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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Gaz au large de Chypre : la Turquie veut se montrer incontournable

Ankara a entamé les forages malgré les avertissements de Washington et de Bruxelles.

Le navire turc Yavuz a été dépêché récemment au nord de l’île de Chypre pour commencer des forages. Reuters/Murad Sezer/File Photo

La poursuite des activités de forage de la Turquie au large de Chypre, qui exacerbe les tensions en Méditerranée, traduit une volonté d’Ankara d’asseoir son influence dans ce secteur malgré les mises en garde de la communauté internationale.

Deux navires turcs, le Yavuz et le Fatih, ont été dépêchés ces derniers mois au nord-est de l’île, au large de l’autoproclamée République turque de Chypre du Nord (RTCN) parrainée par Ankara et non reconnue par la communauté internationale.

Le Fatih a déjà commencé ses forages en mai et le Yavuz s’apprête à lui emboîter le pas, malgré les mises en garde répétées de l’Union européenne, dont est membre la République de Chypre, qui exerce son autorité sur la partie sud de l’île seulement depuis l’invasion du nord par la Turquie en 1974.

Pour Harry Tzimitras, directeur du groupe de réflexion PRIO à Nicosie, les actions turques relèvent plus « d’une projection de puissance que la Turquie essaie d’imposer dans la région que d’une question d’énergie ». « C’est l’occasion pour la Turquie d’être présente et entendue », poursuit-il, surtout au regard des coopérations en vigueur dans la région, notamment face aux triangles composés de la Grèce, Chypre et Israël ou de la Grèce, Chypre et l’Égypte. Or la Turquie, dont les relations avec les autres pays impliqués sont tendues, s’oppose à toute exploitation de ces ressources gazières qui exclurait la RTCN. La République de Chypre a signé des contrats d’exploration avec des géants des hydrocarbures comme l’Italien ENI, le Français Total ou l’Américain ExxonMobil alors qu’Ankara en a accordé à Turkish Petroleum.


(Lire aussi : Ankara poursuivra les forages au large de Chypre en dépit des mises en garde)



« Le temps presse »

Pour justifier ses forages, Ankara affirme ne pas être tenu par les accords de délimitation maritime entre le gouvernement de Chypre et d’autres pays riverains de la Méditerranée et fait valoir ses droits sur son propre plateau continental.

« Nous ne pouvons pas parler de violation par la Turquie de la Zone économique exclusive (ZEE) de la République de Chypre (...) car il n’y a pas de moyen objectif de trancher » ce conflit territorial, affirme Özgür Unluhisarcikli, directeur du bureau d’Ankara au German Marshall Fund. Selon lui, d’après la loi maritime, seule des négociations peuvent permettre d’établir des ZEE.

Or le dernier cycle de négociations en vue d’une réunification de l’île s’est soldé par un nouvel échec en 2017. « Les négociations n’ont pas repris depuis deux ans et (...) le temps presse en ce qui concerne les options en matière d’exploration », estime M. Tzimitras. Faisant fi des mises en gardes turques, Chypre a annoncé en mai que huit forages, dont six d’exploration et deux de confirmation, devaient commencer entre fin 2019 et début 2020. La Turquie poursuit pour sa part ses travaux de forage malgré les avertissements de Washington et de Bruxelles, qui l’a même menacée de sanctions.


(Lire aussi : Sissi valide la construction d’un gazoduc entre l’Égypte et Chypre)



« Projection de puissance »

L’étendue des réserves disponibles n’est pas encore connue, mais les autorités chypriotes grecques ont annoncé en février la découverte par ExxonMobil d’un réservoir renfermant entre 140 et 230 milliards de m3 de gaz naturel.

Mais Ankara n’agit pas tant « dans la perspective de gains économiques, mais plus pour perturber les plans de la République de Chypre », estime M. Unluhisarcikli. La stratégie d’Ankara comporte évidemment des risques, notamment de sanctions, mais pour M. Unluhisarcikli, les Turcs, quelle que soit leur obédience politique, voient Chypre comme un enjeu national et seraient donc prêts à payer le prix d’une telle politique. Le chercheur estime en outre que d’éventuelles sanctions de l’UE seraient purement « symboliques » et qu’aucune partie ne souhaite un conflit militaire dans la région, même si le risque d’incidents ne saurait être écarté. Une opinion partagée par M. Tzimitras : « Des accidents peuvent toujours se produire en période de tension élevée (...) et il est bien sûr possible que la situation dégénère (...) car il est évident que les réactions peuvent parfois être spasmodiques, en particulier dans le cas de dirigeants plus caractériels. »



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