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À La Une - portrait

Vincent Lambert, homme pudique devenu un symbole bien malgré lui

Après avoir passé près de 11 ans en état végétatif, le patient tétraplégique est mort un peu plus d'une semaine après l'arrêt des traitements par l'équipe médicale du centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims.

Une femme tenant une pancarte en hommage à Vincent Lambert, un infirmier français en état végétatif depuis 11 ans et qui est décédé le jeudi 11 juillet, devant l'église Saint-Sulpice à Paris, le 10 juillet 2019. Photo AFP / Dominique FAGET

Décédé jeudi matin après avoir passé près de 11 ans en état végétatif cloué sur son lit d'hôpital en France, Vincent Lambert, otage inconscient d'une longue bataille judiciaire et familiale, est devenu bien malgré lui le symbole du débat sur la fin de vie dans ce pays.

Sa famille a annoncé à l'AFP la mort, à 08h24 (06h24 GMT), à 42 ans, de ce patient tétraplégique, un peu plus d'une semaine après l'arrêt des traitements par l'équipe médicale du centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims (nord-est).

"Avec le temps, on l'a vu se dégrader, ses muscles atrophiés déforment son corps, il est souvent pris de rictus, il crie quelquefois", confiait en 2014 sa sœur cadette Marie, pour qui "Vincent n'aurait jamais voulu vivre aussi diminué et dépendant".




Aîné d'une fratrie de neuf enfants issus de trois unions, né hors mariage d'un père gynécologue anti-avortement qui a fini par épouser sa mère ultra-catholique plusieurs années après sa naissance, Vincent grandit dans le centre de la France puis dans les Ardennes (nord-est) dans une famille recomposée "minée par les secrets et les non-dits", selon les mots de François Lambert, son neveu. A 12 ans, l'adolescent part en pension dans un établissement catholique. Pour Vincent, ce sera Saint-Joseph-des-Carmes, dans le sud de la France, et la Fraternité Saint-Pie X, communauté intégriste proche des milieux d'extrême droite. Renvoyé pour son "esprit rebelle", il finira ses études dans la ville de Reims, avant d'intégrer une école d'infirmiers et de se spécialiser en psychiatrie. "Il n'a alors cessé de prendre ses distances avec l'idéologie de nos parents", explique Marie. Il a juste "pris son autonomie", tempère son demi-frère, David Philippon.

Jeune homme, il est décrit comme "pudique" et "sensible", amateur de sensations fortes, de vitesse et de "grosses fêtes". "Il avait des comportements extrêmes et en même temps était très secret, renfermé, mal dans sa peau", selon Marie. Sur de rares photos d'avant le drame rendues publiques, on voit un homme élancé, cheveux noirs, yeux marron et barbe en bouc esquisser un sourire.


(Pour mémoire : France : le père de Vincent Lambert dénonce "un assassinat" en cours)



Fracture familiale 
A l'hôpital de Longwy (nord-est), il rencontre Rachel, une infirmière qu'il épouse avant de s'installer près de la ville de Châlons-en-Champagne. "A l'hôpital, je l'admire. C'est un très bon infirmier, respecté de tous ; quand Vincent entre dans une salle, tout le monde le regarde, il en impose", écrit-elle dans un livre témoignage paru en 2014. Elle est séduite par cet homme "en apparence inaccessible, plein de mystère" et au "sang-froid à toute épreuve". Le couple se marie en 2007 et donne naissance à une petite fille à l'été 2008.

Mais deux mois plus tard, le 29 septembre, tout bascule lorsque Vincent, alors âgé de 32 ans, est victime d'un grave accident de la route. Transporté au CHU de Reims dans un état critique, il est plongé dans un coma artificiel pour tenter de limiter les dégâts d'un traumatisme crânien massif. Il restera tétraplégique en état "pauci-relationnel", un état de conscience limitée à des informations sensorielles primaires, comme la lumière ou le bruit. Une trachéotomie l'aide à respirer, une sonde à s'alimenter mais sa conscience se dégrade. En 2014 et 2018, deux expertises judiciaires jugent son état végétatif "irréversible". Après la décision des équipes soignantes de stopper l'alimentation et l'hydratation artificielles, la famille s'entre-déchire.

Rachel, qui a la tutelle, assure que son mari lui a confié oralement préférer "mourir" que de rester en vie "comme un légume", même s'il n'a jamais rédigé de directive anticipée. Comme elle, François Lambert et six frères et sœurs combattent un "acharnement thérapeutique". Viviane et Pierre, les parents, dénoncent, eux, la tentative d'assassinat d'un "handicapé" et militent pour son placement en établissement spécialisé. Une association, "Je soutiens Vincent", voit le jour. Des vidéos du patient tournées par les parents sur son lit médicalisé sont publiées sur internet.

De décisions en recours successifs, le cas de Vincent Lambert s'enlise dans un interminable imbroglio judiciaire, jusqu'à la décision de la Cour de cassation, fin juin. Pendant 11 ans, le cas de ce patient aura déchiré ses proches, sans qu'il ne puisse jamais s'exprimer sur son sort.


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