Rechercher
Rechercher

Liban - Recherche

Du plastique dans le béton : à la NDU, des chercheurs s’engagent pour un matériau de construction écolo

À la NDU, une équipe d’étudiants et leur professeur tentent de trouver une solution innovante aux matières plastiques non recyclables.

Gérard-Philippe Zéhil en compagnie de l’un de ses étudiants dans le laboratoire.

Produire un nouveau matériau de construction à la fois écologique et durable : telle est la mission à laquelle travaille une équipe de chercheurs de la faculté d’ingénierie de l’université Notre-Dame de Louaïzé (NDU), sous la direction de Gérard-Philippe Zéhil, enseignant-chercheur et professeur adjoint de génie civil (spécialiste de structures et de matériaux, ainsi que de leur modélisation). L’idée est d’étudier la possibilité de remplacer le gravier, ou agrégats, généralement utilisé dans la production du béton, par du plastique découpé, de la famille des thermodurcissables. Une recherche actuellement financée à parts égales par la NDU et par le Conseil national de la recherche scientifique (CNRS-L).Contrairement aux matières thermoplastiques qui peuvent être ramollies par réchauffement afin de les remodeler pour constituer de nouveaux produits, les matières thermodurcissables (dont les applications sont liées à leurs propriétés relativement supérieures) sont plus difficiles à recycler. C’est par exemple le cas du plastique utilisé dans les réseaux de chauffage, d’eau chaude ou d’eau sanitaire, par exemple, ainsi que dans le gainage des câbles électriques, pour sa solidité et sa résistance aux hautes températures.

« L’idée a fait son chemin au travers d’échanges avec un industriel libanais s’intéressant en partie au recyclage de matières plastiques, lequel s’était retrouvé avec une grande quantité de matières thermodurcissables qu’il n’arrivait pas à écouler », explique M. Zéhil.

C’est ainsi qu’est née l’idée de l’utilisation de ce plastique dans le béton employé dans la construction. « Cette alternative a un double avantage, explique M. Zéhil. D’une part, elle réduit notre besoin en gravier naturel ou concassé et préserve par le fait même les ressources naturelles, et, d’autre part, elle nous permettra de réutiliser un grand volume de plastique difficilement recyclable autrement. »

Si l’idée présente de nombreux avantages, elle nécessite des recherches poussées pour en examiner tous les aspects, afin que l’utilisation du plastique dans le béton n’altère pas la solidité et le niveau de sécurité des futurs édifices. Voilà pourquoi de nombreux tests sont effectués par M. Zéhil et ses étudiants afin de déterminer, pour les différentes catégories de béton, les modalités suivant lesquelles l’utilisation du plastique sera aussi sûre que celle du gravier. Avec les avantages en plus.

« Nous en sommes au stade des recherches, par voie expérimentale et par voie de modélisation numérique, explique M. Zéhil. Nous étudions les conséquences du remplacement du gravier par le plastique. Il faut évaluer les effets sur les propriétés du béton, notamment en termes de facilité de mise en œuvre (pour le béton frais), de déformabilité, de résistance mécanique, etc. »


(Pour mémoire : La municipalité de Abbassiyé se débarrasse des gobelets en plastique)

Avantages et inconvénients

Comment réagirait donc le béton si on y ajoute du plastique ? Quelles conséquences sur ses propriétés ? Ce sont sur ces points que se concentrent les recherches aujourd’hui. « Nous ne pourrons pas remplacer intégralement les agrégats par le plastique, mais du moins en partie, affirme M. Zéhil. Généralement, le béton résiste bien à la compression. On sait par exemple que les agrégats constituent le squelette résistant du béton comprimé, alors que le ciment leur sert de liant. L’un des effets négatifs du remplacement d’agrégats par du plastique serait de diminuer la résistance du béton à la compression. Un des moyens de compenser les pertes en résistance serait donc de modifier la quantité de ciment. »

D’autres propriétés font l’objet de recherches : des expériences de vieillissement prématuré sont effectuées en laboratoire pour évaluer la durabilité de ce matériau. D’autres explorent la résistance aux hautes températures. « Le plastique ne brûle pas lorsqu’il est bien enrobé de béton, dit-il. Ceci est dû à son isolement thermique et à l’absence d’oxygène. On met d’ailleurs déjà des fibres de polypropylène dans le béton pour en améliorer la résistance au feu. »

Il ajoute : « Généralement, l’exposition au feu provoque l’évaporation de l’humidité dans le béton, et sa montée en pression. Cette pression se libère en causant un phénomène d’écaillage. Elle peut exposer les armatures en acier à l’air libre et engendrer une exposition directe aux flammes. Or, les fibres de polypropylène ont la caractéristique de retarder l’écaillage : le fait que l’eau va pouvoir s’évaporer par les ouvertures créées par la fonte du plastique retarde la montée en pression de la vapeur d’eau. »

L’introduction de plastique dans le béton peut donc améliorer certaines propriétés et en détériorer d’autres. L’un des avantages du remplacement des agrégats par du plastique, à titre d’exemple, est une diminution de poids. « Il s’agit de déterminer les modalités optimales de mise en œuvre permettant de profiter des avantages tout en limitant les inconvénients », résume M. Zéhil.


(Pour mémoire : Les pailles en plastique bannies dans une boîte de nuit à Beyrouth)

Potentiel de commercialisation

Les études sont certes très utiles, mais qu’en est-il des perspectives de commercialisation d’un tel béton ? M. Zéhil pense qu’il faudra effectivement convaincre les producteurs du bien-fondé de cette option. Il faudra aussi compter avec la difficulté de découper le plastique en fragments de différentes tailles (pour imiter les agrégats). Mais à terme, les nécessités de cette nouvelle industrie vont dynamiser les entreprises spécialisées, comme celles qui auront la charge de fournir du plastique découpé.

Et ce n’est pas tout. « Les études que nous menons ont aussi un autre avantage qui n’est pas directement lié au produit lui-même, ajoute-t-il. Beaucoup d’étudiants contribuent à cette recherche en travaillant, par exemple, sur des revues de littérature scientifique, des expériences en laboratoire ou sur des modélisations informatiques. Ces travaux de recherche menés au cœur de l’université ont un intérêt éducatif certain. Ils contribuent à la formation des capacités analytiques, scientifiques et techniques, ainsi qu’au développement de la conscience écologique des ingénieurs de demain. »


Pour mémoire

Et si on créait un mur végétal, un vrai, grâce à des sacs en plastique ?

Recycle Lebanon : « C’est notre rôle de faire connaître au public le bon chemin vers le zéro plastique au Liban »

Éliminer le sac en plastique au Liban... par de bonnes idées

Produire un nouveau matériau de construction à la fois écologique et durable : telle est la mission à laquelle travaille une équipe de chercheurs de la faculté d’ingénierie de l’université Notre-Dame de Louaïzé (NDU), sous la direction de Gérard-Philippe Zéhil, enseignant-chercheur et professeur adjoint de génie civil (spécialiste de structures et de matériaux, ainsi que...

commentaires (3)

On attend avec grand intérêt la suite des expériences, et on dit BRAVO ! à ces chercheurs Irène Saïd

Irene Said

18 h 14, le 09 juillet 2019

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • On attend avec grand intérêt la suite des expériences, et on dit BRAVO ! à ces chercheurs Irène Saïd

    Irene Said

    18 h 14, le 09 juillet 2019

  • ET POURQUOI PAS UN AMALGAME DE CIMENT ET DE DECHETS POUR S,EN DEBARASSER DE DEVANT LES PORTES ET LES RUES ET Y HABITER DEDANS ? DU RIGOLO !

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 21, le 09 juillet 2019

  • Bravo

    Eddy

    10 h 29, le 09 juillet 2019

Retour en haut