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Nos Lecteurs ont la Parole - par Sonia BASMAJI

Chers Libanais, parlons de l’éducation

Pour beaucoup d’entre nous, le mois de septembre marque le retour aux écoles et aux universités. Chaque année, indépendamment du niveau d’éducation où je me situe, je suis le témoin du déclin progressif de l’intérêt des élèves pour les sciences humaines. Cela m’a amenée à évaluer la définition libanaise de l’individu « éduqué » et « brillant ». Lorsque j’ai exprimé mon désir de poursuivre mes études supérieures en lettres ou philosophie, les oppositions furent nombreuses : « Mais voyons, tu es bonne en matières scientifiques », « ce n’est pas sérieux tout ça, ce n’est pas l’écriture qui va t’acheter du pain ». Il s’avère donc que le prototype du succès libanais doit travailler dans les sciences et se préoccuper d’avoir les moyens de mettre du pain sur la table. Évidemment, ces réactions m’ont laissée perplexe, que devrais-je donc faire de ma passion pour les sciences sociales ? C’est très bien de lire et écrire, m’a-t-on dit, et je ne devrais pas laisser tomber ces pratiques. En revanche, pour ma carrière, je serais bien avisée, m’a-t-on aussi dit, de considérer l’ingénierie, la médecine, ou encore l’architecture ?

Même le droit n’était pas vraiment conseillé ces temps-ci, vu qu’une « wasta » est souvent nécessaire pour réussir. Conclusion de ces diverses conversations : au Liban, la personne qui est considérée comme ayant réussi est celle qui rentre dans ces quelques catégories, tout en étant occasionnellement capable de discuter de Flaubert ou Maupassant.

Pour moi, ce discours est le signe de l’alarmante dégringolade de la civilisation libanaise. Pourquoi est-il acceptable de vivre dans une société où les sciences sociales sont perçues comme les subordonnées du scientifique ?

Loin de moi l’idée qu’il ne faille pas se lancer dans des études d’ingéniere ou de médecine, ingénieur et médecin sont des professions nobles et essentielles au bon fonctionnement d’une société. Mais la vie n’est pas uniquement constituée de pratique.

Il ne faut jamais oublier que ceux qui construisent l’histoire culturelle des pays sont les écrivains, les penseurs et les artistes. Des hommes et des femmes qui sont et continueront d’être à la fondation de nos piliers culturels. Certains n’ont pas d’inconvénient à aller à l’encontre des attentes des autres, alors que d’autres préfèrent ne pas décevoir leur entourage et ensevelir le potentiel littéraire qui bout en eux. Personnellement, je trouve que rien n’est plus désolant qu’un adolescent qui renonce à son rêve professionnel au profit d’une quête matérialiste.

Malgré cela, je suis parvenue à comprendre l’inquiétude des adultes. Ils veulent simplement nous assurer le meilleur avenir possible, ils ne font que suivre des idées qui leur ont jadis été martelées.

Toutefois, dans un métier, si l’engagement et l’ambition ne sont pas là, alors l’échec est presque garanti.

En décourageant l’engagement dans les sciences humaines, nous engendrons l’oubli. Le Liban devient en effet une nation amnésique. Nous éloignons les jeunes des disciplines qui rappellent, restituent et construisent notre civilisation. Et pourquoi ? Ne sommes-nous pas lassés de cette paresse culturelle ? Le Liban d’aujourd’hui est un spectre de nostalgie, refusant de se mettre à jour et engourdi d’extravagances superflues. Nous devons profiter de cette rentrée académique afin de mettre fin aux dangers d’une telle mentalité vu qu’en rejetant les sciences humaines, nous renions l’essence même de notre être. Finalement, les sciences humaines ne rapportent peut-être pas une abondance de pain, mais elles élèvent une identité nationale.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Pour beaucoup d’entre nous, le mois de septembre marque le retour aux écoles et aux universités. Chaque année, indépendamment du niveau d’éducation où je me situe, je suis le témoin du déclin progressif de l’intérêt des élèves pour les sciences humaines. Cela m’a amenée à évaluer la définition libanaise de l’individu « éduqué » et...

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