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Liban - Manifestations

Quand les écolos font leur « révolution positive »

Manifestants le soir et défenseurs de l’environnement le matin, de nombreux jeunes sont mobilisés pour nettoyer le centre-ville après chaque nuit de mobilisation.


Cinq frères et sœurs, âgés de 8 à 15 ans, s’attellent tous les matins au nettoyage du centre-ville de Beyrouth. Photo Z.A.

Tous les matins depuis le début des manifestations, Rana Boukhari, Hania Khatib, Sary Bizri et une dizaine de leurs amis se trouvent, aux aurores, non loin de la mosquée al-Amine dans le centre-ville de Beyrouth. Ces militants âgés entre 20 et 25 ans, réunis sous le nom de « Révolution positive », se sont donné pour mission de nettoyer les rues du centre-ville, cœur de la mobilisation contre la classe politique depuis le 17 octobre, et de promouvoir des protestations écoresponsables. Ce groupe travaille, aux côtés d’autres groupes de volontaires qui ont fleuri avec le mouvement de protestation, à garder le centre-ville propre en ramassant, tous les matins, les ordures laissées la veille par les manifestants. Non seulement ils ramassent, mais ils trient aussi.

« Le sac rouge, c’est pour le plastique, le jaune pour le métal et le noir pour les déchets non recyclables. Le papier doit être jeté dans les sacs bleus, et les objets en verre dans les sacs verts », explique Rana à L’Orient-Le Jour en désignant les sacs-poubelles posés sur le trottoir, avec des écriteaux explicatifs pour les passants. L’équipe, qui s’est associée avec l’ONG britannique iceo (International Cultural and Environmental Organization), fait le tri des déchets, qui sont ensuite envoyés à Recycle Lebanon ou Arcenciel pour être recyclés. Dans un pays en butte, depuis des années, à une crise de la gestion des déchets, cette initiative est tout un symbole.

« Notre but est de mener une révolution positive à notre manière. Le matin, nous sensibilisons les passants à l’importance du recyclage et prenons part au nettoyage de la capitale. Le soir venu, nous soutenons les manifestants en leur offrant de l’eau et de la nourriture reçus de donateurs », souligne la jeune femme. Le groupe a même lancé un appel aux donations en ligne afin de solliciter l’aide des expatriés qui souhaitent contribuer au nettoyage de la capitale ou au soutien des manifestants. « Nous sommes un groupe d’amis qui partageons les mêmes valeurs et la même vision des choses, confie Rana. J’ai lâché mon travail pour me lancer dans le social parce que j’ai envie d’être utile et de travailler sur le terrain », ajoute-t-elle, interrogée en début de semaine. « En raison de la fermeture des routes, je ne vais pas au travail depuis quelques jours. J’ai donc le temps de faire du volontariat ici, confie pour sa part Hania. Tout le monde devrait se mettre au nettoyage et au recyclage, adultes et enfants. C’est ce que nous essayons de promouvoir », ajoute-t-elle.

Tout comme Hania, Sary met à profit son temps libre pour promouvoir le respect de l’environnement parmi les manifestants. « Je suis content d’être sur le terrain pour lutter pour les droits du peuple. Nous essayons de sensibiliser les gens à l’écologie le matin et, le soir, nous soutenons les manifestants. Je pense qu’une ville propre est synonyme de révolution propre et cette révolution se doit d’être pacifique », souligne le jeune homme.


(Lire aussi : Le vent mauvais qui les emporte, l'impression de Fifi ABOU DIB)


Les enfants s’y mettent aussi

Un peu plus loin, Ghina Itani et ses cinq enfants âgés de 8 à 15 ans s’activent, sacs-poubelles en main. Ils s’attellent eux aussi, chaque matin depuis une semaine, à nettoyer les rues. Les bouchons récupérés seront envoyés pour recyclage chez l’association

Arcenciel. Les enfants sont convaincus de la nécessité de maintenir la ville propre. « On vient nettoyer afin que les manifestants se retrouvent dans une ville sans déchets », lance Imane, 15 ans. Rime, 11 ans, estime que « le pays est déjà trop pollué et la nature en mauvais état ». « À la longue, on pourrait tomber malades à cause des déchets », explique la petite fille. À l’origine de ce mouvement citoyen qui prend de plus en plus d’ampleur, Charbel Abiad, un ingénieur libanais de 26 ans qui a commencé, le 19 octobre au matin, à nettoyer la place Riad el-Solh avec une quinzaine de ses amis. « Nous voulions commencer le 18, mais il y a eu des échauffourées ce jour-là. Nous avons nettoyé avec du matériel que chacun de nous avait apporté de chez lui », explique M. Abiad à L’OLJ. Cette initiative a fait boule de neige. Assez vite, l’on a vu des dizaines de personnes s’atteler chaque matin à la tâche à Beyrouth, mais aussi à Jal el-Dib, selon M. Abiad. Ce dernier a par ailleurs créé le compte Instagram « muwatinlebnene » (citoyen libanais) à partir duquel il lance tous les jours un appel aux volontaires qui souhaitent se joindre au mouvement. Place des Martyrs, Rida, 21 ans, Ghid, 19 ans, et Nour, 18 ans, ont répondu à l’appel. Ces trois amis se sont retrouvés tôt le matin à Beyrouth et comptent bien exprimer, à leur façon, leur attachement au pays. « La révolution a plus d’une facette. On peut faire la révolution en manifestant puis en nettoyant la rue. Le nettoyage est partie intégrante du mouvement », estime Rida, une bouteille en plastique pleine de mégots à la main. Ghid estime pour sa part que les manifestations « ne doivent pas nous empêcher d’être de bons citoyens ». Et Nour de renchérir : « Nous ne sommes pas là pour semer le chaos, même si nous avons des revendications. Ce pays est cher à notre cœur, c’est pour cela que nous sommes mobilisés à tous les plans. »


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