En principe, c’est vendredi que le Hezbollah, par la voix de son chef Hassan Nasrallah, devrait officiellement répondre à la nouvelle décision américaine d’imposer des sanctions à trois personnalités de la formation, dont deux députés. En effet, le secrétaire général du parti devrait accorder une interview à la chaîne al-Manar ce soir-là. Mais déjà, les milieux proches du parti chiite donnent un aperçu de la réaction de la formation à ces nouvelles sanctions.
D’abord, les milieux proches du Hezbollah tiennent à affirmer que ces nouvelles sanctions sont accueillies par les membres du parti avec une sorte de fatalité indifférente. Selon ces milieux, le parti place ainsi ces nouvelles mesures américaines dans le cadre de l’incapacité des États-Unis à mener une opération militaire ou même des frappes limitées contre l’Iran. Surtout après la chute de l’avion d’espionnage américain atteint par un missile iranien. Cet incident comportait en effet un message clair de la part du commandement iranien aux autorités américaines. D’autant que le drone US (qui serait le modèle le plus sophistiqué des avions d’espionnage, que les États-Unis croyaient impossible à atteindre car pratiquement invisible pour les radars. Ils en ont trois et chacun coûte près de 220 millions de dollars) était suivi de près par un autre avion militaire américain ayant à son bord 38 passagers, qui, lui, n’a pas été ciblé. Ceci montre que les Iraniens ont voulu seulement adresser un avertissement aux Américains pour qu’ils ne lancent pas une attaque contre leur pays, sinon ils n’auraient pas aussi ostensiblement évité l’avion qui abritait des passagers.
Toujours selon les milieux proches du Hezbollah, les Américains ont bien capté le message et ils ont décidé d’augmenter les pressions économiques et politiques sur l’Iran et ses alliés dans la région en prenant soin de ne pas prendre le risque de provoquer une confrontation militaire. Sur cette base, le parti chiite s’attendait donc à de nouvelles mesures américaines contre lui, destinées à augmenter les pressions sur lui dans une tentative de l’isoler et de pousser les Libanais à comprendre que tout contact avec lui serait mal vu par l’administration américaine. Selon ces mêmes milieux, le Hezbollah s’attendait donc à ce genre de mesure, surtout à la veille de la publication du jugement du TSL, annoncée pour l’automne, qui devrait lui aussi accuser des responsables du parti, les plaçant ainsi dans la catégorie des assassins et des terroristes.
Le Hezbollah a d’ailleurs décidé depuis quelque temps déjà de considérer les sanctions américaines contre lui, ainsi que le jugement annoncé du TSL, comme inexistants, autrement dit, sans impact direct sur lui, sachant que, depuis longtemps, ses principaux membres n’ont pas de comptes dans les banques et ne sont pas dans le circuit financier contrôlé par les États-Unis.
(Lire aussi : Les sanctions US contre des députés du Hezbollah, un message éminemment politique)
Mais l’élément nouveau des sanctions annoncées mardi, c’est qu’elles touchent deux députés du Parlement libanais. Et pas n’importe lesquels. Pour rappel, Mohammad Raad, le chef du bloc parlementaire de la résistance, a obtenu le plus grand nombre de voix préférentielles au Sud dans la troisième circonscription (43 797 voix). De même, Amine Cherri a obtenu lui aussi le plus grand nombre de voix préférentielles dans sa circonscription à Beyrouth (22 961 voix), alors que le Premier ministre Saad Hariri – qui s’était présenté dans la même circonscription – n’en avait obtenu que 20 751. C’est dire que la décision américaine est cette fois dirigée contre le choix des électeurs libanais dans deux circonscriptions, dans le cadre d’élections qui avaient été qualifiées de démocratiques par les observateurs internationaux. Même si les sanctions n’ont pas de véritable impact économique, les deux députés, comme les autres membres du Hezbollah, n’ayant pas de comptes directs dans les banques, elles ont certainement une dimension politique. Selon certains experts juridiques, elles constituent une violation de la Constitution libanaise, qui accorde une immunité parlementaire aux députés en considérant ces derniers comme « les élus de la nation et les représentants de tout le peuple libanais ». D’ailleurs, toujours selon la Constitution, il est impossible d’engager des poursuites judiciaires contre un député, sauf en cas de flagrant délit, sans avoir au préalable obtenu la levée de son immunité qui est une décision prise par la majorité des parlementaires (cela s’était passé d’ailleurs une seule fois, lorsque le Parlement a voté la levée de l’immunité du député Yehia Chamas qui était entré en conflit avec le chef des SR syriens au Liban Ghazi Kanaan pendant la période de tutelle syrienne). Or, les sanctions économiques et financières sont l’équivalent d’une condamnation judiciaire pénale et, par conséquent, elles sont une violation de la Constitution, sachant que, selon le droit constitutionnel, les dispositions de la Constitution dans un pays prévalent sur les lois et les décisions internationales.
D’ailleurs, le premier à réagir a été le président de la Chambre Nabih Berry qui a considéré que les sanctions américaines contre deux députés libanais sont une atteinte à la souveraineté du pays et à l’ensemble du peuple libanais. Le Premier ministre Saad Hariri a aussi commenté les sanctions en estimant qu’elles n’auront pas d’impact sur le gouvernement libanais, ni sur l’action du Parlement, et enfin le président de la République Michel Aoun a estimé qu’elles sont contraires aux précédentes positions américaines qui confirment le respect du Liban et de son secteur bancaire des accords et conventions portant sur la lutte contre le blanchiment d’argent (et le financement du terrorisme). Il a regretté le fait que les sanctions touchent deux députés élus et il a déclaré que le Liban poursuivra cette question avec les autorités américaines.
À cet égard, des sources diplomatiques occidentales affirment qu’à travers cette décision, les autorités américaines montrent qu’elles cherchent réellement à étouffer le Hezbollah économiquement et à l’isoler politiquement, mais son action reste placée sous le parapluie de la stabilité de ce pays... Un véritable casse-tête !
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DU PIPEAU !
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 55, le 11 juillet 2019