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Moyen Orient et Monde - Analyse

Avec la condamnation de Barbarin, la fin d’un tabou dans l’Église catholique de France

Le cardinal français Philippe Barbarin a annoncé sa démission lors d’une conférence de presse le 7 mai 2019 à Lyon. Jean-Philippe Ksiazek/AFP

La condamnation du cardinal Philippe Barbarin, plus haut dignitaire de l’Église de France, marque la fin d’un tabou dans ce pays et montre que les représentants les plus gradés de la hiérarchie catholique française peuvent « quitter leur piédestal », affirment observateurs et sociologues.

Condamné jeudi à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les abus sexuels d’un prêtre, Philippe Barbarin a annoncé qu’il allait remettre sa démission au pape. Il fera également appel du jugement.

Il s’agit en France du plus haut représentant de l’Église condamné, après deux évêques en 2001 et 2018. Le pays, considéré comme « la fille aînée de l’Église » depuis que son roi Clovis Ier a été le premier souverain « barbare » à devenir chrétien au Ve siècle, restait jusqu’alors à l’écart des condamnations de très hauts dignitaires : en Australie, le cardinal George Pell, un des plus proches conseillers du pape, a été condamné pour viol sur mineur, et aux États-Unis, l’ex-cardinal Theodore McCarrick a été défroqué mi-février après des accusations d’abus sexuels.

« Un grand tabou est tombé », celui qui est à la fois « prêtre, archevêque, cardinal et primat des Gaules – ce qui fait de lui le plus haut dignitaire de l’Église de France – vient d’être condamné par la justice des hommes à une peine de prison », affirme le sociologue des religions Olivier Bobineau.

Selon lui, « on assiste à un changement de paradigme : depuis le concile Vatican I en 1871, l’Église catholique fonctionne sur un principe hiérarchique sacré : le pape, infaillible, le représentant de Dieu sur terre avec les dignitaires de l’Église, veut conduire les hommes et les femmes vers leur salut. Ils sont donc à part de la société pour les catholiques, ils sont sacrés, en quelque sorte intouchables ». « Or, avec le jugement de Barbarin, tout bascule ! » dit il. « On passe à un paradigme où les plus hauts dignitaires peuvent tomber de leur piédestal pour être à égalité de jugement et de traitement avec leurs concitoyens, catholiques ou non », ajoute-t-il.


(Lire aussi : Avec la condamnation de Barbarin, "les temps ont changé pour l’Église")


L’étau se resserre

« L’Église n’est plus une forteresse. C’est devenu une institution comme les autres », avec « des responsabilités », constate également Jean-Pierre Denis, rédacteur en chef de l’hebdomadaire catholique La Vie.

« Quelque chose d’important se passe », « L’étau se resserre », estime pour sa part Christine Pedotti, directrice de la publication Témoignage chrétien, qui avait appelé en septembre à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les crimes de pédophilie commis par le clergé. « C’est un signe fort que la justice s’empare de ces affaires-là », selon elle.

« Ce qui a tout changé, c’est la prise de parole des victimes », jugeait hier le quotidien chrétien La Croix dans son éditorial. « Et de ce point de vue, les victimes de l’abbé Preynat ont fait œuvre de pionniers », ajoute le journal. Le cardinal Barbarin a été condamné pour ne pas avoir dénoncé à la justice les abus du père Bernard Preynat.

« Il est évident que cette décision va considérablement inciter les gens à prendre la parole », renchérit François Devaux, l’un des plaignants au procès Barbarin, cofondateur de l’association de victimes La Parole libérée. Le film de François Ozon Grâce à Dieu, qui raconte l’histoire de son association, connaît d’ailleurs un franc succès en salle, avec 483 820 entrées en deux semaines d’exploitation.


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La condamnation du cardinal Philippe Barbarin, plus haut dignitaire de l’Église de France, marque la fin d’un tabou dans ce pays et montre que les représentants les plus gradés de la hiérarchie catholique française peuvent « quitter leur piédestal », affirment observateurs et sociologues.Condamné jeudi à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les abus...

commentaires (1)

Tout est très clair: par ce verdict invraisemblable, c'est l'Eglise, et ses positions concernant la famille et le droit à la vie, qui est visée, et non Philippe Barbarin. Le Primat des Gaules n'est qu'un bouc émissaire. D'ailleurs, lorsque celui-ci avait soutenu la "Manifestation Pour Tous" contre le "mariage" homosexuel, des appels avaient été lancés - y compris de la part de personnalités politiques - réclamant sa démission: c'est maintenant chose faite.

Yves Prevost

07 h 40, le 09 mars 2019

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Commentaires (1)

  • Tout est très clair: par ce verdict invraisemblable, c'est l'Eglise, et ses positions concernant la famille et le droit à la vie, qui est visée, et non Philippe Barbarin. Le Primat des Gaules n'est qu'un bouc émissaire. D'ailleurs, lorsque celui-ci avait soutenu la "Manifestation Pour Tous" contre le "mariage" homosexuel, des appels avaient été lancés - y compris de la part de personnalités politiques - réclamant sa démission: c'est maintenant chose faite.

    Yves Prevost

    07 h 40, le 09 mars 2019

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