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Liban - Liban

Électricité : la transparence sera-t-elle sacrifiée au nom de la rapidité ?

La question de la partie habilitée à trancher l’appel d’offres renvoyée devant le Conseil des ministres.

Le Conseil des ministres réuni le jeudi 4 avril 2019 au Sérail, à Beyrouth. Photo Dalati et Nohra

À l’issue de cinq réunions tenues par les membres de la commission ministérielle chargée de trancher le plan de réforme du secteur de l’électricité présenté par la ministre de l’Énergie, Nada Boustani, le nœud principal représenté par la question de savoir quelle sera la partie habilitée à trancher l’appel d’offres pour la construction des centrales électriques et l’exécution du plan dit provisoire prévu entre-temps reste entier.

Également en suspens, deux autres réformes considérées comme incontournables pour redresser ce secteur et prévues dans le cadre de la conférence de Paris : celle de la création d’une autorité de régulation du secteur de l’électricité et la mise sur pied d’un comité d’administration au sein d’EDL, deux points majeurs qui n’ont toujours pas fait l’unanimité entre les parties.

Ayant achevé en principe sa mission, la commission ministérielle ad hoc a décidé de transmettre au Conseil des ministres le plan de réforme sur lequel les FL, les Marada, le PSP, Amal et le Hezbollah ont toujours des réserves, qu’ils préfèrent pour l’instant appeler « observations », afin d’éviter une terminologie potentiellement conflictuelle qui risque de dégénérer en confrontation directe avec le CPL.

Le gouvernement doit donc se réunir lundi prochain pour trancher les points en suspens, les divergences étant encore profondes en dépit des progrès enregistrés, certaines « observations » ayant déjà été prises en compte par la ministre de l’Énergie, comme tiennent à le rappeler les ministres FL.

Ces derniers assurent à ce propos avoir enregistré un succès en faisant avaliser leur proposition consistant à regrouper les deux volets du plan de production électrique, provisoire et à long terme, en un seul et même dossier, de sorte qu’ils fassent l’objet d’un appel d’offres unique.

Assurant ne pas vouloir crier victoire, le vice-président du Conseil des ministres, Ghassan Hasbani, a expliqué hier que le fait de confier le volet provisoire, relatif à la réduction des pertes techniques et non techniques et à réhabiliter les failles au niveau des centrales, à la partie à laquelle sera aussi confiée la construction des nouvelles centrales (volet à long terme) « est un moyen d’inciter la société (qui aura remporté l’appel d’offres) à accélérer le processus de l’édification des nouvelles centrales, la gestion du premier volet étant plus coûteuse pour la société ».

Si ce point d’achoppement a enfin été résolu, celui de savoir si oui ou non le processus d’appel d’offres sera confié à la Direction générale des adjudications (DDA) – que le Courant patriotique libre tente de court-circuiter depuis plusieurs années déjà – continue de faire l’objet d’une polémique profonde entre le CPL et les FL notamment. L’hésitation chronique du CPL à impliquer la DDA dans le processus a fini par alimenter les suspicions sur la volonté réelle du ministère de l’Énergie qui relève de cette instance de jouer le jeu de la transparence.



(Lire aussi : Électricité : c’est une fois de plus partie remise)



Le « prétexte » du retard
Le ministère de l’Énergie justifie son hésitation à inviter la DDA dans la danse par son souci d’accélérer l’exécution du plan de réforme, un argument déjà mis en avant au cours des dernières années. Une source autorisée qui suit de près ce dossier souligne à ce propos que les craintes au sujet d’un éventuel retard ne sont qu’« un prétexte pour éliminer toute concurrence et concocter des cahiers des charges à la juste mesure d’une société agréée par le ministère, comme cela s’est vu dans le passé ». « L’argument du retard est d’autant plus injustifié que la DDA n’a jamais excédé les délais raisonnables qui lui sont impartis par la loi pour examiner les cahiers des charges, soit une dizaine de jours au maximum », indique encore la source.

C’est donc au Conseil des ministres que sera confiée notamment cette question ultrasensible que l’exécutif sera appelé à trancher à l’issue de débats qui s’avèrent d’ores et déjà assez serrés.

Les dernières informations font état de deux options qui seront soumises lundi au gouvernement : la première consisterait à confier la mission de trancher le dossier des appels d’offres à la DDA ; la seconde porte sur un travail de coordination entre la DDA et la commission ministérielle chargée du suivi du dossier de l’électricité.

Cette dernière option est, selon les termes d’une source proche du dossier, une formule « hybride » et « absurde », d’autant que la réglementation des appels d’offres suppose la création d’un comité comprenant des fonctionnaires des deuxième et troisième catégories, explique la source.

« Mélanger des ministres avec des fonctionnaires pour trancher des appels d’offres, c’est du jamais-vu. Les ministres seront-ils désormais chargés de l’ouverture des plis ? » s’interroge non sans ironie la source, qui tient à relever que les membres de la commission ministérielle ad hoc « ne sont pas rompus aux technicités que renferme ce dossier complexe ».



(Lire aussi : Le Conseil des ministres otage de la politique politicienne...)



Responsabilité partagée
Dans les milieux des FL, on campe sur la même position : cette tâche devra être exclusivement confiée à la DDA et à personne d’autre.

Un cadre de ce parti met d’ailleurs en garde contre la « tentative camouflée » du ministère de l’Énergie de chercher par ce moyen à obtenir une « légitimité » pour le modus operandi de l’exécution du plan, et d’en faire assumer la responsabilité aux différentes parties politiques qui composent la commission ad hoc. « De cette manière, le CPL ne sera plus au premier plan ni le seul à assumer la responsabilité d’un éventuel échec », commente ce cadre pour L’Orient-Le Jour.

C’est probablement dans ce sens qu’il faut comprendre les propos de M. Hasbani, qui a clairement pris les devants en affirmant hier à la presse que « c’est le ministère de l’Énergie qui devra assumer la responsabilité de l’exécution ».

Il reste à voir quelle tournure prendra le vote en Conseil des ministres pour l’adoption du plan, et dans quelle mesure les recommandations faites par les FL, soutenues par le PSP, les Marada, le Hezbollah et en principe le mouvement Amal, seront prises en compte.

On apprenait hier de sources informées que si Amal, « que M. Bassil tente de gagner à sa cause », s’en tient à sa position initiale en faveur d’un rôle exclusif de la DDA, le plan devra être amendé en ce sens puisque le tiers de blocage sera assuré.

« Si Amal, qui compte trois ministres, vote aux côtés du CPL qui bénéficie déjà du soutien des ministres relevant du courant du Futur, la partie est perdue », confient ces sources.

Membre du groupe berryste, Yassine Jaber écarte cette possibilité. « Ce serait une véritable honte que d’écarter la DDA du processus », souligne le député. « Ce serait également aller à l’encontre de l’agenda défini dans le cadre du processus CEDRE, qui est avant tout une feuille de route préconisant les réformes à introduire, condition sine qua non pour le financement des projets prévus dans ce cadre », précise M. Jaber.

Dans les milieux proches de la présidence du Conseil, on préfère ne pas se prononcer en amont de la réunion de lundi. « Le Premier ministre Saad Hariri cherche à combiner la transparence à la rapidité », se contente-t-on de dire dans ces milieux. Une formule qu’une source autorisée commente en disant : « La crainte est de voir qu’au nom de la rapidité ne soit sacrifiée une fois de plus la transparence. »


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À l’issue de cinq réunions tenues par les membres de la commission ministérielle chargée de trancher le plan de réforme du secteur de l’électricité présenté par la ministre de l’Énergie, Nada Boustani, le nœud principal représenté par la question de savoir quelle sera la partie habilitée à trancher l’appel d’offres pour la construction des centrales électriques et...

commentaires (8)

Quelle transparence?? La vitre s'est brisée depuis bien longtemps et l'odeur de pourriture qui s'en échappe est insupportable! Rapidité? Oui pour sûr, vers le fond... Yallah, allah yisseiid...

Wlek Sanferlou

17 h 28, le 06 avril 2019

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Commentaires (8)

  • Quelle transparence?? La vitre s'est brisée depuis bien longtemps et l'odeur de pourriture qui s'en échappe est insupportable! Rapidité? Oui pour sûr, vers le fond... Yallah, allah yisseiid...

    Wlek Sanferlou

    17 h 28, le 06 avril 2019

  • POURQUOI TERGIVERSER ! UNE LOI EXISTE BEL ET BIEN QUI AUTORISE CERTAINES ADMINISTRATIONS PUBLIQUE A ETRE JUGES,JURY,COMPTABLE,ADMINSITRATEURS DE CAHIERS DE CHARGES, D'APPELS D'OFFRES, D'OCTROI DE CONTRATS SANS CONTROLE DE LA PART DE QUI QUE CE SOIT !

    Gaby SIOUFI

    14 h 05, le 06 avril 2019

  • « Mélanger des ministres avec des fonctionnaires pour trancher des appels d’offres, c’est du jamais-vu. Les ministres seront-ils désormais chargés de l’ouverture des plis ? » La mâchoire m’en tombe de consternation. Cette phrase confirme mes pires appréhensions, et douche tous mes espoirs. Il ne nous reste plus qu’à attendre un gouvernement formé de gens moins imbus d’eux-mêmes. J’ai beau relire cette phrase, je n’en reviens toujours pas. Mon dieu mon dieu mon dieu.

    Gros Gnon

    11 h 07, le 06 avril 2019

  • Mais que vient faire M. Bassil dans ce débat? Il n'est pas ministre de l'Energie que je sache. Cet interventionnisme jette le doute sur la probité de la partie qui bloque le processus sous couvert de gagner du temps. Faut-il croire que la DDA et les personnes qui seraient nommées dans les organismes de contrôle pourraient faire des découvertes gênantes depuis le temps que le ministère est contrôlé par Ies CPL?

    Marionet

    09 h 45, le 06 avril 2019

  • P.S. On va encore nous faire de grandes théories et affirmer que c'est la faute à l'Occident et ses complots multiples... Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 31, le 06 avril 2019

  • La "transparence" ne nous révèle qu'une réalité: 30 ministres et un chef de gouvernement totalement incapables et irresponsables, multipliés par les habituelles "commissions" de la même fabrication, donc tout aussi inutiles ! En attendant, le monde entier se rit de nous, hourrah ! Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 25, le 06 avril 2019

  • RAPIDITE SANS SACRIFIER LA TRANSPARENCE. ON AURAIT DU ETRE EN REUNIONS D,URGENCE 7 JOURS PAR SEMAINE POUR METTRE EN MARCHE LE TRAIN DES REFORMES DE LA CEDRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 48, le 06 avril 2019

  • Si sous prétexte de gagner 10 jours (pas un de plus), on discute pendant des semaines, je vois mal comment justifier l'argument de la rapidité. Ceux qui refusent la transparence ne peuvent qu'avoir des intentions cachées, probablement pas très louables.

    Yves Prevost

    07 h 21, le 06 avril 2019

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