Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, a déclaré mardi qu'il était en faveur du "mouvement civil" de contestation que connaît le Liban depuis vingt jours, s'opposant toutefois aux "insultes et fermetures des routes" auxquelles ont recours les manifestants. M. Berry a en outre annoncé que la séance législative du 12 novembre sera consacrée, en plus de l'élection du bureau de la Chambre, à l'étude de nombreuses lois, notamment celle relative à la lutte contre la corruption. La corruption au sein de la classe dirigeante est l'une des premières cibles des manifestants qui descendent quotidiennement dans les rues du pays pour réclamer la chute du régime.
S'adressant aux journalistes à l'issue d'une réunion du bureau de la Chambre à Aïn el-Tiné, le chef du Législatif a annoncé que "comme le souhaite le réel mouvement civil en matière de législation, je vais ajouter à l'ordre du jour de la séance de la Chambre de nombreux textes de loi". Il a cité, dans ce contexte, le projet de loi relatif à la lutte contre la corruption, la proposition de loi sur la création d'un tribunal spécial pour juger les crimes financiers, le projet de loi sur les pensions de retraite et la loi revêtue du caractère de double urgence sur l'amnistie générale. La loi encadrant la lutte contre la corruption avait été adoptée fin juin par le Parlement mais le chef de l'Etat, Michel Aoun, avait refusé de signer le texte, estimant qu'il nécessitait des éclaircissements supplémentaires.
M. Berry a également souligné que d'autres "propositions de loi importantes présentées par les députés concernant les fonds pillés et la levée du secret bancaire" seraient débattues. Il a annoncé que les commissions conjointes, qui doivent étudier ces textes de loi, tiendront trois sessions par jour pour les finaliser.
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"En faveur du mouvement civil"
Le chef du Parlement a en outre affirmé être "en faveur du mouvement civil" de contestation, qui secoue le Liban pour la vingtième journée consécutive, s'opposant toutefois "aux fermetures des routes et aux insultes".
Depuis 20 jours, des barrages routiers sont régulièrement, voire quotidiennement, installés sur les grands axes de communication du pays. En début de matinée, aujourd'hui, l'armée avait rouvert de force toutes les routes sur lesquelles étaient installés des barrages de fortune.
Depuis le 17 octobre, le Liban est secoué par un soulèvement inédit ayant mobilisé des centaines de milliers de manifestants, qui crient leur ras-le-bol face à une économie au bord du gouffre, mais aussi une classe politique jugée corrompue et incompétente, dominée depuis des décennies par les mêmes clans. Nabih Berry a été, depuis le début de la révolte, une des cibles des manifestants qui l'ont accusé de vol et corruption, et ce même dans des localités considérées comme des fiefs du mouvement Amal, qu'il dirige, notamment au Liban-Sud.
Le soulèvement a entraîné mardi dernier la démission du Premier ministre Saad Hariri et de son gouvernement - qui continue toutefois de gérer les affaires courantes. Les manifestants restent mobilisés pour s'assurer que toutes leurs demandes se concrétisent, notamment la formation d'un gouvernement formé de personnalités non-partisanes.
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"Se dépêcher sans se précipiter"
Dans ce cadre, aucune nouvelle avancée n'était enregistrée ni aucune date fixée pour entamer les consultations parlementaires contraignantes en vue de nommer un Premier ministre.
Le député Simon Abi Ramia, membre du bloc du Liban Fort, majoritairement composé de députés du Courant patriotique libre (aouniste), a précisé, pour justifier ce retard, que le chef de l'Etat ne fait pas preuve de précipitation "afin que la formation du gouvernement ne prenne pas trop de temps". "Il faut se dépêcher, mais sans faire preuve de précipitation", a-t-il souligné lors d'un entretien sur la chaîne de télévision locale LBC. "Nous devons provoquer un choc positif pour l'opinion publique en nommant des ministres compétents et qui ne soient pas suspectés de corruption, pour que le futur gouvernement soit productif", a ajouté M. Abi Ramia.
Samedi, le bureau de presse de la présidence libanaise avait publié un communiqué se défendant de tout retard dans le lancement des consultations parlementaires contraignantes par le chef de l’État pour désigner un nouveau Premier ministre, ajoutant qu'il était nécessaire de gérer la situation calmement et sans précipitation.
Lundi, le chef du gouvernement sortant Saad Hariri s'était longuement entretenu avec le chef du Courant patriotique libre et ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, loin des médias. Il s'agissait de la première réunion officiellement annoncée entre eux depuis la démission du gouvernement, marquant le début des tractations informelles lancées pour la formation du futur cabinet. Aucune information n'a filtré sur le contenu des discussions entre les deux hommes et le bureau de presse du courant du Futur, de M. Hariri, a démenti toutes les informations et analyses parues dans les médias à ce sujet.
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commentaires (8)
J'espère que les insultes personnelles étaient une erreur de jeunesse du mouvement et que cela s'arrête à tout jamais. Chaque mère est la meilleure des mères de chacun, et l'insulter gratuitement n'est pas acceptable.
Shou fi
23 h 28, le 05 novembre 2019