Fermées depuis une dizaine de jours, les établissements bancaires libanais ne prévoient toujours pas d’ouvrir leurs portes, alors que les manifestations contre la classe politique, qui ont démarré le 17 octobre, se sont poursuivies hier. Une situation de plus en plus problématique pour de nombreux ménages et acteurs de l’économie du pays privés de plusieurs services bancaires de base, généralement accessibles à travers les agences – encaissement de chèques, virements ou encore éditions de relevés de coordonnées bancaires lorsque cette fonction n’est pas accessible en ligne.
Dans un communiqué publié hier confirmant que les banques étaient bien fermées aujourd’hui, l’Association des banques du Liban (ABL) a de son côté tenté de rassurer en répétant, comme la semaine dernière, que les établissements du pays allaient exécuter les transactions liées au versement des salaires des fonctionnaires à l’approche de la fin du mois. Des opérations pour lesquelles la BDL a réservé les liquidités nécessaires, selon l’Association.
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De 1580 à 1860 livres
L’ABL a ajouté que le traitement des opérations bancaires en ligne était « toujours assuré », sauf si cela ne concernait que certaines transactions de compte à compte au sein d’une même banque et appartenant à un même client, comme c’était le cas ces derniers jours. L’Association a enfin invité les clients à contacter les centres d’appels de leurs banques respectives pour toutes les demandes qu’ils auraient à formuler. « Si les agences sont fermées, les banques ont néanmoins mobilisé une partie de leur personnel pour assurer plusieurs services face aux demandes pressantes de leurs clients, comme le déblocage de liquidités, surtout en livres, ou les transferts des salaires sur les comptes de leurs employés », a précisé à L’Orient-Le Jour une source bancaire anonyme. Elle concède néanmoins que la situation est plus compliquée pour les transactions avec l’étranger, sans plus de détails. « Ce sont des situations qui se règlent au cas par cas entre les banques et leurs clients », ajoute-t-elle.
La fermeture des banques ainsi que de la BDL – depuis le 18 octobre également – se ressent dans plusieurs secteurs d’activités en commençant par les bureaux de change. « La quantité de dollars était déjà limitée sur le marché avant les événements (suite à une décision de la BDL prise cet été officiellement pour couvrir les importations stratégiques et pour assurer les besoins de financement de l’État alors que la situation financière du pays s’est considérablement fragilisée cette année, NDLR). Le prix du dollar qui tournait autour de 1600 livres chez les changeurs avant le début des manifestations évolue désormais dans une fourchette très large qui dépend aussi bien des rares stocks encore disponibles que du prix que les clients les plus pressés sont prêts à payer », expose un acteur de la filière.
De fait, plusieurs sources contactées par L’Orient-Le Jour ont communiqué des fourchettes de prix allant de 1580 à 1860 livres. « Le prix moyen actuel est d’environ 1700 livres, mais encore une fois avec d’importantes disparités », conclut le changeur précité. Pour rappel, le taux de change officiel est fixé à 1507,5 livres pour un dollar depuis 1997. Les banques sont actuellement autorisées par la BDL à pratiquer un taux oscillant entre 1515/1518 livres.
Autre catégorie de sociétés financières non bancaires à tirer la langue : les sociétés de transferts d’argent, qui dépendent également des liquidités que la BDL et le secteur bancaire laissent circuler sur le marché. Si ces dernières parviennent encore à fonctionner « parce que leurs correspondants à l’étranger leur font confiance en leur permettant de décaler certains règlements en attendant que les banques ouvrent », une partie d’entre elles envisagent ou ont déjà décidé de drastiquement limiter le montant des transferts autorisés.
Enfin la fermeture des banques a poussé certains commerces à refuser les paiements par carte bancaire, surtout quand ces dernières sont rattachées à des comptes en livres. Rapportés par plusieurs témoignages diffusés sur les réseaux sociaux, le phénomène concerne notamment certaines stations-service, une filière qui s’était déjà mobilisée contre la baisse de la quantité de dollars sur le marché.
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commentaires (7)
De facto, la Livre a dévissé de 20%. Les banques resteront-elles fermées jusqu'à la dévaluation ?
Georges Lebon
12 h 23, le 29 octobre 2019