À Alger, les gens sont immédiatement descendus dans la rue pour célébrer l’annonce faite par Abdelaziz Bouteflika de ne pas briguer un 5e mandat, mais beaucoup restent sceptiques. Zohra Bensemra/Reuters
« Une fois de plus, Bouteflika viole la Constitution ! » C’est avec beaucoup d’amertume que Abderrahmane, ingénieur en informatique à Blida, les yeux rivés sur son fil d’actualité Facebook, a accueilli les dernières décisions du président Abdelaziz Bouteflika, en poste depuis 1999, de renoncer à un cinquième mandat et de reporter l’élection présidentielle.
En effet, contre toute attente, Abdelaziz Bouteflika a annoncé lundi 11 mars renoncer à briguer un cinquième mandat et le report sine die de l’élection présidentielle, qui devait se tenir le 18 avril prochain. « Il n’y aura pas de cinquième mandat et il en n’a jamais été question pour moi », affirme le chef de l’État, dans un courrier relayé par l’agence officielle APS.
Dans le même temps, le dirigeant algérien, confronté à un mouvement de protestation inédit et massif depuis trois semaines et une grève partiellement suivie par des entreprises publiques et des commerçants depuis dimanche 10 mars, a également indiqué la mise en place d’une conférence nationale et inclusive. Dotée d’un mandat courant jusqu’à fin décembre 2019, cette conférence sera chargée d’élaborer un projet de Constitution pour une deuxième République. Ce projet sera soumis à un référendum, explique le président, sans préciser de date. Cette conférence aura également pour mission de fixer une date pour une élection présidentielle à laquelle Abdelaziz Bouteflika s’engage à ne pas prendre part.
Si à Alger ces décisions ont été célébrées par un concert de klaxons parmi les manifestants, beaucoup restent sceptiques. « J’essaie d’y voir de la bonne volonté mais ce n’est pas évident. Bouteflika c’est comme un ami qui nous a trop menti. Il dit peut-être vrai aujourd’hui, mais j’ai du mal à le croire », déclare Samia, une étudiante en médecine qui vit à Sétif.
(Lire aussi : De la candidature de Bouteflika au renoncement)
Sabiha, qui a participé aux marches anti-Bouteflika organisées vendredi dernier à Alger, ne cache pas sa déception. « De prime abord, on pourrait penser que le mouvement de contestation a commencé à porter ses fruits. Mais tel que notre système nous a habitués, on sait qu’il s’agit d’une énième manœuvre pour se cramponner au pouvoir. Là on se retrouve avec un président qui reste au pouvoir jusqu’à une date que personne ne connaît », s’inquiète la jeune femme de 30 ans, qui travaille dans une agence de communication. Avant de lâcher, avec dépit : « On est devenu une monarchie malgré nous. »
Pour Abderrahmane, il n’est pas non plus question de parler de victoire des manifestants. « On ne peut pas se réjouir de ces annonces car elles ne correspondent pas à la volonté du peuple. Nous, ce que nous avons demandé, c’est d’abord la démission de Bouteflika », rappelle le fondateur d’un bureau d’étude et de conseil en informatique. Et de poursuivre : « C’est pire que s’il avait gagné un cinquième mandat en fraudant aux élections. Là, il s’offre carrément une prolongation de mandat sans passer par les urnes. »
Malgré les mesures annoncées, la mobilisation pour le départ d’Abdelaziz Bouteflika ne devrait pas s’essouffler. Des appels à une marche populaire vendredi prochain sont diffusés sur les réseaux sociaux. Et le mouvement spontané commence à se structurer. « Nous sommes en train de discuter sur les réseaux sociaux de nous organiser en comités : avocats, étudiants, médecins etc. On pourrait élire des représentants », révèle ainsi Samia.
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Les algériens ont eu beaucoup de chance que les cellules dormantes wahabites n'ont pas reçu l'ordre de tirer sur la foule . Pourquoi ? On ne le saura jamais .
11 h 14, le 12 mars 2019