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Liban - Projet de mégacimenterie à Aïn Dara

Bou Faour désavoue son prédécesseur et... le Conseil d’État

Le nouveau ministre de l’Industrie dénonce des irrégularités au niveau du permis, alors qu’a eu lieu hier un sit-in observé par des habitants, des responsables municipaux et des militants de la société civile.

Le ministre de l’Industrie, Waël Bou Faour, recevant une délégation des manifestants de Aïn Dara et des environs. Photo ANI

L’affaire de la mégacimenterie al-Arz, que compte construire l’homme d’affaires Pierre Fattouche à Aïn Dara (caza de Aley), a été mise une nouvelle fois sur le tapis hier, à l’occasion d’un sit-in organisé par des habitants de la région devant le ministère de l’Industrie. C’est en effet ce ministère qui a délivré le permis pour cette cimenterie. Le nouveau ministre de l’Industrie, Waël Bou Faour (bloc joumblattiste), a néanmoins affiché une position nettement différente à cet égard de celle de son prédécesseur, Hussein Hajj Hassan (Hezbollah).

S’adressant à la délégation de manifestants qu’il a reçue dans son bureau, parmi lesquels un membre du Parti socialiste progressiste (son propre parti) et de nombreux présidents de municipalités des environs du terrain où devrait être construite la cimenterie, M. Bou Faour a déclaré être « sensible à la souffrance qu’a engendrée la décision de permettre la construction de cette usine ». « Nous savons que cette usine aura un impact environnemental considérable dans la région et pour les villages des environs, sur les deux versants de la montagne, du côté du Mont-Liban comme de la Békaa, a-t-il poursuivi. Nous sommes également au courant, en tant que partie politique, de la manière inappropriée dont ont été traités les habitants de la région et des tentatives de semer la discorde par des agissements qui ne respectent ni la loi, ni le système général, ni la liberté d’expression. »

Et d’ajouter : « La décision prise par le ministère de l’Industrie (avant son mandat, NDLR) et les décisions rendues par le Conseil d’État (favorables à la poursuite du projet, suite à un recours présenté par les municipalités et les habitants) – avec tous les points d’interrogation qui entourent, selon moi, les deux décisions du Conseil d’État – sont entachées de nombreuses irrégularités d’un point de vue légal. Il s’agit d’importantes lacunes légales : la loi n’a pratiquement pas été prise en considération quand ce permis a été accordé, sans compter les risques environnementaux et le refus exprimé par les habitants de la région. »

Dans ce contexte, M. Bou Faour a assuré que « le ministère est en train de réexaminer ce dossier à tous les niveaux, légal, environnemental et social ». « Jusque-là, nous avons découvert de nombreuses lacunes et erreurs légales, a-t-il affirmé. Bientôt, le ministère prendra une décision, non dans l’objectif de se venger de qui que ce soit, ni de favoriser qui que ce soit, mais en toute objectivité. »

Au cours du sit-in, qui avait rassemblé les présidents des municipalités de Aïn Dara, Qabb Élias, Charoun, Aïn Zhalta, Sofar et Mansouriyet Bhamdoun, ainsi que le moukhtar de Aazzouniyé et de nombreux environnementalistes, l’accent a été mis sur « la nécessité d’annuler purement et simplement ce permis ». Fouad Haïdamous, président du conseil municipal de Aïn Dara, a rappelé que Pierre Fattouche « dispose d’un permis d’exploitation de carrières dans la région d’une durée de 25 ans par décret ministériel exceptionnel », déplorant que les conséquences des actions de l’homme d’affaires « ne se limitent plus aux dégâts engendrés par ses carrières, mais bientôt à ceux relatifs à son projet de cimenterie qui sèmera la mort dans les environs ». Le ministre de l’Industrie « doit prendre une décision historique en annulant ce permis », a-t-il ajouté.

Abdallah Haddad, du Comité d’initiative civile, a, pour sa part, estimé que ce permis « légalise les crimes financiers, environnementaux et civils perpétrés contre la montagne de Aïn Dara depuis 25 ans ».


(Lire aussi : À Aïn Dara, un groupe civil porte plainte contre un grand propriétaire de carrière)

Réponse de la cimenterie

La réponse de la cimenterie al-Arz aux déclarations du ministre et au sit-in des habitants n’a pas tardé. Un communiqué de la compagnie précise que « le permis accordé pour la construction de la cimenterie n’est pas entaché d’irrégularités comme l’affirment les manifestants, il est tout à fait conforme aux normes légales, techniques et environnementales, comme cela a été confirmé par les deux décisions du Conseil d’État, définitives et non susceptibles de recours ». « Il n’est plus permis à aucune autorité, qu’elle soit ministérielle, administrative, judiciaire ou populaire, comme les organisateurs de ce sit-in, de critiquer le permis en question », souligne le texte.

Le communiqué insiste sur le fait que cette décision « doit être désormais mise en application, comme toutes les décisions de justice qui sont contraignantes pour les ministères et les administrations concernées, notamment la municipalité de Aïn Dara », soulignant que les décisions du Conseil d’État montrent que le projet est conforme à toutes les normes, notamment celles de la protection de la santé et de l’environnement. Le texte précise que « l’usine sera éloignée des zones résidentielles et de la réserve des Cèdres du Chouf, sachant que le projet a fait l’objet d’une étude d’impact environnemental approuvée par le ministère de l’Environnement ». Il ajoute que les détracteurs du projet sont « une minorité » et les accuse « d’agressions » contre la compagnie.


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