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Les bisbilles du sport irakien pourraient priver ses athlètes de JO

"On ne sait plus quoi faire, je dois participer à six tournois de qualification pour me qualifier aux JO de Tokyo, mais j'en ai déjà raté deux à cause des problèmes du sport dans ce pays", se lamente l'haltérophile de 29 ans Safaa Rashed Aljumaili.

L'athlète irakien Safaa Rashed Aljumaili, le 30 mai 2019 lors d'une séance d'entraînement à Bagdad. Photo AFP / AHMAD AL-RUBAYE

Dans l'unique salle équipée pour l'haltérophilie de Bagdad, Safaa Rashed Aljumaili s'entraîne sans relâche pour les JO-2020, mais sans grand espoir, car même s'il a décroché l'or aux Jeux asiatiques, il pourrait ne pas voir Tokyo à cause des bisbilles internes du sport irakien.

Sous une chaleur écrasante, et un unique climatiseur en panne, il soulève poids et haltères devant des murs décrépis et menaçant presque de s'écrouler, tout comme sa motivation, confie-t-il à l'AFP. "On ne sait plus quoi faire, je dois participer à six tournois de qualification pour me qualifier aux JO de Tokyo, mais j'en ai déjà raté deux à cause des problèmes du sport dans ce pays", se lamente l'haltérophile de 29 ans.


Le fils de Saddam Hussein 

Ce que Safaa Rashed Aljumaili appelle les "problèmes du sport", c'est le conflit qui oppose le ministère de la Jeunesse et des Sports au Comité olympique irakien depuis l'élection des membres de ce dernier mi-février. Avant la chute de Saddam Hussein en 2003, c'était le fils du dictateur, Oudaï, qui tenait le Comité olympique. En mesure de rétorsion, après l'invasion emmenée par les Américains, cette institution a été dissoute, au même titre que toutes celles liées au régime déchu. Seize ans plus tard, ce comité reconnu par les instances mondiales depuis 1948 n'a jamais cessé de chapeauter les activités de l'Irak aux JO mais son cadre légal n'a toujours pas été redéfini. A cause de ce flou juridique, le ministère a réclamé la mise sous tutelle des 25 millions de dollars qui lui étaient alloués dans le budget 2019. Et coupé de fait le robinet des fonds pour les sportifs.

Or, explique Safaa Rashed Aljumaili -qui pratique le seul sport ayant rapporté une médaille olympique à l'Irak: l'argent en 1960-, "il faut des sous pour s'entraîner, participer à des camps d'entraînement à l'étranger et se qualifier aux JO". Lui-même puise dans son salaire de 400 dollars pour payer ses frais. 


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Continuer ou pas?

Ahmed Daoud, judoka de 23 ans, se serre lui aussi la ceinture. Pour vivre, il n'a plus qu'une allocation de 700 dollars, de son club de judo Al-Jaych, après avoir perdu celle de 400 dollars du Comité olympique. Il a dû se résoudre à se préparer aux JO dans une salle que lui prête le club d'al-Chola, car Bagdad, deuxième capitale arabe la plus peuplée avec huit millions d'habitants, n'a aucun dojo spécialement dédié à ses internationaux. Et les six sessions d'entraînements à l'étranger qu'il avait prévues d'effectuer jusqu'aux JO semblent compromises, se désole le jeune Irakien en kimono bleu. "On ne sait pas si on va continuer les entraînements, tout dépend de l'argent et nous n'avons rien reçu à cause de ce conflit dont les victimes sont les athlètes".

Si le ministère s'en est pris aux finances du Comité olympique, c'est aussi parce qu'il l'accuse de corruption, fléau endémique en Irak, douzième pays le plus corrompu au monde selon Transparency International. Une accusation que Moustafa Saleh, secrétaire général de la Fédération d'haltérophilie, renvoie à l'envoyeur.


(Pour mémoire : L’Irak retrouve la joie des matchs à domicile)




"Où est l'argent?"

En 2018, après les Jeux asiatiques de Jakarta, le ministère avait "promis une dotation de 25.000 dollars à Safaa Rashid Aljumaili, 17.000 à Salwan Jassim Abbood, qui avait décroché l'argent dans la catégorie des poids lourds (105 kg), et autant à la Fédération", rapporte-t-il à l'AFP. Mais, dit-il, "nous n'avons rien reçu jusqu'ici: où est passé cet argent?".

Au ministère de la Jeunesse et des sports, Mohammed Hadi, expert en questions légales, renvoie la balle au gouvernement. "Il a demandé à ce qu'une commission prenne la main sur les dépenses du Comité olympique jusqu'à ce qu'une nouvelle loi régissant son statut soit votée", explique-t-il. Pour le trésorier du Comité olympique Sarmad Abdelillah, cette commission parallèle aurait dû se limiter à surveiller les mouvements d'argent. Mais elle s'ingère de façon "inacceptable dans les affaires des fédérations, ce qui va à l'encontre des règlements olympiques internationaux".  Et, martèle-t-il, le moment est vraiment mal choisi à un an des JO de Tokyo.
Des élections au sein du Comité olympique comme la dernière du 16 février qui a mis le feu aux poudres, "il y en a eu depuis 2004" et tous les quatre ans, plaide-t-il. Quant à l'absence de loi sur le statut de cette instance, "le Comité olympique n'en est pas le seul responsable". "Que font le ministère des Sports et le Parlement depuis 15 ans?", s'emporte-t-il. Et le temps presse, prévient Moustafa Saleh: "A chaque jour qui passe, l'Irak perd un peu plus de chances de se qualifier pour les JO de Tokyo et d'y remporter des médailles".


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