Une tentative présumée de rapt d’enfant à Beyrouth crée la psychose

Vendredi dernier, vers 14h15, un écolier a failli être enlevé devant l’entrée du Lycée Verdun, à Beyrouth. Alors qu’il attendait sa mère coincée dans les embouteillages à proximité de l’école, une jeep noire s’arrête à son niveau. Un homme interpelle l’enfant depuis la fenêtre et lui demande de monter à bord... Après l’enlèvement en août et septembre derniers de deux adultes, l’un, Joseph Hannouche, libéré vendredi un mois après qu’il eut été kidnappé dans la Békaa, et l’autre, un ressortissant syrien, Merhef el-Akhras, enlevé à Aley le 17 septembre et libéré deux jours plus tard, c’est à présent le spectre des kidnappings d’enfants qui sème l’émoi dans le pays.

D’après l’enregistrement vocal circulant depuis trois jours sur les téléphones portables et attribué à la maman de l’écolier, ce dernier attendait depuis quelques minutes sur le trottoir entre les deux portes d’entrée, lorsque l’accoste un 4x4 de type Honda (ou Hyundai) aux vitres fumées, dont le conducteur veut lui faire croire que ses parents l’ont chargé de le récupérer à la sortie de l’école. Le jeune garçon, bien avisé, ne lui répond pas. « Je n’ai pas l’habitude de laisser sortir mon fils de l’enceinte de l’établissement avant mon arrivée, mais vendredi, je lui ai dit que je venais de démarrer au feu vert installé à proximité du lycée et qu’il pouvait donc me retrouver », entend-on dans l’enregistrement attribué à la maman, qui précise que « dans le même temps, le chauffeur de la jeep le pressait d’y entrer en l’enjoignant de ne pas faire attendre les véhicules qui se trouvaient derrière lui ».

L’Orient-Le Jour est entré en contact avec le Lycée Verdun. Tout en ne démentant pas l’incident, l’employée contactée, qui a préféré garder l’anonymat, se montre peu loquace. « Le dossier se trouvant entre les mains des forces de sécurité, la direction de l’établissement ne souhaite pas communiquer sur cette affaire avant la fin de l’enquête », affirme-t-elle, laissant entendre que « des caméras sont installées autour de l’école ». « Les faits se sont passés à l’extérieur de l’école », fait-elle observer, indiquant qu’ « après en avoir été informées, les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont renforcé leurs effectifs autour de l’enceinte ». « Une fois les investigations achevées, la direction publiera un communiqué sur l’affaire », dit-elle encore.

En attendant, l’affaire a créé une psychose alimentée par d’autres témoignages circulant sur le réseau WhatsApp. Un enregistrement de voix indique ainsi que le même jour et dans le même quartier de Verdun grouillant de monde à 15h, une petite fille de 4 ans a fait l’objet d’une tentative d’enlèvement. « Une mendiante d’un certain âge, munie d’un bâton, a tenté de kidnapper ma fille en essayant de la cacher sous sa djellaba noire, mais j’ai tout de suite remarqué et mes cris de frayeur l’ont poussée à s’enfuir », rapporte une jeune femme. Les messages du même acabit se multiplient sur WhatsApp. Dans un autre enregistrement, « l’amie d’une maman » évoque un van qui aurait tenté d’embarquer des enfants attendant l’autocar devant leur maison, à Mtein (Haut-Metn). Les enfants seraient rentrés à la maison pour informer leur mère de ce qu’ils ont vu et entendu, poussant cette dernière à prendre contact avec la direction de l'école qui lui aurait assuré qu’aucun autocar n’était en panne, contrairement à ce que le conducteur du van aurait avancé.

Un seul cas
Face à la panique créée par cet afflux de rumeurs, dont certaines évoquaient l’existence de réseaux d’enlèvement d’enfants, les FSI ont publié hier en soirée un communiqué selon lequel « aucun rapt d’enfant n’a eu lieu ». « Suite aux informations qui circulent sur des soi-disant réseaux de rapt d’enfants devant les écoles, les FSI affirment qu’après enquête (préliminaire), il s’avère qu’aucun acte de ce genre n’a été commis », rapporte le texte, soulignant que « les informations sur des tentatives d’enlèvement ne sont pas précises ». Évoquant « un seul cas qui fait l’objet d’investigations », les FSI ont appelé les Libanais à « ne pas avoir peur ni s’inquiéter ».

Selon une source proche du milieu sécuritaire, la seule affaire qui peut laisser croire à une tentative d’enlèvement est celle du Lycée Verdun. Les investigations sont toujours en cours, affirme-t-on dans ce milieu, indiquant que l’intéressé n’aurait pas encore été entendu ni d’ailleurs tous les témoins. Quant au second cas qui est survenu à Verdun, il semble que la maman de la petite fille ait été convoquée au commissariat de Raouché, mais que ses déclarations n’auraient pas été concluantes quant à une réelle tentative de rapt. Autrement dit, affirme la source sécuritaire, la jeune femme aurait eu l’impression à tort que la mendiante a essayé de s’emparer de son enfant.

Pour ce qui est du chauffeur du van, il s’est avéré qu’il connaissait les écoliers à qui il a proposé de les transporter. Convoqué au commissariat, il a été relâché.

Les appels au calme des FSI n’ont pas empêché plusieurs responsables académiques et des associations de faire circuler des recommandations et mises en garde invitant les parents à rester vigilants et à prendre des mesures à l’égard de leurs enfants pour leur apprendre à ne pas communiquer avec des étrangers. Ils ont par ailleurs mis l’accent sur la nécessité pour tous les établissements scolaires de collaborer avec les polices municipales et les services de sécurité.