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Culture - L’artiste de la semaine

Simon Ghraichy, le clavier pas tempéré

Le pianiste aux origines libano-mexicaines se produit dans un spectacle inédit, « De Paris à Beyrouth », avec la grande danseuse étoile de l’opéra de Paris, Marie-Agnès Gillot, le 22 novembre à la Seine musicale.

Simon Ghraichy : « Entre le Liban et mon concert du 22 novembre, la corrélation est festive. » ©Antonin Amy-Menichetti

Par un mois de novembre chargé, entre des concerts en Russie et au Mexique, le musicien de 34 ans revient volontiers sur son coup de foudre avec le piano, qu’il pratique depuis l’âge de quatre ans. « C’est un rapport très passionné, cet instrument est en quelque sorte l’amour de ma vie. Je vis avec, je voyage avec, et notre lien est charnel, car on joue avec tout son corps, pas uniquement avec les doigts. Le piano, c’est la prolongation de moi-même en fait. » Né à Beyrouth, Simon Ghraichy grandit dans une famille libano-mexicaine. À l’adolescence, il s’installe à Paris et s’inscrit au Conservatoire de Boulogne-Billancourt, où il prépare le concours du Conservatoire de Paris. Il l’intègre à 18 ans et suit les cours Michel Beroff. « Même si ça a été difficile quand j’étais plus jeune, je considère maintenant que c’est une richesse inouïe d’avoir trois cultures dans sa poche », confie celui qui obtient ensuite un master à Helsinki, à l’Académie Sibelius.

Le pianiste insiste sur la dimension déterminante de son séjour à New York, pendant quatre ans, dans le cadre d’une résidence d’artiste. « J’ai pu monter des projets très éclectiques, avec des musiciens et des compositeurs contemporains, et j’ai découvert plusieurs scènes de musique classique, comme le mythique Carnegie Hall, où j’ai joué en 2015 et 2016. La première fois, le concert reprenait des œuvres de Schumann et de Liszt, que je venais d’enregistrer. Dans un deuxième temps, j’ai joué des compositeurs sud-américains, dans le cadre du National Hispanic Heritage Month. Jouer dans une des salles les plus prestigieuses du monde a lancé ma carrière. »

En 2016, Simon Ghraichy signe un contrat avec le label Deutsche Grammophon, et il s’installe à Paris, tout en gardant une carrière internationale.

« Marier la virtuosité et la poésie »

Si le pianiste était contraint de choisir un compositeur qu’il apprécie tout particulièrement, ce serait Franz Liszt. « Sa musique me touche beaucoup, c’est un mélange de virtuosité pure et de poésie. Il met en valeur les qualités pianistiques de l’interprète, tout en lui permettant de laisser parler son âme, comme avec la Sonate en si mineur, que j’ai enregistrée, en 2011 pour le bicentenaire de la naissance du compositeur. »

Néanmoins, le musicien est bien ancré dans son époque, et il réalise de plus en plus de collaborations avec des compositeurs contemporains, qui écrivent pour lui. « Cela donne la possibilité d’explorer les idées de ses écrits avec le compositeur, il nous entoure et peut nous aider à avancer », explique Simon Ghraichy, qui apprécie beaucoup par exemple la musique de Chilly Gonzales, qui est germano-canadien. « Après une formation classique, Chilly a dévié vers le néoclassique, le rock, la pop, le rap... Puis il est revenu vers une écriture plus traditionnelle avec une pièce composée pour moi, Robert on the bridge. On y retrouve un thème de Schumann, en référence au pont dont il est tombé, et qui a déclenché son angoisse de l’eau, motif récurrent de son œuvre. Ce morceau a été publié en 2019 dans mon dernier album, 33, chez Deutsche Grammophon. »

Si l’artiste se définit avant tout comme musicien classique, il aime explorer d’autres styles. « Dans un premier temps, je me suis beaucoup intéressé aux compositeurs latino-américains, dont les compositions classiques sont empreintes de sonorités latines et caribéennes. Aujourd’hui, je fais parfois des performances, où je marie le répertoire classique avec d’autres formes d’art, comme la musique électronique, ou la danse, ce qui permet de toucher des publics plus larges. »

De Paris à Beyrouth

Chaque année, la Seine musicale choisit un grand artiste de renommée mondiale, à qui elle attribue des dates, selon une formule « carte blanche ». Ainsi, Marie-Agnès Gillot a pu constituer son propre programme sur plusieurs mois, en proposant différents spectacles, sur sept soirées exceptionnelles et inédites. « Lorsqu’en févier 2019 Marie-Agnès a assisté à mon récital au théâtre des Champs-Élysées, elle m’a proposé de faire la date du 22 novembre avec elle, et nous avons souhaité construire un programme qui rende hommage au Liban (NDLR : qui fête son indépendance ce jour-là) », explique Simon Ghraichy.

Dans une première partie, la danseuse étoile interprétera pour la première fois The Dress, un solo que la chorégraphe libanaise Nada Kano a réadapté spécialement pour elle, sur une bande son qui proposera des œuvres de Dvorak, Janacek, Satie et Beffa.

Dans un second temps, le pianiste multiculturel rejoindra celle qui compte parmi les plus grandes étoiles contemporaines, pour un concert dansé, avec une création autour du temps, sur des partitions de Glass, Nyman, Gonzales, Szymanski... « Marie-Agnès a chorégraphié le récital que je vais présenter, qui reprend des extraits de mon album 33, un mélange d’introspection sur des sujets douloureux, associé à une dimension plus grandiose, plus glamour. Le mélange de ces deux aspects correspond assez bien à la vie d’artiste », commente celui qui a été marqué par sa performance au Festival de Baalbeck, en 2015. « C’est une des expériences les plus extraordinaires de ma vie, que de jouer sur les marches du grand temple, avec l’Orchestre philharmonique du Liban. On avait proposé entre autres des créations de Gabriel Yared, Béchara el-Khoury et Nagi Hakim. J’espère un jour pouvoir participer à d’autres festivals, comme celui de Byblos ou de Beiteddine. » L’actualité libanaise ne se prête pas pour l’instant à des projections estivales, et l’artiste évoque immédiatement les événements qui traversent son pays natal, depuis le début du mouvement de contestation de la classe politique, le 17 octobre dernier. « Ce que je souhaite, c’est que les Libanais puissent enfin s’unir, c’est un pays formidable, qui mérite de s’épanouir sans conflits. Le 22 novembre, nous célébrerons son indépendance, ce sera un soir de fête, car la musique c’est une fête, la danse c’est une fête. Et j’espère que les Libanais, qu’ils soient présents dans la salle, ou par la pensée, pourront vivre cette soirée de fête avec nous. »

26 septembre 1985

Naissance à Beyrouth.

2011

Premier album, consacré à

Franz Liszt.

Août 2015

Concert dans le cadre du Festival de Baalbeck avec l’Orchestre philharmonique du Liban.

Octobre 2015

Premier concert au Carnegie Hall, New York.

Juin 2016

Signature avec le label Deutsche Grammophon.

Novembre 2016

Premier concert à la Philharmonie de Berlin.

Mars 2017

Premier concert au théâtre des Champs-Élysées, à Paris.

Mai 2019

Débuts à la Philharmonie

de Paris.

Octobre 2019

Débuts en Russie, notamment à la Philharmonie de Saint- Pétersbourg et dans la grande salle du conservatoire Tchaïkovski de Moscou.


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Par un mois de novembre chargé, entre des concerts en Russie et au Mexique, le musicien de 34 ans revient volontiers sur son coup de foudre avec le piano, qu’il pratique depuis l’âge de quatre ans. « C’est un rapport très passionné, cet instrument est en quelque sorte l’amour de ma vie. Je vis avec, je voyage avec, et notre lien est charnel, car on joue avec tout son corps, pas...

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Bravo.

Eddy

16 h 49, le 15 novembre 2019

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  • Bravo.

    Eddy

    16 h 49, le 15 novembre 2019

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