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Culture - Portrait

Arthur Satyan : Si Bach était toujours vivant, il jouerait du jazz aujourd’hui

Portrait d’un artiste issu d’une famille des plus grands compositeurs arméniens, qui a baigné dans la musique et a su s’orienter vers le genre qu’il aimait le plus : le jazz.

Arthur Satyan. Photo Roland Ragi

Arthur Satyan, originaire d’Erevan, a eu son premier contact avec le piano dès sa plus tendre enfance, à tel point qu’on pourrait penser qu’il est né avec son instrument. « Je n’avais pas le choix, je devais être un musicien », explique le jazzman arménien qui se dit fier de faire partie de l’école musicale soviétique. Dès quatre ans, il se montre avide de se forger une connaissance musicale approfondie aussi bien dans la musique dite classique que dans le jazz. Tout prédestinait le jeune musicien à devenir un artiste unanimement reconnu : « Mon oncle Aram Satyan, un célèbre compositeur et pianiste, fut mon premier professeur de musique classique, mais j’avais également d’autres mentors qui m’initiaient au jazz. Cependant, dans les années 90, l’Arménie a connu une période assez difficile à cause de l’effondrement de l’URSS, ce qui a mené les musiciens jazz à quitter le pays et je n’avais d’autre choix que d’apprendre cette musique en autodidacte. » Ce penchant pour le jazz ne fut, toutefois, pas très apprécié par les Satyan qui voulaient que le nouveau descendant de la famille se consacre à « une musique sérieuse » et donc à la musique savante : « Après toutes ces années, j’ai prouvé que le jazz est bel et bien une musique sérieuse, lance-t-il fièrement. D’ailleurs, je suis convaincu que si Bach était toujours vivant, il jouerait du jazz aujourd’hui. »



De la discipline et de la passion
Considérant l’école comme « une perte de temps », Arthur Satyan annonce à son père sa volonté de quitter ce monde qui « l’empêche de bien s’exercer au piano ». Si ce dernier accepte d’être moins exigeant quant à l’éducation scolaire de son fils, il pose une condition : « Je devais m’entraîner au moins trois heures par jour et pas moins de six heures durant les week-ends. Mes amis m’appelaient parfois de la rue pour que je descende jouer avec eux, mais mon père leur criait par la fenêtre que j’étais en train de m’exercer au piano », se remémore Satyan tout en insistant que sans la ferme discipline imposée par son père, il n’aurait jamais pu arriver là où il en est aujourd’hui.

Petit à petit, un nouveau projet germe dans son esprit : composer. Une ambition qui ne tardera pas à porter ses fruits. En effet, peu de temps après, il remporte le premier prix de composition regroupant toutes les écoles de musique locales, ce qui le pousse à s’ancrer de plus en plus profondément dans le monde de la musique professionnelle. À 20 ans, l’artiste en herbe rejoint le conservatoire Komitas d’Erevan où il étudie sous l’égide des meilleurs musiciens et obtient, en 1998, son diplôme. En 1994, il entreprend un voyage à Moscou où il rencontre le grand compositeur Edison Denisov, élève de Chostakovitch, qui reconnaît au jeune Arménien un talent indéniable. « Il avait tellement apprécié ce que je faisais qu’il m’a proposé d’encadrer la composition de mon concerto pour violoncelle et orchestre que j’avais commencé à Erevan », indique-t-il avec nostalgie. De retour en Erevan, Arthur Satyan devient progressivement l’un des meilleurs pianistes de la ville, travaillant avec les différents groupes du pays. Influencé par Bill Evans, Herbie Hancock, Keith Jarrett, mais également par Charlie Parker, Bud Powell et Barry Harris, il découvre le be-bop, un véritable tournant dans sa carrière qui lui révèle la direction à prendre dans sa musique.



Direction Beyrouth…
En 1996, Arthur est invité à jouer à Beyrouth, pour la réouverture du Casino du Liban, le plus grand établissement de ce type au Moyen-Orient, où il sera accompagné par des musiciens américains : Jack Gregg à la contrebasse, Steve Phillips à la batterie, Thomas Hornig au saxophone et Eric Schultz à la guitare. Assez rapidement, ensuite, son nom apparaît en tête d’affiche des plus prestigieux concerts. « Le public libanais a apprécié ma musique, car elle était différente de ce qu’il entendait partout dans le pays. Nous étions les premiers à jouer du jazz traditionnel et du be-bop au Liban », assure-t-il.

C’est lors de l’un de ces concerts que Satyan rencontre Walid Gholmieh, l’ancien directeur du Conservatoire national. « Il a été impressionné par ma musique et m’a tout de suite proposé de donner des cours de piano classique au conservatoire. » Et le jazz dans tout ça ? Arthur Satyan explique que toutes les anciennes tentatives de fonder un département de jazz au conservatoire sont tombées à l’eau. « Gholmieh m’a quand même donné ma chance et c’est en 2005 que le conservatoire a accueilli pour la première fois des étudiants en jazz. » C’est dans ce nouveau département qu’il a pu enseigner, influencer et inspirer presque tous les musiciens de jazz de la région. Il indique, toutefois, que l’un des problèmes de la musique au Liban c’est que « tout le monde veut tout faire alors que partout dans le monde, lorsqu’on veut faire carrière en musique, on ne peut être qu’exclusivement musicien. À partir du moment où l’on exerce deux professions, l’on devra faire des concessions et l’on finira par échouer sur tous les tableaux ».

Au cours de sa carrière, Satyan a partagé la scène avec de grands noms internationaux, tels que Larry Coryell, Charles Davis, Ray Vega, Joe Lee Wilson, et a travaillé avec des artistes libanais de grand calibre dont Julia Boutros (avec qui il collabore, en 2000, pour l’enregistrement de son album Bisaraha ), Soumaya Baalbaki et Charbel Rouhana. Quant à ses concerts, il se produit régulièrement à « Salon Beyrouth » qui, selon lui, demeure le seul endroit qui offre aux auditeurs une musique de jazz de qualité.



Pour mémoire
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Arthur Satyan, originaire d’Erevan, a eu son premier contact avec le piano dès sa plus tendre enfance, à tel point qu’on pourrait penser qu’il est né avec son instrument. « Je n’avais pas le choix, je devais être un musicien », explique le jazzman arménien qui se dit fier de faire partie de l’école musicale soviétique. Dès quatre ans, il se montre avide de se forger...

commentaires (3)

Je complète mon précédant commentaire et en lien avec un autre intervenant. Oui ce sont deux styles de musique totalement differents, et si j'apprécie les deux cela ne signifie pas que la musique de Bach aujourd'hui est à déprécier.... Bach est la musique du sacré... Et le reste. Deux styles à savourer sans modération.

Sarkis Serge Tateossian

09 h 48, le 25 août 2019

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Commentaires (3)

  • Je complète mon précédant commentaire et en lien avec un autre intervenant. Oui ce sont deux styles de musique totalement differents, et si j'apprécie les deux cela ne signifie pas que la musique de Bach aujourd'hui est à déprécier.... Bach est la musique du sacré... Et le reste. Deux styles à savourer sans modération.

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 48, le 25 août 2019

  • Heureusement, Bach n'est pas vivant. Jamais je n'aurais imaginé avoir pareille pensée et ce n'est pas parce que je n'aime pas le jazz.

    M.E

    09 h 01, le 25 août 2019

  • Franchement le jazz arménien avec ses festivals et ses célébrités m'interpelle beaucoup. Il existe une vraie école arménienne; un style très particulier. Du grand art. (depuis les années 50...) ????? Bravo et respects Maestro

    Sarkis Serge Tateossian

    02 h 05, le 25 août 2019

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