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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Oman, ou l’art de la médiation en coulisses

Dans un contexte tendu, Mascate joue le rôle d’intermédiaire entre Washington et Téhéran.

Le sultan Qabous. Photo Reuters

S’étalant sur quelque 309 000 km2 pour 4,6 millions d’habitants, Oman n’a pas pour habitude de faire grand bruit sur la scène internationale. En coulisses, le sultanat est pourtant l’un des acteurs clés du Moyen-Orient et du Golfe sur le plan diplomatique. Bordant la côte sud-est de la péninsule Arabique et niché entre les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Yémen, Oman partage les eaux du détroit d’Ormuz avec l’Iran. Une position stratégique pour Mascate qui entretient de bonnes relations avec l’ensemble des acteurs régionaux, en dépit des rivalités et des conflits qui animent le Moyen-Orient. « Oman a une identité distincte et une confiance qui découle de son histoire en tant que puissance commerciale régionale sur la mer d’Arabie reliant l’Asie du Sud et l’Afrique de l’Est », rappelle Kristin Diwan, chercheuse à l’Arab Gulf States Institute à Washington, interrogée par L’Orient-Le Jour. « Cela donne au pays une vision stratégique qui n’est pas circonscrite par le Golfe », explique-t-elle, avant d’ajouter que « sa capacité à projeter sa puissance étant limitée par ses moyens économiques, il compte sur la diplomatie et une certaine souplesse stratégique pour atteindre ses objectifs ». Pays à majorité ibadite (troisième branche de l’islam née après le schisme entre sunnites et chiites), Oman s’est toujours trouvé dans un entre-deux dans la péninsule Arabique.

Des conditions qui font du sultanat un partenaire unique en son genre, le menant à endosser le rôle de médiateur dans différents dossiers au cours de ces dernières décennies. « Il sert également de canal de communication pour de nombreux acteurs, mais surtout pour les États-Unis et l’Iran », souligne Bruce Riedel, ex-responsable au sein de la CIA et chercheur à la Brookings Institution, également contacté par L’OLJ. « Les administrations Clinton, Bush et Obama ont toutes utilisé les bons offices de Mascate pour engager le dialogue avec Téhéran », poursuit-il. Mascate a notamment hébergé les négociations secrètes entre Américains et Iraniens qui ont donné lieu à l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, dont les États-Unis de Donald Trump se sont unilatéralement retirés en mai 2018.


(Pour mémoire : Oman nie avoir convenu d'établir des relations diplomatiques avec Israël)



Calmer les tensions

Un statut d’intermédiaire que Mascate a à nouveau mis à profit dans le cadre de la dangereuse escalade des tensions depuis mai entre l’Iran et les États-Unis. Cette escalade a été déclenchée par le « sabotage » de deux pétroliers saoudiens au large des Émirats arabes unis, attribué à Téhéran par Washington. Une situation qui a mené le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, à s’entretenir par téléphone avec le sultan Qabous tandis que le ministre omanais des Affaires étrangères, Youssef ben Alaoui, s’est ensuite rendu à Téhéran pour rencontrer son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif. Mascate « cherche, avec d’autres parties, à calmer les tensions entre Washington et Téhéran », a indiqué Youssef ben Alaoui quelques jours plus tard sur le compte Twitter de son ministère. « Les connexions uniques dont dispose Oman lui permettent de manœuvrer efficacement dans l’environnement dangereux dans lequel il est », indique Bruce Riedel. « L’administration Trump a mis du temps à reconnaître la valeur des Omanais mais elle en est désormais consciente », poursuit-il.

Washington et Mascate ont signé un accord stratégique en mars dernier régissant l’accès des États-Unis aux installations et aux ports de Douqm et de Salalah, tous deux situés en dehors du détroit d’Ormuz que l’Iran menace régulièrement de bloquer. Le mois suivant, Oman et la République islamique ont pour leur part mené un exercice conjoint sur les côtes de Mascate avec la participation des forces navales, aériennes et marines de Oman et les unités de la marine de l’armée iranienne et de la marine du corps des gardiens de la révolution, a indiqué le Centre de communication et de publicité de la défense de l’état-major des forces armées iraniennes.


(Lire aussi : Un ministre omanais à Damas pour des rares entretiens avec Assad)



Briser les tabous

Revendiquant sa neutralité et ne s’alignant pas sur les poids lourds du Golfe, à savoir Riyad et Abou Dhabi, le sultanat est un membre à part entière du Conseil de coopération du Golfe. Mascate a notamment refusé de s’impliquer dans le blocus mené par Riyad et ses alliés contre le Qatar, accusé de financer le « terrorisme » et d’entretenir des liens trop étroits avec Téhéran. Deux ans plus tôt, le sultan Qabous avait adopté la même position en ne participant pas à la coalition créée en 2015 par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis pour appuyer les forces du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi contre les houthis. Moins impulsif que le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, et le prince héritier d’Abou Dhabi, Mohammad ben Zayed, le sultan Qabous privilégie la diplomatie pour maintenir une certaine stabilité à ses frontières et faire fructifier ses partenariats. « Oman a une transition économique et de leadership difficile à gérer (alors que le successeur du sultan Qabous n’a pas été désigné) », estime Kristin Diwan. « Un Golfe pacifique avec un commerce ouvert et un environnement attrayant pour les investissements directs sert au mieux ses intérêts », poursuit-elle.Se démarquant de ses voisins, la stratégie diplomatique de Oman lui permet de briser certains tabous régionaux. Le ministre omanais des Affaires étrangères était notamment à Damas, dimanche dernier, où il a rencontré le président syrien Bachar el-Assad ainsi que son homologue syrien Walid Moallem, sans que plus de détails ne filtrent sur sa visite. Bien que le régime syrien ait été mis au ban de la région par la plupart des pays arabes depuis le début de la guerre en 2011, Oman n’a pas coupé ses liens avec Damas – cette visite marquant le second déplacement de Youssef ben Alaoui dans la capitale syrienne.


(Lire aussi : Le sultanat d’Oman veut ouvrir une ambassade à Ramallah)



Des « relations officielles » ont également été rétablies entre Israël et le sultanat tandis qu’un « bureau de représentation du ministère (israélien) des Affaires étrangères dans ce pays » doit être mis en place, a annoncé le 1er juillet le chef du Mossad, les services secrets israéliens. Une annonce qui fait suite à la visite inédite du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à Mascate en octobre dernier. Interrogé à ce sujet par le magazine d’informations en ligne saoudien Majalla, Youssef ben Alaoui a précisé en mai dernier que « la visite de Netanyahu à Oman a eu lieu à sa demande et a été précédée par la visite du président Mahmoud Abbas » et que « les discussions ont consisté à aider les parties palestinienne et israélienne à sortir de leur crise ». Quatre jours avant le rétablissement des relations entre l’État hébreu et Oman, le sultanat avait cependant annoncé son intention d’« ouvrir une mission diplomatique avec rang d’ambassade dans l’État de Palestine » à Ramallah, « en soutien au peuple palestinien ». Des déclarations faites pendant que se tenait la conférence de Manama lors de laquelle le conseiller et gendre de Donald Trump, Jared Kushner, a dévoilé le volet économique de son plan de paix et à laquelle Oman ne s’est pas rendu.


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