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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Au Yémen, le début de la fin de la guerre ?

Le processus de paix est en marche, mais de nombreux obstacles demeurent.


De gauche à droite : le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed, le président du Yémen Abd Rabbo Mansour Hadi et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane mardi à Riyad. Bandar al-Jaloud/Saudi Royal Palace/AFP

La scène est symbolique. Main dans la main, le prince héritier d’Abou Dhabi Mohammad ben Zayed, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane sourient aux caméras. Entouré de ses parrains, le chef de l’État yéménite vient de signer, en ce 5 octobre, l’Accord de Riyad avec le Conseil de transition du Sud (CTS). Fruit de plusieurs mois de négociations, l’entente marque l’ouverture d’un nouveau chapitre dans la guerre au Yémen dans lequel Riyad devrait jouer le rôle central. L’unité affichée entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis – alors que leurs divergences concernant le Sud-Yémen avaient fait naître de sérieuses dissensions entre les deux alliés – ainsi que le règlement de l’épineuse question du Sud apparaissent comme une double victoire pour le royaume wahhabite.

L’objectif pour Riyad est de construire un front uni face aux houthis au nord du pays et de tourner la page des combats qui ont opposé les forces séparatistes et les loyalistes en août dernier pour le contrôle de Aden. « À défaut, la position de l’Arabie saoudite face aux houthis et à l’Iran sera faible », observe pour L’Orient-Le Jour Maged al-Madhaji, cofondateur et directeur exécutif du Centre de Sanaa pour les études stratégiques. Les récents affrontements avaient un peu plus fragilisé les relations au sein de la coalition suite aux accusations du gouvernement Hadi contre les EAU de soutenir et de financer les activités du CTS. « Le règlement de la question entre le CTS et le gouvernement était nécessaire après l’explosion de la situation à Aden et ne pouvait plus être reporté, d’autant plus qu’il commençait à affecter les relations entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis », souligne Maged al-Madhaji.

Le document devrait redistribuer les cartes entre les acteurs du conflit yéménite tant sur le terrain que sur le plan diplomatique, faisant du CTS un partenaire à part entière au sein de la coalition. Organisation séparatiste créée en 2017 et prônant un retour à un Yémen du Sud indépendant, le CTS dispose d’une forte présence à Aden, capitale temporaire du Yémen, après avoir pris le palais présidentiel en janvier 2018. Dans le but de ramener le sud du Yémen sous le joug de l’administration Hadi, le CTS devrait disposer pour la première fois d’une représentation au sein d’un gouvernement yéménite, dans un cabinet de 24 ministres divisé à parts égales entre les ministres du président Hadi et ceux issus du sud du pays. Les forces armées de l’organisation doivent également être intégrées à celles du ministère de la Défense et de l’Intérieur. « Le document indique que toute personne impliquée dans les combats à Aden ne peut pas être ministre et, par conséquent, certaines personnes qui seront exclues de ce nouveau gouvernement pourraient devenir des éléments perturbateurs à l’avenir », estime pour L’OLJ Elana DeLozier, chercheuse au Washington Institute for Near East Policy. « De plus, il y a peu de temps pour mettre en œuvre des initiatives assez importantes et il n’y a pas de confiance entre le gouvernement Hadi et le CTS. Ce sont des énormes obstacles », poursuit-elle.

L’accord ne prend également pas en compte la diversité des factions et des tribus présentes dans le sud du pays ni l’ensemble des revendications des populations des différentes provinces. « La tribu de Mahra a refusé d’être représentée et de participer à la cérémonie, par exemple, car rien ne lui a été accordé dans l’accord. La même chose peut s’appliquer à d’autres mouvements du Sud, comme ceux soutenus par les Omanais », souligne Ahmad Nagi, chercheur non résident au Centre Carnegie du Moyen-Orient, basé à Beyrouth, contacté par L’OLJ. Pas plus tard que dimanche dernier, des centaines de manifestants ont protesté à Socotra contre la présence des troupes émiraties alors que l’île pourrait offrir une route maritime commerciale supplémentaire en mer d’Arabie. « La question cruciale est de savoir s’il s’agit d’un accord entre les parties yéménites ou entre l’Arabie saoudite et les EAU pour se partager le pouvoir à travers leurs proxy », note Ahmad Nagi.


(Lire aussi : Gouvernement et séparatistes signent un accord de partage du pouvoir dans le Sud)



Fortes pressions internationales

Les difficultés à stabiliser la situation dans le Sud pourraient compliquer la mise en place d’un processus sérieux visant à sortir le Yémen d’un conflit dans lequel Riyad est enlisé depuis 2015 après avoir lancé une coalition avec Abou Dhabi pour venir appuyer les forces du président Hadi face aux houthis, soutenus par Téhéran. Selon les observateurs, les efforts saoudiens semblent toutefois indiquer une volonté de Riyad de négocier avec les rebelles chiites. Selon l’AFP, un haut responsable saoudien a déclaré hier, sous couvert d’anonymat, que les Saoudiens ont « un canal ouvert avec les houthis depuis 2016 » et « poursuivent ces contacts pour parvenir à la paix au Yémen ». « Si les houthis (sont) sérieux en ce qui concerne une désescalade et acceptent de s’asseoir à la table (des négociations), l’Arabie saoudite soutiendra leur démarche et apportera son appui à tous les partis politiques pour parvenir à une solution », a-t-il affirmé. Le royaume wahhabite fait l’objet de fortes pressions internationales pour mettre fin au conflit qui fait déjà fait plus de 100 000 morts.


(Lire aussi : Les houthis annoncent la capture de « milliers » de soldats saoudiens à Najran)



Les négociations entre les deux parties ont abouti à la libération de 290 détenus en septembre dernier, dans le cadre d’une liste réunissant les noms de 15 000 prisonniers à libérer par les deux parties, établie lors de l’accord de Stockholm passé en décembre 2018. Au début du mois d’octobre, les houthis ont également affirmé avoir proposé au gouvernement yéménite d’échanger une nouvelle salve de 2 000 prisonniers dans « une première phase ». Ces avancées ne devraient cependant pas suffire à débloquer le processus de paix entre les parties, qui bute encore sur plusieurs éléments tels que le manque de confiance ou encore le partage du pouvoir territorial et politique. La période de relative détente entre l’Arabie saoudite et l’Iran aura-t-elle pour effet de faciliter les négociations ? Abbas Moussavi, le porte-parole des Affaires étrangères iraniennes, a estimé hier dans un communiqué que la signature de l’Accord de Riyad « ne résoudra en aucune manière les problèmes et la crise au Yémen, mais confirmera et consolidera l’invasion de l’Arabie saoudite et de ses alliés dans le sud de ce pays ». « La première chose à faire est d’arrêter la guerre (au) Yémen, avant d’organiser des discussions interyéménites en vue d’un accord assurant l’avenir du pays », a-t-il précisé.


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La scène est symbolique. Main dans la main, le prince héritier d’Abou Dhabi Mohammad ben Zayed, le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane sourient aux caméras. Entouré de ses parrains, le chef de l’État yéménite vient de signer, en ce 5 octobre, l’Accord de Riyad avec le Conseil de transition du Sud (CTS). Fruit de plusieurs...

commentaires (2)

LOIN ENCORE CETTE PERSPECTIVE. L,ACCORD ACHEVE EST ENTRE DEUX BELLIGERANTS DU MEME GROUPE. CA LEUR DONNE PLUS DE POIDS DANS TOUTE NEGOCIATION FUTURE AVEC LA MILICE IRANIENNE DES HOUTIS.

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 23, le 07 novembre 2019

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Commentaires (2)

  • LOIN ENCORE CETTE PERSPECTIVE. L,ACCORD ACHEVE EST ENTRE DEUX BELLIGERANTS DU MEME GROUPE. CA LEUR DONNE PLUS DE POIDS DANS TOUTE NEGOCIATION FUTURE AVEC LA MILICE IRANIENNE DES HOUTIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 23, le 07 novembre 2019

  • Le Yemen a toujours été une boite de Pandorre ! Tant que l'Iran et la Séoudie n'auront pas enterré la hâche de guerre , le Royaume de Saba sera pris en sandwiche pour basculer tantôt d'un côté tantôt de l'autre ! Ce pauvre pays n'en finit pas de servir de base de pression politique et militaire à l'encontre des différentes puissances qu'il a le malheur d'avoir comme voisins irréconciliables ! Quel destin ! Le Liban aussi !

    Chucri Abboud

    08 h 33, le 07 novembre 2019

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