"Je ne pourrai pas me regarder dans le miroir si je n'agis pas": comme Christine, un millier de personnes, la plupart militants écologistes débutants, ont pris sur leurs vacances pour participer à "un camp climat" dans l'est de la France et se former aux "actions de masse" de demain.
Aux côtés de cette jeune retraitée de Gironde (sud-ouest), présente depuis novembre dans les marches pour le climat, de très nombreux jeunes, mais aussi des familles, sont réunis jusqu'au 11 août à Kingersheim (est) dans une atmosphère où décontraction et humour potache cohabitent avec sérieux et sens aigu de l'urgence à agir pour l'environnement.
Au programme de ces 12 jours, organisés par les mouvements citoyens Alternatiba et ANV-COP21 et l'association française Les Amis de la Terre, 300 formations pour maîtriser la boîte à outils du parfait militant écologiste du XXIe siècle, non-violent mais prêt si nécessaire à la désobéissance civile. Les thèmes : élaborer une stratégie d'action non-violente, mettre en place une campagne de financement participatif, susciter l'intérêt des médias, sonoriser un événement, sécuriser des échanges sur internet, organiser les premiers secours en action, mobiliser les parlementaires... Autant de clés pour ces "néo-écolos", entrés dans le mouvement par les marches pour le climat et parfois dépourvus de culture militante.
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"Quand je fais des marches pour le climat, je vois des gens qui passent, qui ne regardent pas, du coup je pense que c'est important de pouvoir faire des pancartes qui flashent", estime Myriam Trémoulinas, visage juvénile et large sourire. A genoux sur un drap où elle peint un logo, cette jeune de 15 ans originaire de Saint-Etienne (centre-est) participe à un atelier où elle apprend également à fabriquer des "armlocks", des tubes que les militants passent autour de leurs bras pour former des chaînes humaines.
Parmi les événements dans la ligne de mire des organisateurs et de nombreux participants : le G7 dans la ville française de Biarritz (sud-ouest) fin août, mais aussi les élections municipales de 2020. Lors du premier "camp climat" organisé en 2016, 300 personnes avaient été formées dans le Sud-Ouest et 600 en 2017.
"Cette année, on vient de dépasser un seuil : on est passé de militants dans leur coin à un effet de société", se félicite Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre, qui appelle à continuer à "pousser le changement d'échelle".
"C'est une bonne nouvelle d'apprendre la désobéissance civile quand les États ne prennent pas la mesure de l'urgence", soutient Joe Spiegel, maire de Kingersheim, qui met à disposition les locaux des formations, concerts et projections. Plus sensibles que d'autres, certains modules proposent de "connaître et maîtriser le rapport avec les forces de l'ordre" en se mettant à leur place et d'apprendre les "techniques de blocage, résistance et franchissement en action".
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"On apprend à ne pas se débattre mais ne pas coopérer non plus quand on est délogé", en utilisant la technique du "poids mort", explique le formateur Nicolas Rangeon. "Ce n'est pas facile quand on est stressé de se relâcher complètement". Les participants sont aussi amenés à réfléchir au niveau de risque, physique mais aussi juridique, qu'ils sont prêts à prendre. Une réflexion à laquelle les invitent même les intitulés des différents espaces du camp, comme la vaste salle municipale du hangar baptisée le "Hangar d'à vue".
"On a de plus en plus de gardes à vue avec +Décrochons Macron+ (la campagne de décrochage des portraits du président français dans les mairies menée par ANV-COP21, NDLR) et pourtant les gens continuent", constate Zoé Lavocat, porte-parole d'Alternatiba-ANV-COP21, qui souligne la nécessité de solides formations des militants sur leurs droits.
Le temps fort du camp est prévu le 10 août, avec la simulation d'une action de masse de désobéissance civile, dans laquelle des participants joueront les rôles de militants mais aussi de policiers ou de journalistes. Christine, la retraitée de Gironde, se voit plutôt en "base arrière". Mais "mes limites évoluent. Les actions qu'on menait au départ ne suffisent plus", assure-t-elle.
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