les tractations ont eu lieu pour accélérer la nomination d'un Premier ministre et former un gouvernement mais des forces politiques continuent d'attiser les crises et d'affamer le peuple. "Mais quelle que soit la forme du prochain cabinet et qui que soit le futur Premier ministre, le Liban n'acceptera pas un cabinet qui obéit aux diktats américains", a-t-il ajouté, assurant que le parti chiite œuvre à "la formation d'une équipe capable de sauver le pays, juger les corrompus, mettre un terme au gaspillage financier et récupérer les fonds pillés" du Trésor public.
Plus tôt dans la journée, le député Hussein Hajj Hassan, également représentant du Hezbollah, avait affirmé que les revendications des Libanais font partie du "programme de travail" du parti chiite, appelant à la formation la plus rapide possible d'un nouveau gouvernement "qui puisse répondre aux demandes du mouvement de contestation".
Depuis la démission du cabinet de Saad Hariri, le chef de l’État Michel Aoun n'a toujours pas convoqué les consultations parlementaires contraignantes permettant la nomination d'un futur président du Conseil. La présidence argue pour justifier ce retard des "circonstances exceptionnelles" que traverse le pays et de la nécessité de mener des tractations préalables pour s'accorder sur la formule que devrait prendre le prochain gouvernement. Alors que jeudi soir, la majorité sortante, c'est-à-dire le Courant patriotique libre (aouniste), le Futur (de M. Hariri), le Hezbollah et le mouvement Amal (du président de la Chambre Nabih Berry), s'étaient entendue sur la nomination de l'ancien ministre des Finances Mohammad Safadi, ce dernier a annoncé samedi soir qu'il se retirait de la course, après avoir constaté la difficulté de former un cabinet répondant aux revendications légitimes de la rue.
Le Liban est secoué depuis le 17 octobre par une contestation sans précédent contre l'ensemble d'une classe dirigeante accusée de corruption et d'incompétence dans un contexte de crise économique aiguë.
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commentaires (20)
Cheikh Nabil Kaouk pourqoi vous ne voulez pas un gouvernement de technocrates ?
Eleni Caridopoulou
19 h 17, le 18 novembre 2019