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Culture - Publication

L’album de famille de la scène musicale indépendante, selon Raymond Gemayel...

L’artiste protéiforme aura mis sept ans à donner naissance à son « Sonic Territory », un projet hybride et nécessaire, qui propose une cartographie de la scène musicale indépendante libanaise, quelque part entre arbre généalogique et puzzle...

Raymond Gemayel, instigateur de l’aventure « Sonic Territory ». Photo DR

Il y a quelques jours, Raymond Gemayel déposait aux bureaux de la rédaction de L’Orient-Le Jour un objet hybride, en vue de l’entretien fixé pour discuter de son tout dernier projet, Sonic Territory, lancé en mai dernier chez Ashkal Alwan. Il s’agissait d’une enveloppe noire contenant, d’une part, une pile de 81 photos qui laissaient deviner des figures de la scène musicale libanaise dite indépendante, ainsi que des essais et poèmes imprimés sur le même format, et, d’autre part, un album vide, pareil à ceux de famille de notre enfance et dont la couverture un rien psychédélique semble mimer le mouvement d’une eau aux couleurs d’un négatif. Voici donc les seuls indices que Raymond s’était contenté de parsemer. Peut-être même qu’il s’était amusé à nous laisser sur notre faim, lui qui avoue d’emblée préférer « l’ombre à la lumière ». Et comme ce n’est certainement pas son site internet, une page de garde blanche flanquée uniquement d’un « A website with nothing in it » qui élucidera cette énigme, il a fallu aller à la rencontre de cet artiste mystérieux pour en savoir plus sur son histoire de territoires sonores…


Une histoire d’eau

Il arrive au rendez-vous avec une pile de documents renfermant certaines de ses œuvres, nous invitant ainsi dans l’antre de ses créations qu’il choisit souvent de garder à l’abri des projecteurs. « Sans doute parce que je suis un grand timide », avoue-t-il en rougissant. Autodidacte de l’art, d’abord égaré sur les chemins des études de maths, d’économie et de sciences politiques qu’il amorce à la LAU puis à Toronto en raison de la guerre de 2006, Raymond Gemayel a pris le temps et le soin de poser les fondations de son œuvre qui, dit-il, s’intéresse « au triptyque » langage, corps et territoire. « Le tout sous-tendu par la notion de l’eau qui me fascine. » Et il suffit que l’artiste prononce ces quelques mots pour que saute aux yeux l’adjectif qui semble le définir au mieux : fluide. Fluide comme sa manière de se raconter, slalomant entre ses projets « qui sont dans très peu de cas des commissions, donc plus libres ». Fluide comme sa manière de se définir, s’éclaboussant à la poésie, aux photos, vidéos et travaux autour d’objets retrouvés, et puis fluide parce que l’eau s’avère irriguer, au propre comme au figuré, l’œuvre qu’il cultive depuis son retour au Liban en 2012. Mémoire de l’eau, présenté en 2016 au 32e Salon d’automne, et qui interrogeait les recherches de Jacques Benveniste qui stipulaient que l’eau serait dotée d’une aptitude à « mémoriser » ou encore Dalieh’s Infinity Pool, une réflexion ironique sur l’avenir incertain de cet ancien fief de pêcheurs.


Mi-puzzle, mi-album de famille

Parallèlement à ces histoires d’eau, Raymond Gemayel se jette en 2012 dans l’aventure Sonic Territory dont il raconte la genèse ainsi : « J’ai toujours été féru de musique. Lorsque je vivais à Toronto, je me suis mis à m’interroger sur la scène musicale dite indépendante et ce projet est né naturellement. De retour à Beyrouth, à travers des recherches et des conseils d’amis, j’ai été voir ceux qui font cette scène en vue de les photographier, mais en leur proposant de m’aider eux-mêmes à construire l’image, notamment en choisissant le lieu de notre rencontre. » Sept années à son compteur, Gemayel cartographie 81 chevaliers de la contre-culture musicale libanaise – auxquels il appose quelques noms venant du Caire – dont l’éventail se déploie du plus au moins connu (entre autres) Mashrou’ Leila, Yasmine Hamdan, Zeid Hamdan, Jade, Aziza, Tania Saleh, Raed Yassin, Jad Atoui, Charbel Haber, Nadine Khouri, Tanjaret Daghet et Kid Fourteen qui se mettent en scène comme ils le désirent.

Cela dit, et par-delà des portraits stricto sensu, la caméra de Sonic Territory agit comme « un capteur de sons, de terre et de corps, d’où le nom de territoire sonore, mais aussi comme une clef vers un milieu souvent difficile, où chacun s’est débrouillé, avec les moyens du bord, pour créer ses propres sons », explique l’instigateur du projet. Lequel insiste également sur le fait que « l’idée n’est pas de célébrer l’individualité de chacun de ces acteurs, d’où le fait que l’obscur et le noir soient tellement omniprésents. » Entre ces images, Raymond Gemayel choisit d’intégrer des essais, des poèmes, et un texte de Ziad Nawfal « une encyclopédie musicale sur pattes » qui tisse des liens entre les différentes personnalités figurants dans Sonic Territory. Quant au format, l’artiste qui affectionne l’intimité et l’aspect participatif des projets opte pour un album vide qu’il invite le lecteur à remplir suivant le flot qu’il le souhaite, fabriquant ainsi son propre arbre généalogique d’une scène qu’il était nécessaire de mettre en avant. Et rien que pour cela, merci Raymond Gemayel.

Il y a quelques jours, Raymond Gemayel déposait aux bureaux de la rédaction de L’Orient-Le Jour un objet hybride, en vue de l’entretien fixé pour discuter de son tout dernier projet, Sonic Territory, lancé en mai dernier chez Ashkal Alwan. Il s’agissait d’une enveloppe noire contenant, d’une part, une pile de 81 photos qui laissaient deviner des figures de la scène musicale...

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