Alors que la plupart des artistes invités à investir « La Vitrine » de la Beirut Art Residency ont, tour à tour et chacun à sa manière, pensé réinventer l’espace en allant à l’encontre de sa fonction première de vitrine, l’installation d’Akram Zaatari se démarque par son retour aux sources, et par la puissante simplicité de son propos. C’est que l’artiste a choisi de concevoir cette vitrine comme toute autre devanture de la rue Pasteur, dans l’objectif d’y présenter et promouvoir des biens commerciaux. Dans cette perspective, et pour monter « Photographic Currency », Akram Zaatari a été puiser l’inspiration de son œuvre dans la pratique des fabricants de courtepointes à Saïda. Au gré d’images glanées chez le photographe Hachem el-Madani, l’artiste découvre ces visages d’artisans qui, à la fin des années 50 et par fierté, avaient l’habitude de poser à côté de leurs œuvres en satin rose, vert et bleu dont les souks de Saïda étaient constellés. Chevillé à sa pratique artistique qui s’apparente à celle d’un archéologue du passé, Akram Zaatari présente ces images jaunies à des artisans œuvrant actuellement à Saïda, dont un certain Moustapha al-Kadi (Abou Abdo), qui reconnaît son père et son oncle sur l’une des photos. C’est d’ailleurs cette même photo que l’on retrouve à côté de la courtepointe tissée par Abou Abdo, qui trônera au cœur de La Vitrine jusqu’au 15 novembre.
« L’idée était pour moi de travailler avec une économie de petite échelle, exposer le travail de ces artisans au public et les connecter à un marché potentiel. Tout cela en partant d’indices trouvés sur une image », résume l’instigateur de « Photographic Currency ». Ainsi, éternellement fidèle à sa démarche qui se nourrit des archives, Akram Zaatari parvient non seulement à (re)faire exister un artisanat ancestral, à le marier à des technologies nouvelles, car les motifs de cet édredon ont été réalisés à partir de dessins imprimés en 3D, mais aussi et surtout à hisser une pratique mourante au rang d’art.
*« Photographic Currency » d’Akram Zaatari, à La Vitrine de la Beirut Art Residency, avec l’appui d’AFAC.
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commentaires (1)
Des merveilles pour nos nuits.
Christine KHALIL
22 h 00, le 02 octobre 2019