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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Les Iraniens sont-ils allés trop loin ?

Le président iranien Hassan Rohani hier à Téhéran. Iranian Presidency/HO/AFP

Jouer avec le feu est un art que les Iraniens maîtrisent à la perfection. En d’autres temps, dans d’autres circonstances, les attaques contre les installations pétrolières en Arabie saoudite, attribuées par les États-Unis à Téhéran, auraient été considérées comme une déclaration de guerre susceptible d’entraîner le pays et ses alliés dans un conflit généralisé. On parle tout de même d’une frappe ayant touché le cœur économique du principal exportateur de pétrole dans le monde, qui plus est allié stratégique des Occidentaux.

De réponse à la hauteur de cette agression il n’y aura pourtant probablement pas. Et pour cause : loin d’être un acte guidé par l’hubris, une provocation de trop dont Téhéran n’aurait pas mesuré l’ampleur, les attaques contre les sites d’Aramco répondent à un plan parfaitement calculé dans lequel Téhéran a beaucoup plus à gagner qu’à perdre.


(Lire aussi : Attaques en Arabie : Pompeo évoque un "acte de guerre" de l'Iran)



L’attaque est suffisamment signée pour envoyer un message fort tant à l’Arabie saoudite qu’aux États-Unis. Mais elle est dans le même temps suffisamment confuse pour que l’Iran puisse affirmer qu’il n’a rien à voir là-dedans et pour mettre en doute la légitimité d’une action de représailles. Les houthis, qui entretiennent une relation de plus en plus étroite avec Téhéran, ont revendiqué l’attaque. Mais les experts et les sources militaires à Washington et à Riyad affirment que les frappes viennent plutôt d’Irak, où les milices chiites pro-iraniennes ne cessent de se renforcer, ou bien d’Iran.

Les Iraniens, eux, jouent sur la confusion. Ils mettent en avant le rôle des houthis, qui agiraient en acteur indépendant en réponse à l’intervention saoudienne au Yémen, tout en bombant le torse et en célébrant l’humiliation subie par leur grand rival. Les attaques de samedi étaient un « avertissement » lancé par les rebelles yéménites à Riyad, qui ferait bien d’en tirer « les leçons », a déclaré hier le président Hassan Rohani, dans un parfait mélange de provocation et de dédouanement.


(Lire aussi : L’alliance américano-saoudienne dans la tourmente)



Les opérations contre les sites d’Aramco ont un triple objectif : frapper un grand coup contre l’Arabie saoudite ; menacer la sécurité et la stabilité des flux pétroliers en réponse à la pression maximale exercée par les États-Unis à l’encontre de l’Iran ; tester les limites de la stratégie américaine. Téhéran en sort renforcé et à moindre coût. L’Arabie saoudite apparaît isolée. Les Européens se contentent de condamnations minimales, voulant éviter à tout prix un conflit généralisé. Les Américains donnent le sentiment de naviguer à vue, entre leur obligation d’enfiler le costume de gendarme international et la volonté de leur président de se désengager de la région.

Les dirigeants iraniens font le pari que Donald Trump ne va pas engager son pays dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Tant ses déclarations que ses atermoiements depuis le week-end leur donnent raison. Le président américain sait qu’un conflit avec l’Iran pourrait lui faire perdre l’élection présidentielle de 2020, d’autant plus que cela pourrait provoquer une forte crise pétrolière. Il s’est pour l’instant contenté d’annoncer hier un renforcement des sanctions contre l’Iran, une mesure somme toute symbolique et assez peu dissuasive pour Téhéran. C’est justement parce que les sanctions rétablies par le président américain en mai 2018 font mal à l’économie iranienne que le régime répond par une escalade graduelle et contrôlée. L’Iran ne peut pas s’engager dans un combat au corps à corps avec les États-Unis, mais il peut lui mordre les mollets, afin de l’inciter à changer de politique. Au pire, les Américains répondent par une action militaire limitée qui ne mettra pas en danger la survie du régime et fera au contraire le jeu de la propagande des durs en Iran. Au mieux, ils lâchent du lest dans leur volonté d’étrangler l’Iran afin de permettre à la diplomatie de reprendre ses droits. Cette stratégie de l’Iran comporte tout de même un risque important : celui d’une escalade incontrôlée qui pourrait être fatale au régime. La présence de milices obligées de l’Iran dans toute la région, et donc le risque d’embrasement que cela implique, peut toutefois être perçue comme un facteur dissuadant les Américains d’aller trop loin.

Franchir les lignes rouges, jouer avec les nerfs de ses adversaires, entretenir la confusion, profiter des zones d’ombre de la stratégie de ses ennemis, tout cela pour mener une action où le risque en vaut largement la chandelle : la tactique n’est pas nouvelle. Le régime syrien l’a utilisée à de multiples reprises au cours de ces dernières années en recourant à l’arme chimique, malgré la ligne rouge fixée par les Occidentaux. On connaît la suite de l’histoire…


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commentaires (8)

L'Iran a ordonne a HN de dire que toute attaque contre le Liban par Israel sera suivie d'une attaque a partir du Liban Je ne vois pas comment on ne peut pas appliquer cette formule a l'Arabie Seoudite quitte a dire que l'attaque a ete faites par certains en Irak ou au Yemen et on sauvera la face en attaquant quelques pietres regions dans un de ces deux pays tout le monde aura sauve la face et la vie continuera CA NE VOUS RAPPELLE PAS, HB , LE LIBAN ET ISRAEL??

LA VERITE

18 h 46, le 19 septembre 2019

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Commentaires (8)

  • L'Iran a ordonne a HN de dire que toute attaque contre le Liban par Israel sera suivie d'une attaque a partir du Liban Je ne vois pas comment on ne peut pas appliquer cette formule a l'Arabie Seoudite quitte a dire que l'attaque a ete faites par certains en Irak ou au Yemen et on sauvera la face en attaquant quelques pietres regions dans un de ces deux pays tout le monde aura sauve la face et la vie continuera CA NE VOUS RAPPELLE PAS, HB , LE LIBAN ET ISRAEL??

    LA VERITE

    18 h 46, le 19 septembre 2019

  • Malheureusement Non, les iraniens ne sont pas aller trop loin, on les voit clairement et ils ne sont qu'à quelques mètres de nous. Espérons qu'ils s'en aillent bien plus loin...

    Wlek Sanferlou

    11 h 52, le 19 septembre 2019

  • Bush a été stupide en frappant l’Irak. Il a livré le MO aux perses, et déstabilisé la région. Il devait soit ne rien faire , soit frapper un grand coup sur la tête des deux pays , l’Irak , mais aussi l’Iran, tous deux sortis affaiblis d’une longue guerre. La tâche était facile. Aujourd’hui elle l’est beaucoup moins , et demain elle le sera encore plus ..!

    LeRougeEtLeNoir

    11 h 09, le 19 septembre 2019

  • L'orientation même du titre de cet article est biaisée. LA vraie question est , les usa sont ils allés trop loin dans leurs politiques injustes vis à vis de l'Iran NPR ? Et à partir de là nous expliquer que trum-pète le clown américain est pris à son propre piège, aussi bien que son acolyte usurpateur. Je m'étonne que des exemples du temps de la guerre de Troie puissent être cités, la situation actuelle en 2019 apparaît être trop sérieuse pour se permettre un étalage de stupidité aussi brûlante. Lorsque Poutine le maître du jeu au moyen orient , mais même plus encore , récite une sourate du Coran entre erdo et Rohani en Turquie, et appelle les bensaouds à faire le choix d'acheter des S300 ou des S400 pour protéger son ciel, comme l'Iran et la Turquie l'ont fait , il vient d'achever le bloc occidental prédateur en signifiant à leur allié bensaoud que rester dans ce camp ne fera que le mener à sa perte , inéluctable. Pendant ce temps les usurpateurs cherchent et chercheront longtemps celui qui va les mener à leur perte , inéluctablement, s'il ne coopère pas avec la RUSSIE .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 43, le 19 septembre 2019

  • N'oublions pas que Trump a évoqué parmi ses options, directement et sans gants, l'option "ultime" ... Hiroshima Mon Amour ?

    Remy Martin

    09 h 24, le 19 septembre 2019

  • Mouais... C’est une façon de voir les choses. Il y a d’autres objectifs possibles qui désigneraient d’autres coupables aussi plausibles (voire plus)...

    Gros Gnon

    08 h 50, le 19 septembre 2019

  • L'embrasement mènerait à une forte hausse des prix du pétrole, ce qu est actuellement aux antipodes de la stratégie américaine . De plus , le gouvernement israélien peine à se former , ce qui affaiblit la position israélienne en ce moment précis . Les américains dicteront aux séoudiens ce qu'ils voudraient qu'ils déclarent , afin d'apaiser les esprits , de petites représailles pourraient suivre . Poutine , qui est le stratège le plus intelligent , a raillé hier la politique américaine (en proposant aux séoudiens d'acheter des armes russes pour se protégér) , une preuve de plus que le danger d0une déflagration n'est pas si proche .

    Chucri Abboud

    08 h 34, le 19 septembre 2019

  • L,IRAN AGRESSE A LA HITLER ET HEROHITO EN TABLANT COMME EUX SUR LA NON INTERVENTION ET REPONSE AMERICAINE. OR HITLER ET HEROHITO AVAIENT TRES MAL CALCULE LA PATIENCE DU MASTODONTE QUI QUAND IL SE REVEILLA A DETRUIT LEURS DEUX PAYS. L,IRAN FERAIT MIEUX DE SE RAPPELER L,HISTOIRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 50, le 19 septembre 2019

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