Rechercher
Rechercher

Des trous dans le réquisitoire

Nul besoin d’être un virtuose de la rhétorique pour mettre en pièces l’aberrante logique développée le week-end dernier, à Beyrouth même, par Mike Pompeo. C’est précisément à ce méthodique travail de déconstruction que s’est livré Hassan Nasrallah, dans son apparition télévisée d’hier. Avec plus ou moins de bonheur, faut-il cependant regretter.

Le leader chiite avait beau jeu de dénoncer l’appel lancé aux Libanais par le secrétaire d’État américain, afin qu’ils se dressent courageusement contre la milice pro-iranienne, ce qui ne l’empêchait guère de clamer dans le même temps son attachement à… la stabilité du pays. Prêchant la chose et son contraire, le chef de la diplomatie US nous proposait en somme un gadget miracle : un remède de cheval, une peu ragoûtante potion magique, et qui plus est, vierge de toute garantie ou même d’un simple mode d’emploi.


Cette outrance du sieur Pompeo, c’était toutefois la partie facile. Moins convaincante en effet aura été l’argumentation développée, en marge de son réquisitoire, par Nasrallah, et qui visait à faire du couple israélo-américain la seule et unique source de déboires pour notre pays ; de l’Iran la dernière puissance régionale encore debout face au péril israélien ; et enfin du Hezbollah le vaillant gardien de la souveraineté nationale, doublé d’un modèle d’intégrité et de civisme.


Sur le premier point, et sans certes méconnaître les malveillantes intentions d’Israël ni la coupable partialité des États-Unis en faveur de celui-ci, il serait simpliste de faire l’impasse sur les autres visées régionales que suscite, de par sa position (et sa vulnérabilité congénitale !), le Liban. Aux vieilles prétentions de la Syrie s’est ainsi ajoutée, ces dernières années, la volonté de l’Iran de concrétiser un croissant chiite s’étendant jusqu’aux rivages libanais de la Méditerranée.


On a de la peine à croire qu’un tel épanchement a pour véritable objet de placer la République islamique en situation de confrontation directe avec Israël, plutôt que de supplanter un monde arabe en pleine déliquescence et accusé de déserter progressivement la cause palestinienne. En offrant à son acolyte Netanyahu la propriété du Golan syrien, Donald Trump ne pouvait que paver la voie à tous les extrémismes, et le Hezbollah aura été un des premiers à s’engouffrer dans la brèche. En exigeant l’abandon par la Ligue arabe du plan de paix saoudite entériné lors du sommet de Beyrouth de l’an 2002, en appelant à un retour à la case zéro (celle de la résistance armée), c’est en effet à des décennies d’aventures guerrières que Nasrallah paraît vouer la région.


Fortement sujette à caution est enfin l’image d’un Hezbollah qui se pose en serviteur des institutions étatiques, alors qu’il s’estime toujours libre de mener, en Syrie comme au Yémen ou ailleurs, sa propre politique étrangère et de défense. Qui, assez ironiquement, peut très bien se porter garant de la stabilité interne, aussi longtemps toutefois qu’il a la bonté de laisser ses armes au placard. Qui, enfin, se veut le pourfendeur de la corruption alors qu’il est accusé (et pas seulement par les Américains) de se livrer à divers et lucratifs trafics, aux dépens du Trésor public.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Nul besoin d’être un virtuose de la rhétorique pour mettre en pièces l’aberrante logique développée le week-end dernier, à Beyrouth même, par Mike Pompeo. C’est précisément à ce méthodique travail de déconstruction que s’est livré Hassan Nasrallah, dans son apparition télévisée d’hier. Avec plus ou moins de bonheur, faut-il cependant regretter.Le leader chiite avait beau...