Le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé a estimé lundi, dans une interview à la chaîne CNN, que "si la crise sociale actuelle persistait et qu'une solution n'est pas trouvée dans les jours qui viennent, le pays risquerait un effondrement économique". M. Salamé a tenu ces propos au 12e jour d'un soulèvement populaire inédit qui paralyse le Liban, alors qu'aucune solution ne semble en vue. Banques, écoles et universités restent fermées jusqu'à nouvel ordre, et alors que la fin du mois approche, certains Libanais pourraient avoir des difficultés à encaisser leur salaire.
"Le coût de la crise actuelle est lourd pour le pays, nous perdons chaque jour un peu plus la confiance (des investisseurs, ndlr), or l'économie est basée sur la confiance", a déclaré M. Salamé. Le gouverneur a notamment évoqué le risque que la diaspora libanaise, qui joue un rôle important dans l'entrée de devises au Liban, perde espoir dans l'avenir. "Les banques sont fermées et si la diaspora ne voit aucune solution en vue, ses investissements, sur lesquels le Liban compte, vont diminuer".
Pour M. Salamé, une "solution immédiate" est indispensable pour résoudre cette crise. "Le Premier ministre Saad Hariri voulait démissionner et former un nouveau gouvernement. Mais il veut éviter une vacance au niveau de son poste qui risquerait d'aggraver la situation", a-t-il ajouté. "Il faut aboutir à un consensus soit autour d'un nouveau gouvernement, soit autour d'un remaniement ministériel, de façon à satisfaire les revendications du peuple et regagner une certaine confiance. Or aujourd'hui, je ne vois pas de progrès à ce niveau", a conclu M. Salamé qui avait été reçu lundi par M. Hariri.
Quelques heures plus tard, dans une interview à l'agence Reuters, M. Salamé a nuancé ses propos, affirmant qu'il n'a pas parlé d'un effondrement économique dans les jours à venir, mais de la nécessité de trouver une solution dans les jours qui viennent. Le gouverneur a par ailleurs assuré que les banques rouvriront leurs portes dès que le calme sera rétabli. "Quand les banques rouvriront leurs portes, il n'y aura pas de contrôle des capitaux ni de réduction du service de la dette en ponctionnant les dépôts", a-t-il ajouté.
Dans un entretien accordé vendredi au New York Times, Riad Salamé avait dit douter qu’une démission de sa part "soit dans l’intérêt du pays". "Mon départ pourrait affecter la confiance des marchés", avait-il souligné dans cette interview, estimant par ailleurs que ceux qui ont pâti de ses politiques en matière de lutte contre la corruption essaient désormais de le faire tomber, dans une allusion au Hezbollah.
Plus tôt dans la journée, lundi, des dizaines de manifestants contre le pouvoir s'étaient rassemblés devant le siège de la BDL à Beyrouth, scandant des slogans hostiles à M. Salamé. D'autres manifestations ont eu lieu devant les sièges de la BDL à Saïda et à Tyr, au Liban-Sud, ainsi qu'à Zahlé et Baalbeck, dans la Békaa.
La révolte libanaise a été déclenchée le 17 octobre par l'annonce surprise d'une taxe sur les appels via la messagerie WhatsApp. Cette mesure a été vite annulée mais la colère ne s'est pas apaisée contre la classe dirigeante, jugée incompétente et corrompue dans un pays qui manque d'électricité, d'eau ou de services médicaux de base, 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-1990).
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commentaires (13)
Comme le disait le patriarche, si cet effondrement économique se produit, la responsabilité en reviendra exclusivement à nos dirigeants qui se bouchent les oreilles aux cris du peuple.
Yves Prevost
23 h 14, le 28 octobre 2019