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Liban - Rencontre

Ghassan Atallah, un ministre d’État pour les Déplacés décidé à fermer son ministère dans trois ans !

Bien qu’il ait peu de souvenirs de son village Botmé, dont sa famille avait été chassée dans les années soixante à cause d’un portrait de Abdel Nasser, Ghassan Atallah, l’actuel ministre d’État pour les Déplacés, a toujours gardé dans son cœur l’image de son Chouf natal et l’espoir d’y revenir. Une partie de sa famille avait été tuée sur place et son père avait alors choisi de s’installer au Koweït, où le jeune Ghassan est resté jusqu’à l’âge de 18 ans. Pendant toute cette période, il n’avait pas vraiment de contact avec le Liban et encore moins avec la politique libanaise. Mais il rêvait beaucoup de son pays et de la vie qu’il pourrait y mener, d’autant que dans sa famille, on ne l’a pas élevé dans un climat de vengeance et de rancœur.

L’installation de sa famille au Koweït lui avait permis d’avoir des amis de plusieurs nationalités arabes. C’est ainsi qu’il se trouvait chez un ami en Égypte, lorsque Saddam Hussein a envahi le petit émirat. Il a dû donc rester au Caire et y poursuivre ses études universitaires. C’est là qu’il voit un hebdomadaire libanais (as-Sayyad) ayant en couverture Dany Chamoun. À l’intérieur, il y avait un long article sur le général Michel Aoun. Pour le jeune homme ayant vécu dans les pays arabes, avec au cœur un amour nostalgique et flou pour le Liban, ce fut le déclic. Certes, il n’a vécu l’enthousiasme des foules qui se dirigeaient vers le palais de Baabda en 1988 et la guerre qui s’est ensuivie qu’à travers ce qu’en rapportaient les médias, mais désormais sa décision était prise, il voulait rentrer au Liban. La tragédie du 13 octobre 1990 ne l’a pas découragé. Bien au contraire. Et c’est donc en 1991 qu’il revient pour la première fois au Liban. Il comptait y passer une dizaine de jours, il n’y reste que trois, après avoir reçu deux gifles de la part d’un soldat syrien à l’aéroport. Loin d’être découragé, il décide de s’installer définitivement au Liban à partir de 1992. Il ne connaissait pas les aounistes, mais il a commencé à militer seul, écrivant des graffitis sur les murs à la nuit tombée. Petit à petit, il a intégré de petits groupes et l’action militante est devenue mieux organisée... au point de provoquer des frictions avec l’armée libanaise, à partir de 1996. Ghassan Atallah a ainsi fait à plusieurs reprises de la prison et il en parle aujourd’hui avec humour. De 1996 à 2005, il affirme avoir eu le même parcours que celui de nombreux aounistes. En 2005, il avait dressé une tente au centre-ville, dans laquelle il attendait avec ses compagnons le retour du « général » au Liban. Une fois ce dernier rentré, les militants sont allés le voir à Rabieh. Ghassan Atallah se souvient de son immense émotion en lui serrant la main, même si « le général » ne lui a pas accordé plus d’attention qu’à ses compagnons.

Mais il faisait désormais partie du Courant patriotique libre et en 2009, on lui a confié la coordination dans la montagne, sachant qu’il y avait eu un recul de la popularité du général Aoun dans cette région en comparaison avec 2005. Du Chouf, qu’il a appris à aimer et où sont ses racines, Ghassan Atallah ne connaissait pas grand-chose. Il a pris son temps avant de rencontrer les habitants chrétiens et druzes. Pour resserrer les rangs des chrétiens, il avait décidé d’organiser une soirée dans un restaurant à Damour. Le général Aoun lui avait dit : si tu réunis plus de 1 000 personnes, j’y viendrai ! Il en a réuni 1 750, du jamais-vu pour une soirée partisane chrétienne dans la région. L’événement a été une réussite et depuis, Ghassan Atallah s’attendait à tout moment à être convoqué chez Walid bey. Il en rêvait même la nuit. De fait, un jour, on lui a transmis une invitation de la part de Walid

Joumblatt. Ghassan Atallah en a parlé auparavant avec le général Aoun, qui lui a demandé de ne pas le provoquer et de se contenter d’écouter ce que le leader druze avait à lui dire. La rencontre s’est bien passée et entre les deux hommes, les contacts se sont poursuivis tout au long des dernières années, avec pour objectif de régler les problèmes éventuels entre les deux camps ou de les empêcher de se développer. Grâce à cette mission qui lui a été confiée par le CPL, Ghassan Atallah a appris à bien connaître le Chouf où il a fait le tour de tous les villages et localités, passant la nuit chez les habitants et vivant avec eux leurs problèmes. Aux dernières législatives, il a obtenu le plus grand nombre de voix chrétiennes dans les villages, excepté les deux grandes localités de Deir el-Qamar et de Damour. Ce qui est le signe qu’il est très populaire auprès des villageois du Chouf profond, dont il connaît les besoins à la perfection.

Sa nomination pour le portefeuille des Déplacés ne l’a pas vraiment surpris, même si elle a été décidée le dernier jour. Grâce à ses fonctions au CPL, il avait en effet établi des projets concrets pour le développement de la montagne. Selon lui, le ministère des Déplacés ne devrait plus exister et il devrait être remplacé par des projets de développement durable qui pousseraient les habitants à rester chez eux toute l’année et à mieux exploiter les richesses de leur région. Il s’est fixé comme objectif de fermer ce ministère dans un délai de trois ans. Il projette d’ailleurs d’organiser un congrès sur « l’après-ministère des Déplacés » et il en a déjà parlé avec les responsables. Depuis sa désignation, il s’est en effet rendu à Baabda, à Aïn el-Tiné et au Sérail, et récemment, il a eu un long entretien avec Walid Joumblatt.

À ses interlocuteurs, il a expliqué qu’il ne vient avec aucune arrière-pensée politique ou autre, n’ayant d’autre objectif que celui d’améliorer les conditions de vie des déplacés de retour chez eux, et des habitants restés sur place, dans la montagne et dans toutes les autres régions du Liban ayant connu des déplacements de population. Selon lui, il y a beaucoup de travail à faire dans ce domaine. C’est pourquoi il a décidé de mobiliser les 140 fonctionnaires du ministère, dont certains avaient pris de mauvaises habitudes au cours des dernières années, faute de travail sérieux ou de décision politique. Désormais, ils sont présents et font preuve de bonne volonté, car le ministre affirme vouloir des réalisations. Il sait en effet que s’il parvient à clore ce dossier douloureux, il aura contribué à guérir enfin une des plaies de la guerre.


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commentaires (4)

Deux adages : - Personne ne laisse son village de bon coeur. On a toujours la nostalgie du pays où l'on est né. - Un Libanais ne s'exile jamais, il s'absente.

Un Libanais

15 h 12, le 05 mars 2019

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Commentaires (4)

  • Deux adages : - Personne ne laisse son village de bon coeur. On a toujours la nostalgie du pays où l'on est né. - Un Libanais ne s'exile jamais, il s'absente.

    Un Libanais

    15 h 12, le 05 mars 2019

  • TRES TOUCHANTE L'HISTOIRE DE SON ENFANCE, ADOLESCENCE ET SA JEUNESSE. LE PLUS TOUCHANT EST LA CONFIRMATION DE L'EBLOUISSEMENT DE CE MR. DEVANT LE CHARISME DE M AOUN LORS DES GUERRES DE LIBERATIONS ET L'AUTRE FRATRICIDE D'ELIMINATION. KHAYY !

    Gaby SIOUFI

    14 h 52, le 05 mars 2019

  • Je viens de lire dans L'Orient-Le Jour que Berry accuse le gouvernement libanais de faire la politique de l'autruche... Il est facile d'attaquer son pays pour gagner la sympathie d'un autre. Nabih Berry accuse notre gouvernement de faire la politique de l'autruche en ne prenant pas langue avec la Syrie au sujet du retour des réfugiés... Estez Nabih, pourquoi ne dites-vous pas cela à la Syrie au sujet du retour de ses concitoyens syriens chez eux en Syrie ? Ces réfugiés sont-ils Libanais ou Syriens ?

    Un Libanais

    12 h 29, le 05 mars 2019

  • BONNES INTENTIONS. IL RESTE A VOIR LES PERFORMANCES

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 31, le 05 mars 2019

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