Rechercher
Rechercher

Lifestyle - L’aile ou la cuisse

Burgundy, des étoiles dans l’assiette et dans les yeux

L’entrée du restaurant est (un peu trop) discrète, mais une fois à l’intérieur, c’est à une merveilleuse expérience culinaire que les gastronomes sont conviés. Une sorte d’éblouissement.

Joue de bœuf. Photo C.C.

Reprendre cette rubrique culinaire, après quelques mois d’interruption, avec le Burgundy n’est pas un hasard, mais plus une volonté de placer la barre très haut. Et un défi lancé aux chefs et aux restaurants qui vont suivre, car ils auront la lourde tâche de se mesurer au chef-magicien Youssef Akiki, en charge des fourneaux. Ce dernier sait allier précision et intensité des saveurs et des couleurs dans une grande dextérité, sans fausses notes. Il est passionné par ce qu’il fait et comprend clairement les produits avec lesquels il travaille. Ce dialogue réussi est en partie ce qui le différencie des autres chefs. Quant à Ziad Moawad, propriétaire et gérant de ce somptueux bar à vin et restaurant gastronomique, il est lui aussi un facteur essentiel au succès de l’établissement. Exigeant, professionnel, il a le souci du détail, mettant l’accent sur la qualité des plats (succulents), des vins (exceptionnels), du personnel (parfait) et de la décoration. Toujours présent, aux aguets, balayant les tables d’un regard pointu, souriant et inspirant confiance, il est le maître des lieux.

Burgundy a été fondé en 2010 par cinq amateurs de vin (Edmond, Henri et Carl Asseily, Youssef Kamel et Ziad Moawad), dans le but de marier les meilleurs ingrédients aux meilleurs vins de Bourgogne et au-delà. Ils engagent alors deux chefs, un Canadien et un Libanais (Brody White et Youssef Akiki), et conçoivent un espace moderne avec un intérieur élégant, combinant bois, béton et couleurs dorées et métalliques. Plutôt petit et très légèrement éclairé par des lustres modernes, il ne peut accueillir que 25 personnes assises sur moins d’une douzaine de tables, avec 10 sièges supplémentaires dans le bar à vin qui traverse la salle, et ne désemplit pas. Aujourd’hui seul aux commandes, Youssef Akiki, avec ses lunettes particulières couleur neon lime, présente chaque plat comme une œuvre d’art individuelle. Il a à la fois de l’humilité et de la fierté face à chaque assiette qu’il sert et ne manque jamais d’impressionner les convives. Formé chez Alain Ducasse, ayant travaillé à l’atelier de Joël Robuchon à Paris et avec Nicolas Le Bec à Lyon, on comprend alors pourquoi la cuisine française contemporaine est une grande source d’inspiration pour lui, présente dans tous ses plats – toutefois il réussit à y ajouter sa touche personnelle avec une influence internationale.

La première impression d’un dîner dans un restaurant vient le plus souvent du personnel de salle. Au Burgundy, le service est impeccable. Les dames sont servies en premier. Les assiettes arrivent par la droite et sont retirées par la gauche, comme dans tout restaurant qui se respecte. Rien n’est laissé au hasard. Environ un serveur est prévu par table et chacun d’entre eux sait se faire efficace et discret. Enfin, si vous invitez des amis ou des collègues de travail, seul le menu qui vous est proposé affiche les prix. Ce n’est donc pas une surprise que les verres à vin et les plats utilisés soient également haut de gamme et prévus pour la nourriture qui y sera servie. Certaines de ces assiettes sont exactement les mêmes que celles utilisées à l’Auberge de Saint-Rémy, où Fanny Rey, finaliste de l’émission Top Chef 2011, et Jonathan Wahid, son partenaire et ancien champion de dessert français, ont obtenu une étoile Michelin en 2019. Coïncidence ? Sans doute pas...

Joue d’exception

Les belles surprises commencent déjà avec la corbeille à pain, même si c’est le seul produit qui n’est pas entièrement fait maison. Vient ensuite l’amuse-bouche, comme une belle entrée en matière : des petites bouchées qui ne sont pas inscrites au menu, mais préparées selon l’envie du chef. Le jour de notre passage, il s’agissait de nems, aussi beaux que bons. Et puis arrive le dîner... Les cuisses de grenouilles d’abord, des incontournables du Burgundy. L’arôme de sauge insuffle au plat un punch, et la texture du chou-fleur, du persil et de l’ail rend le moment inoubliable. Si vous êtes amateur de foie gras, le chef Akiki sert son mi-cuit avec de la confiture de yuzu – un mariage à ne pas manquer. Le hamachi est un autre classique. Mais lorsque c’est la saison des truffes, son prix peut atteindre les 90 dollars, avec quand même 9 grammes de truffes fraîches. L’excellent œuf servi avec des girolles et des truffes – 110 dollars, c’est cher payé, mais il faut le goûter au moins une fois dans sa vie. Le risotto servi avec des truffes est également exceptionnel et le prix est conséquent : 120 dollars. Mais assez parlé des truffes...

Parce que, outre les spécialités du jour, il est préférable de commander hors carte lorsque vous êtes au Burgundy – un peu comme quand on fait du ski hors piste ! Concernant les spécialités, n’hésitez surtout pas s’il s’agit de morilles fraîches, d’asperges de Pertuis, de thon label rouge, de homards frais (surtout quand ils sont préparés avec de la poutargue), ou encore de langoustine de marée fraîche … À noter que les plats qui ne sont pas mentionnés dans le menu ne sont pas nécessairement coûteux. La poêlée de girolles, par exemple, est proposée à 36 $, et c’est une délicatesse à ne pas rater. Le problème, c’est qu’il n’y a pas « assez » de plats à prix raisonnable.

Pour les plats principaux, la joue de bœuf, également hors carte, est exceptionnelle. Braisée pendant des heures, elle est parfaitement tendre, accompagnée de légumes savoureux pour seulement 58 $. Ayant régulièrement fréquenté le Burgundy, j’ai pu constater que la force du chef Akiki réside davantage dans les plats de pâtes et les fruits de mer (bien que, pour une raison quelconque, je n’ai jamais vu de plat à base de crevettes), je commande souvent son assiette de pâtes aux girolles – un amalgame de saveurs que seuls les grands chefs peuvent concocter. Vous pouvez également opter pour des produits de choix qui sont devenus des classiques au Burgundy, tels que le Black Cod, servi avec des légumes et des champignons shiitaké, ou le fabuleux poisson légine australe. Faites l’impasse sur le filet de bœuf MB4 et le Wagyu MB6 tajima, qui sont présents dans tous les menus des restaurants en ville, même si au Burgundy ces produits proviennent d’un boucher bien connu de Paris, à savoir Metzger Frères… Mais espérons plutôt que le chef Akiki nous offrira enfin ce qu’aucun autre restaurant ne propose encore à Beyrouth : une viande Porterhouse US Prime, fraîche et non congelée. Le menu change tous les deux ou trois mois : mes doigts resteront croisés.

Mais pas le tartare...

La seule grande déception que j’ai eue au Burgundy (à part les desserts), c’est le steak tartare, plutôt fade. Il lui manquait des câpres, de la ciboulette et des cornichons, ce qui, en grande partie, contribue à lui donner ce goût si particulier. En ce qui concerne le sucré, tout comme chez ses confrères, le chef Akiki ne propose pas de grands desserts, même si la présentation est fabuleuse. La pâte d’amande est croustillante et savoureuse, mais les desserts eux-mêmes ne méritent pas de figurer sur la carte de ce grand restaurant – à l’exception des fruits rouges, le seul dessert au même niveau que le reste du repas.Ce n’est pas un hasard si, en 2017, CNN a classé Burgundy parmi les 20 restaurants les plus sous-estimés au monde. Il surpasse de loin de nombreux restaurants de la région et mériterait bien son étoile Michelin, surtout que la direction du restaurant s’est déjà assurée de respecter les normes et les exigences les plus strictes des meilleurs restaurants du monde. Mais encore et toujours, même pour la qualité de ses plats, il s’agit d’un dîner très coûteux – avec un ticket moyen de 150 $ pour un menu standard, ou de 250 $ environ, si la visite se fait durant la saison des truffes. Enfin, les vins proposés sont issus d’une sélection des meilleures bouteilles importées de plusieurs régions de France, conseillés par le sommelier. Mais assurez-vous de vérifier le prix avant de commander, car certaines bouteilles coûtent plus de 1 000 dollars. Sachez aussi que vous pouvez commander du vin au verre et être facturé en fonction de la consommation de la bouteille.

Pour une occasion très spéciale, Burgundy devrait définitivement figurer en tête de votre bucket list. Cela pourrait faire mal à votre porte-monnaie, mais enchantera sûrement votre palais.


BURGUNDY 752 rue Gouraud, Saïfi

DATA

Son : niveau max = 87,0 dB, TWA = 42,8 dB

Qualité de l’air : 69/100 (moyen), COV 0,54 ppm, humidité 46 %, température +25 °C

NOTES

Son : 4/5

Décoration : 4/5

Personnel : 4,5/5

Plats : 4,5/5

Propreté : 4,5/5

Avis : excellent

Prix : très élevé

En résumé…

On aime bien : le service impeccable, la présentation des plats, les cuisses de grenouilles, le foie gras, le carpaccio de hamachi, l’œuf aux girolles et truffes, le risotto aux truffes, la poêlée de girolles, la joue de bœuf, le Black Cod, la légine australe.

On aime moins : le steak tartare, les desserts, les prix exorbitants.

Le conseil : renseignez-vous auprès du serveur sur les spécialités hors carte, et laissez le sommelier accompagner vos plats par l’un des excellents vins proposés. Ne manquez surtout pas d’y aller pendant la saison des truffes.


*Trois ans que, sous un nom d’emprunt, cette Cruella des fourneaux sévit undercover dans la Dernière de L’Orient-Le Jour, un samedi sur deux. Qu’elle multiplie ses visites dans un restaurant, observe les gestes, les plats, les goûts, le service et l’aménagement des lieux. Qu’elle apprécie ou critique avec la plus grande objectivité. Applaudie par beaucoup, haïe par d’autres, crainte par tous, elle permet surtout aux Libanais d’être (enfin) plus exigeants en termes de gastronomie.

FB : www.facebook.com/CordonCourtine/

Insta : cordon.courtine

E-mail : cordoncourtine@gmail.com 



Dans la même rubrique

Makan, les cuisines du monde...

À The Wood Factory Pizzeria, la pizza est reine

Quartier chic, le choc !

Paname, un « presque » Burgundy

Das Küche, vive les barbus !

East Village, un burger, et c’est tout

Au Bistrot de Michel... comme à la maison

Stem, pour voir et être vu

Reprendre cette rubrique culinaire, après quelques mois d’interruption, avec le Burgundy n’est pas un hasard, mais plus une volonté de placer la barre très haut. Et un défi lancé aux chefs et aux restaurants qui vont suivre, car ils auront la lourde tâche de se mesurer au chef-magicien Youssef Akiki, en charge des fourneaux. Ce dernier sait allier précision et intensité des saveurs et...

commentaires (1)

Je ne peux pas m'exprimer sur le marché qui existe à Beyrouth pour un publique qui va manger dans des endroits comme ca, mais personellement je serais déçu et je préfère plutôt un restaurant où on sert un plat libanais comme le freekeh au poulet, ou poisson avec sause sésame par exemple, ou "kibbeh avec arak". Mais il y a toujours des goûts différents "on ne discute pas des goûts et des couleurs" donc je peux m'imaginer qu'il y a certains gens qui aiment déguster la cuisine française à Beyrouth, pourquoi pas ... Peut-être que dans cette rubrique on va faire dans le futur une évaluation d'un restaurant qui offre un peu de cuisine libanaise.

Stes David

11 h 09, le 30 mars 2019

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Je ne peux pas m'exprimer sur le marché qui existe à Beyrouth pour un publique qui va manger dans des endroits comme ca, mais personellement je serais déçu et je préfère plutôt un restaurant où on sert un plat libanais comme le freekeh au poulet, ou poisson avec sause sésame par exemple, ou "kibbeh avec arak". Mais il y a toujours des goûts différents "on ne discute pas des goûts et des couleurs" donc je peux m'imaginer qu'il y a certains gens qui aiment déguster la cuisine française à Beyrouth, pourquoi pas ... Peut-être que dans cette rubrique on va faire dans le futur une évaluation d'un restaurant qui offre un peu de cuisine libanaise.

    Stes David

    11 h 09, le 30 mars 2019

Retour en haut