Alors que le Liban craint une dégradation de sa note souveraine par les agences de notation américaines Standard & Poor’s et Fitch, la Banque du Liban propose depuis fin juin de nouveaux instruments financiers aux banques commerciales en vue de doper ses réserves en devises et de relancer la croissance des dépôts, a confirmé hier à L’Orient-Le Jour le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé. « Il s’agit de la même ingénierie financière qui est en cours depuis l’été 2017, simplement nous avons apporté une modification sur la durée minimum des dépôts, qui est désormais fixée à trois ans au lieu de cinq ans », a précisé le gouverneur. À travers leurs succursales à l’étranger, les banques commerciales sont appelées à attirer de nouveaux capitaux en devises vers le pays en proposant à leurs clients des produits financiers avantageux. Simultanément, les banques placent ces dépôts à la BDL en obtenant des taux d’intérêt plus intéressants que ceux proposés à leurs clients. « Les banques ont elles-mêmes développé ces produits, et il s’agira de fonds nouveaux », a indiqué le gouverneur de la BDL.
Riad Salamé explique que cette opération permettra aussi de renforcer le capital des banques, puisque les revenus générés seront injectés dans leur capital. « Nous avons émis une circulaire qui permet aux banques de pouvoir se capitaliser, et ceci en prévision de n’importe quel événement qui peut survenir, notamment des agences de notation. Et comme le permet la norme IFRS 9, (...) elles n’ont pas le droit de distribuer ces revenus, mais doivent les capitaliser. Notre objectif est que la capitalisation bancaire soit toujours à des niveaux élevés et rassurants », a souligné le gouverneur. Par ailleurs, « la taxation de ces revenus exceptionnels permettra à l’État de générer des recettes fiscales supplémentaires », a-t-il ajouté.
(Pour mémoire : Fitch doute de la faisabilité du budget de 2019)
Mesure préventive
Cette mesure préventive de la BDL intervient au moment où le déficit de la balance des paiements ne cesse de se creuser. Il a atteint près de 5,19 milliards de dollars à fin mai, alors qu’à la même période de l’an dernier, la balance des paiements affichait un surplus de 430,8 millions de dollars. Le déficit enregistré sur les cinq premiers mois de l’année est aussi supérieur à celui enregistré sur l’ensemble de l’année 2018, qui était à 4,8 milliards de dollars. La BDL a dû puiser dans ses réserves en devises pour combler ce déficit, ce qui fait que ces dernières ont baissé de trois milliards de dollars sur les cinq premiers mois de l’année.
Les sources bancaires interrogées craignent qu’une dégradation de la note souveraine du Liban par S&P et Fitch puisse créer une panique supplémentaire sur le marché et provoquer des fuites de capitaux, ce qui conduirait à un creusement supplémentaire du déficit de la balance des paiements.
Pour ne plus avoir à puiser dans ses réserves pour combler le creusement continu du déficit de la balance des paiements, la BDL entreprend cette mesure pour éviter ce scénario et pouvoir compter sur ses réserves en devises pour maintenir la stabilité de la livre.
Depuis environ deux semaines, la BDL propose donc de nouveaux instruments financiers aux banques commerciales. Ces dernières peuvent effectuer des dépôts à terme en devises à la BDL pour une durée minimum de trois ans, rémunérés à 15 % en moyenne. En parallèle, elles proposent à leurs clients des rémunérations avantageuses sur leurs dépôts à court terme. Selon nos informations, Bank Audi propose des produits à 13,5 % sur trois ans ou à 11 % sur un an. Blom Bank propose 13,5 % sur trois ans. La SGBL propose 13 % sur deux ans et Saradar Bank propose 12 % sur un an.
(Pour mémoire : « Netting » : la BDL appelée à communiquer davantage)
Swap annulé ?
Le gouverneur de la BDL a par ailleurs confirmé à L’Orient-Le Jour que l’opération d’échange de titres entre le ministère des Finances et la Banque centrale portant sur des bons du Trésor à taux réduit n’était plus d’actualité. « Nous allons discuter avec le ministère des Finances pour trouver différents moyens pour aboutir au même résultat », a-t-il cependant assuré.
Le gouvernement a en effet basé son estimation du service de la dette dans le projet de 2019 sur cette opération qui devra porter sur des bons du Trésor à taux réduit (à 1 %) d’une valeur de 11 000 milliards de livres libanaises, soit plus de 7,2 milliards de dollars. L’objectif étant de contenir la hausse du service de la dette face à la hausse des taux d’intérêt et de la dette cette année. Or si ce swap devait initialement impliquer les banques commerciales, ces dernières ont refusé d’y prendre part comme l’a encore rappelé mardi le président de l’Association des banques du Liban, Salim Sfeir. La BDL aurait dû alors assumer seule le coût de cette opération. Mais les derniers avertissements du Fonds monétaire international semblent avoir changé la donne. Ce dernier recommandait à la BDL de cesser de souscrire aux obligations de l’État libanais et d’œuvrer au renforcement de son bilan. « L’achat de (bons du Trésor) à des taux faibles tels que proposés aggraverait le bilan de la BDL et minerait sa crédibilité », avait alerté le FMI.
Pour mémoire
Pour l’IFI, les politiques sont directement responsables du ralentissement économique au Liban
commentaires (5)
notre Etat n'est pas crédible, notre Etat est dispendieux, notre Etat est très mauvais gestionnaire, notre Etat est géré par des incapables voire des ignares, alors comment peut on faire régner la confiance et baisser les taux d’intérêts ? il faut réduire le déficit public en privatisant EDL et autres secteurs qui ne cessent de plomber les comptes publics. il faut réduire drastiquement les dépenses publiques et assainir tout cela !! Mais encore faut il qu'il y ait des gens capables !!!
Yoska
13 h 15, le 18 juillet 2019