Un soldat libanais surveillant la frontière du haut d’un mirador. Photo tirée du site de l’armée
La récente flambée de violence à la frontière avec Israël a relancé de plus belle le débat autour du rôle de l’armée libanaise et de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), chargées du maintien de la paix dans cette zone sensible.
Déployés à la frontière depuis l’adoption de la résolution 1701 qui a marqué la cessation des hostilités après la guerre de 2006, aux côtés de quelque 15 000 Casques bleus, plus de quatre mille soldats libanais tentent tant bien que mal de s’acquitter d’une mission rendue difficile par l’absence d’une volonté politique réelle de restituer à l’institution militaire le monopole de la violence, accaparé par le Hezbollah. Tout le monde en convient : l’armée libanaise a effectué à ce jour un « excellent travail » de maintien de la paix et de la stabilité en coopération avec la force onusienne. Mais elle n’arrive toujours pas à s’affirmer face à la toute-puissance, au Liban-Sud, du Hezbollah, qui, comme l’ont prouvé les dernières violences à la frontière dimanche dernier, reste le décideur exclusif en matière de guerre ou de paix. Et pour cause : l’armée, qui dépend directement du pouvoir politique, a les mains liées.
« Depuis que le Hezbollah a repris du poil de la bête en proclamant sa victoire divine en 2006, il a prétendu à une certaine légitimité et monopolisé le droit de défendre le Liban, en lieu et place de l’armée », affirme un ancien officier de l’armée, qui était déployé au Liban-Sud. Pour sa part, le général à la retraite Khalil Hélou refuse de faire assumer à l’institution militaire la responsabilité de la situation précaire au Liban-Sud. « La décision de contenir le Hezbollah au Liban-Sud revient exclusivement au pouvoir politique. Tant que l’armée dépend d’un gouvernement qui reconnaît officiellement le triptyque armée-peuple-résistance, elle ne peut rien faire », explique-t-il.
Mandatée par la 1701, l’institution militaire, que la Finul est censée soutenir dans sa mission, doit s’assurer de l’application des dispositions de cette résolution de l’ONU. Celle-ci prévoit « l’établissement entre la ligne bleue et le Litani d’une zone d’exclusion de tout personnel armé, biens et armes autres que ceux déployés dans la zone par le gouvernement libanais et les forces de la Finul ». C’est d’ailleurs ce point que le commandant en chef de la force internationale, le général Stefano del Col, a rappelé cette semaine, en soulignant que « la région située entre la ligne bleue et le Litani doit être libre de toute présence armée, en dehors de celle des forces du gouvernement libanais et de la Finul ».
La 1701 mentionne, en outre, l’application intégrale des accords de Taëf et des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006) qui exigent le désarmement de tous les groupes armés au Liban, de sorte que seul l’État puisse être autorisé à détenir des armes et à exercer son autorité au Liban. Or le mandat confié à la Finul, conçue comme une force de maintien de la paix dans cette zone et non comme une force de coercition, ne lui donne pas non plus les moyens de mener à bien les objectifs ambitieux définis par cette résolution.
(Lire aussi : Aoun prône la "légitime défense" face à toute agression israélienne contre le Liban)
Un régiment modèle ?
« La mission des forces onusiennes est d’interdire l’entrée des armes illégales dans la zone sur laquelle elles sont mandatées. Elles n’ont pas pour mission de désarmer le Hezbollah », rappelle le porte-parole de la force onusienne, Andrea Tenenti.
C’est ce qui fera dire à un ancien militaire que pour atteindre les objectifs définis par la résolution 1701, il faudra réviser en profondeur la mission des Casques bleus, et donner à l’armée libanaise le feu vert nécessaire.
Cette requête, soutenue par les États-Unis, a à maintes reprises fait l’objet de débats houleux au sein du Conseil de sécurité. À chaque fois, elle butait sur le refus des États européens qui constituent les principaux contributeurs aux effectifs de la force onusienne. « La Finul ne peut pas recourir à la violence, tout simplement parce que les pays européens ne le souhaitent pas », commente Timor Goksel, éditeur turc au site al-Monitor et ancien porte-parole de la Finul.
En août 2018, la déléguée des États-Unis au Conseil de sécurité, Nikki Haley, avait été jusqu’à « accuser le commandant de la Finul de méconnaître la situation, marquée selon elle par une dangereuse accumulation d’arsenaux dans le Sud-Liban et la présence de combattants entraînés ». Le Hezbollah prépare la guerre, avait mis en garde la diplomate.
Lors du renouvellement du mandat de la Finul en août 2018, le Conseil de sécurité était revenu sur le principe de la création d’un « régiment modèle » au sein de l’armée libanaise, chargée de patrouiller et d’inspecter, à la recherche d’armes illégales, de manière plus efficace dans la zone d’opérations de la Finul. Ce concept avait été proposé lors de la Conférence de Rome, en mars de la même année, par le Liban dans le cadre du dialogue stratégique en cours entre l’armée libanaise et la FINUL.
« Cette formule comme bien d’autres est restée lettre morte. Tout le monde sait pertinemment qu’il existe des armes dans chaque maison au Liban-Sud et même des dépôts d’armes. Mais tant que les militaires libanais n’ont pas les coudées franches, ils ne peuvent pas remédier à ce problème », affirme l’ancien officier de l’armée. Ce dernier se dit convaincu que le désarmement du Hezbollah n’aura lieu qu’à la faveur d’une décision internationale, en l’occurrence une fois que les États-Unis et l’Iran auront décidé de mettre un point final à leur confrontation et de s’entendre sur l’avenir de cette milice. « Un peu comme cela s’est fait avec les Forces libanaises à la fin de la guerre civile, lorsque les États-Unis ont donné, en 20 minutes, leurs directives au chef des FL Samir Geagea de rendre les armes », note-t-il.
(Lire aussi : La situation au Liban-Sud reste inquiétante, selon un diplomate occidental)
En attendant, l’armée libanaise continue de s’acquitter de diverses activités militaires et logistiques en collaboration avec la Finul, se contentant d’appliquer les termes du mandat qui lui a été confié. À plusieurs reprises, les militaires libanais ont été appelés à jouer un rôle de « tampon » entre la population locale et les forces de la Finul, pour résorber les incidents fréquents qui opposent les habitants soutenant le Hezbollah aux Casques bleus. Ainsi, en août 2018, une attaque a été lancée contre la Finul près de la localité de Majdal Zoun, dans le sud du Liban. Les soldats de la paix ont été menacés à l’aide d’armes illégales, des véhicules ont été incendiés et les propres armes et le matériel de la Finul ont été saisis.
« Il ne faut pas oublier que la collaboration entre l’armée libanaise et les Casques bleus, qui ont pu préserver la stabilité et la sécurité à la frontière pendant treize ans, est une réussite. Il faut également reconnaître que le Hezbollah a joué le jeu et n’a pas fait étalage de ses armes jusqu’à récemment », tient à relativiser M. Goksel, selon qui l’armée est en mesure de jouer pleinement son rôle, à condition d’obtenir « l’aval politique ».
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commentaires (12)
Il faut que le sud ne fasse plus parti du Liban qu'ils aient leur indépendance et le Hezbollah laisse la paix au Liban . Ils auront l'Iran et voilà
Eleni Caridopoulou
20 h 05, le 20 septembre 2019