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« Fakhamet el-ra’is » Abbas Ibrahim ?

Bien sûr, ses prédécesseurs, de l’émir Farid Chéhab dans les années 50 jusqu’à Jamil Sayyed et son sinistre mandat, en passant par (le très digne) Farouk Abillama, Zahi Boustani ou Raymond Raphaël, se mêlaient de tout, d’absolument tout ce qui concernait le Liban, et surtout, du quotidien des Libanais. Bien sûr, ses prédécesseurs, à des degrés plus ou moins tolérés et tolérables, n’essayaient même pas de cacher, dans un élan de pudeur aussi infime soit-il, ce sentiment d’omnipotence et d’omniscience qui était le leur. Bien sûr, quelques-uns d’entre eux se sont illustrés dans un ou plusieurs faits d’armes dont l’histoire, la grande comme la petite, se souviendra longtemps, à tort ou à raison. Bien sûr, ils ont été de chaque magouille politique.

Mais aucun d’entre eux n’avait la détermination, la hargne, l’ambition et l’obsession de l’actuel directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim. Aucun n’avait cette hygiène que seuls connaissent ceux qui savent exactement ce qu’ils veulent, qui font tout pour y arriver et qui sont convaincus qu’ils réussiront. Aucun n’avait ce tic, ce TOC, systém(at)iques : donner, sans qu’on le lui demande, son avis, ses recommandations, ses directives – sur n’importe quel sujet. Aucun ne se voyait à ce point, chaque matin en se rasant, à la fois Talleyrand et Kissinger, Lorenzaccio et Mazarin, petit père fédérateur et protecteur d’un peuple qu’il veut à tout prix captif et amoureux, et despote éclairé.

Il y a quelques jours à peine, Abbas Ibrahim a fait fort. Dans un geste qu’il voulait éminemment altruiste et désintéressé, grand sage qui prend chaque jour un peu plus de hauteur, il a annoncé qu’il tirait la sonnette d’alarme, appelé à un dialogue national sur les dossiers économiques,

(r)assuré en précisant que la sortie de crise existe et dénoncé les bassesses politiciennes et propagandistes. C’est très probablement inédit en plus de 70 ans de Sûreté générale, et c’est inouï. Surtout que depuis 2011, c’est-à-dire en huit ans, le général Ibrahim s’est occupé de tout. Dans le désordre : de la formation d’un gouvernement, des tunnels entre le Liban et Israël, de gouvernance mondiale (il avait invité, en novembre 2018, la communauté internationale à (sic) combattre le terrorisme en lui déclarant la guerre là où il se trouve), de diplomatie humanitaire (il a rencontré Nizar Zakka dans sa prison en Iran), des affaires de l’armée (la libération des jurds du Qaa et de Ras Baalbeck ; les militaires libanais otages de l’État islamique…), d’éducation des générations futures (en rencontrant des étudiants de l’USJ, entre autres), et d’ADN du Liban (il a souhaité que l’on sorte de la communauté et que l’on aille vers la nation…).

Abbas Ibrahim a quelque chose de fascinant et de repoussant à la fois. Dans la maîtrise de son champ d’expertise : la sécurité, avec tout ce que cela draine de positif, « un État sûr, pas un État sécuritaire », et de négatif, avec toutes les dérives orwelliennes possibles et imaginables qui ont été ou pourraient être les siennes, qu’il s’agisse de n’importe quel citoyen lambda ou de son ex-épouse. Dans sa capacité à jouer les médiateurs entre des protagonistes improbables, Washington et le Hezbollah par exemple. Dans sa facilité à être reçu par tous, du directeur de la CIA à Kassem Soleimani, le bras armé des ayatollahs iraniens, en passant par les grands pontes du Vatican, lui qui n’a jamais caché sa promiscuité avec le Hezb. Dans son opportunisme de chaque instant, sa facilité à se retrouver toujours au bon moment pour cueillir les dividendes d’une victoire sur laquelle se sont échinés d’autres que lui. Dans la bonhomie, rassurante et inquiétante à la fois, de son visage, et dans son calme qu’on dit à toute épreuve.

Quelque chose de fascinant et de repoussant dans son ambition surtout. Personne ne serait étonné en apprenant que le général Ibrahim rêve, la nuit, de réinventer les sept travaux d’Hercule en les adaptant à sa (dé)mesure, en se les imposant, discipliné comme personne, pugnace et obstiné, jusqu’au-boutiste invétéré. Un : s’emparer de la présidence de la Chambre après avoir été élu député du Hezbollah. Deux : tuer le père, tout en le préservant ; s’émanciper du parti chiite cosmogonique, puis le convaincre de remettre son arsenal à l’armée dans le cadre d’une stratégie de défense globale et définitive. Trois : obliger Israël à signer la paix avec le Liban aux conditions de Beyrouth. Quatre : dynamiter tous les obstacles entre les communautés sunnite et chiite, se transformer en digne disciple du prophète Mahomet, réunir les musulmans sous la même ombrelle, les forcer à regarder dans la même direction. Cinq : rassurer les chrétiens, les assurer qu’ils ne seront jamais traités en dhimmis, qu’ils resteront au cœur de la praxis politique libanaise, dans de parfaites harmonie et équité. Six : en finir avec le confessionnalisme politique et se faire élire président de la République, après avoir convaincu les partis chrétiens et sunnites de se partager, à tour de rôle, l’exécutif et le législatif. Sept : devenir l’Atatürk, le Mao Zedong, l’Alexandre le Grand des Libanais. À vie.

Loin de cette pure (science-)fiction, l’anti-Jamil Sayyed Abbas Ibrahim va sans doute travailler, pendant près de quatre ans, à oublier ses galons de général et à porter la cravate mieux que n’importe quel ex-soldat (Émile Lahoud, Michel Sleiman et Michel Aoun n’ont qu’à bien se tenir…) converti en homme politique, pour ensuite prendre la relève de Nabih Berry à la tête du Parlement, légiférer dans le sens de sa vision du Liban, et puis voir venir.

À 60 ans, ce chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur française du signe des Poissons a tout son temps. Et il n’attendra pas qu’on le lui donne : il le prendra à bras-le-corps. Reste à savoir s’il le fera dans les règles démocratiques et républicaines, ou s’il n’hésitera pas à écraser hommes et valeurs pour y arriver.

Bien sûr, ses prédécesseurs, de l’émir Farid Chéhab dans les années 50 jusqu’à Jamil Sayyed et son sinistre mandat, en passant par (le très digne) Farouk Abillama, Zahi Boustani ou Raymond Raphaël, se mêlaient de tout, d’absolument tout ce qui concernait le Liban, et surtout, du quotidien des Libanais. Bien sûr, ses prédécesseurs, à des degrés plus ou moins tolérés et...

commentaires (3)

Quand vous laissez la porte du poulailler grande ouverte, ne venez vous plaindre que le renard a mangé les poules. A part, Béchara el-Khoury, Camille Chamoun, Fouad Chéhab et Michel Sleiman, qui a veiller pour que la porte du poulailler "Liban" soit toujours bien fermée ? Personne ! Depuis 1982 (!) les renards glapissent aux quatre coins du poulailler pour dévorer toute la bassecour. A part Ziyad Makhoul, qui en parle ? Personne !

Un Libanais

19 h 54, le 08 avril 2019

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Commentaires (3)

  • Quand vous laissez la porte du poulailler grande ouverte, ne venez vous plaindre que le renard a mangé les poules. A part, Béchara el-Khoury, Camille Chamoun, Fouad Chéhab et Michel Sleiman, qui a veiller pour que la porte du poulailler "Liban" soit toujours bien fermée ? Personne ! Depuis 1982 (!) les renards glapissent aux quatre coins du poulailler pour dévorer toute la bassecour. A part Ziyad Makhoul, qui en parle ? Personne !

    Un Libanais

    19 h 54, le 08 avril 2019

  • De grâce messieurs de l'OLJ , essayez , rien qu'une fois, et une fois seulement de déverser votre hargne sur une des personnalités de feu " 14 mars.. pour donner à vos pauvres lecteurs l'impression que vous êtes impartiaux et objectifs .

    Hitti arlette

    17 h 01, le 08 avril 2019

  • JE NE SAIS PAS MAIS POUR MOI L,HOMME EST SYMPATHIQUE ET AU MOINS IL BOSSE MEME SI DANS TOUTES LES DIRECTIONS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 39, le 08 avril 2019

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